Le silence pendant Mozart, il est très bien aussi

Le silence en chanson 6/8
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L’une des citations les plus rabâchées à propos de la musique est probablement : « Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui. » C’est de Sacha Guitry. Le propos est discutable : Mozart a beaucoup souffert pour apprendre le contrepoint, s’inspirant sans relâche des maîtres du genre (voir par exemple ici). On pourrait donc dire que dans certains cas, le silence qui suit Mozart est peut-être de Bach ? Ou alors de John Cage ? D’Alphonse Allais ?

Qu’en est-il du silence pendant Mozart ? Écoutons l’ouverture de Don Giovanni. L’opéra débute par deux accords scandés par tout l’orchestre, chacun suivi d’un silence, qui apparaît dans sa vertigineuse verticalité sur la partition, une vraie merveille.

 

Il est intéressant de voir comment les chefs d’orchestre traitent ces deux silences. D’abord Theodor Currentzis. Je trouve que ça « presse » un peu. C’est le choix assumé et souverain du chef, qui confère un petit rien de fébrile à ce départ.

 

À comparer avec James Levine. Les silences plus longs et plus habités. J’aime bien son petit geste pour faire taire l’orchestre.

 

En bonus, une longue vidéo sur l’enregistrement de Don Giovanni par Theodor Currentzis et l’orchestre de l’Opéra de Perm. On parlait de contrepoint au début du post, il y en a un que j’aime beaucoup vers 1:25 : les trois voix graves de Don Giovanni, de Leporello et du Commandeur s’entremêlent.

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Claudine Lebègue en concert

Aujourd’hui, c’est mercredi. On fait quoi ce week-end ?
Les annonces du mercredi

Ce week-end, je vous recommande d’aller voir Claudine Lebègue. Les vendredi 7 et samedi 8 avril 2017, à la salle des Rancy, Lyon 3è. Tout est expliqué ici. Chérie Chérie, par Claudine Lebègue :

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Good Vibration

Le silence en chanson 5/8
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La musique avant-gardiste de John Cage n’a pas le monopole du silence. Écoutez bien dans Good Vibration des Beach Boys : toute une mesure de silence ! Mais ça dure tout au plus deux secondes, c’est vers 2:56, ici :

Si vous voulez voir les Beach Boys en vrai, c’est ci-dessous, avec notre petit silence vers 3:25 !!

Ce type de silence, ou de « break » est très habituel, mais il y a généralement un élément sonore qui persiste : batterie, synthé, note tenue quelconque terminant le mouvement précédent ou anticipant le suivant… voire élément sonore provenant d’un clip, par exemple dans Roar de Katy Perry, vers 3:00 (cliquez dessus pour l’aider à atteindre les deux milliards de vues sur youtube …).

Le silence net, pur et simple n’est pas si simple à dénicher. Mais la série se termine bientôt… Vous pouvez méditer sur le rôle essentiel du vide dans le Livre de la voie et de la vertu de Lao Tseu, grand texte taoïste.  Par exemple, c’est l’intérieur (vide) du vase qui lui permet de remplir sa fonction.

Je vous rappelle qu’on cherche toujours la chanson française avec le plus long silence (les Beach Boys et Katy Perry ne comptent pas du coup : ce n’est pas français, et leur silence est assez court ou assez bruyant). Et on veut une chanson, pas de politique. L’interview de Georges Marchais par Jean-Pierre Elkabbach ne compte pas non plus.

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4’33 » : un plagiat

Le silence en chanson 4/8
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Le post précédent n’était pas un bug. C’était un post vide, une sorte de carré blanc sur fond blanc à la Kasimir Malevitch, mais pour blog. Car pourquoi l’art du blog n’aurait-il pas son avant-garde ultra-minimaliste ?

En musique, le compositeur John Cage a eu une sorte de bonne idée, ou plutôt a cru l’avoir, en composant son célèbre 4’33 », parfois appelé 4 minutes 33 secondes de silence. C’est un morceau de musique entièrement silencieux. Je le dis tout net, l’écriture est très maladroite. Le manuscrit original (de 1952) est perdu, mais le premier interprète de la pièce, le pianiste David Tudor,  l’a reconstitué de mémoire. Assez curieusement, le chiffrage est 4/4.  Un tel carcan laisse bien trop peu de liberté d’interprétation aux musiciens. Les indications « tacet » (« on se tait » en latin), répétées pour chacun des trois mouvements dans des versions ultérieures de la partition, sont redondantes, ce qui pousse au sur-jeu. En l’espèce, c’est presque un excès d’ornementation.

Bref, cette pièce sur-écrite est finalement d’assez mauvais goût, bien loin de ce style épuré qu’on serait en droit d’attendre d’une œuvre silencieuse. Confier sa création à un pianiste était un parti-pris discutable : l’œuvre est-elle un manifeste prônant un retour à l’harmonie naturelle comme l’indique l’absence complète de dissonance ? Peut-être, mais pourquoi alors cette écriture toute horizontale ? L’ostinato serait donc plutôt une tentative de prouver la prééminence du rythme. Sans doute, mais la cellule rythmique répétée à l’identique ressemble plutôt à un cadre destiné à recevoir un développement mélodique… Le choix du piano, instrument à la fois harmonique, rythmique et mélodique ajoute donc à la confusion, là où des indications précises d’orchestration clarifieraient les intentions. Finalement, cette page de musique est à la fois sur-écrite et confuse, exploit unique dans toute l’histoire de la musique.

Cela ne m’a guère facilité la tâche quand j’ai essayé de jouer 4’33 » dans une réduction pour guitare que j’ai dû écrire moi-même, un comble pour une œuvre aussi célèbre : encore une preuve du mépris de la grande musique pour nous autres gratteux. Mes compétences parcimonieuses ne me laissaient qu’une seule autre option : la chanter, ou plutôt la solfégier, mais je n’ai trouvé aucune indication de tessiture (ou, à défaut, d’ambitus, ce qui m’aurait guidé pour la transposer).

Je laisse tomber la musique savante, c’est trop technique. Je ne vous passe pas le morceau : les interprétations disponibles sur le net laissent à désirer, il y a souvent des longueurs et c’est laborieux à force de sophistication. Et surtout, 4’33 » n’est qu’un plagiat.

Car je préfère de très loin la toute première œuvre musicale entièrement silencieuse, la Marche funèbre composée pour les funérailles d’un grand homme sourd, composée par Alphonse Allais en 1897. La partition est vraiment vide, il n’y a même pas de silence. C’est agréable à jouer, c’est délié, sans prétention, on se sent bien plus libre en termes d’interprétation, moins écrasé par toute l’érudition du compositeur. Bref, malgré le titre un peu pompeux, c’est bien une chanson. Allez, je vous la passe, « ces grandes douleurs étant muettes » comme disait Alphonse Allais.

En me documentant, j’ai en plus découvert qu’Alphonse Allais avait inventé le café lyophilisé, seule drogue que je consomme au quotidien, quel grand homme ! Sinon, le concours est toujours ouvert : quel est le plus long silence pendant une chanson (Alphonse Allais, ça ne compte pas, c’est toute la chanson qui est pendant le silence).

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La cane de Jef

Post spécial scoop

J’interromps la série en cours pour un scoop incroyable, que j’ai obtenu par un lanceur d’alerte anonyme, stagiaire au Soir de Bruxelles.  L’article doit sortir ce soir même sur cinq colonnes à la une… Héhé, je les grille de quelques heures, je sens que ça va buzzer.

Voilà, l’arrière grand-père de Jacques Brel, Hans Breexhsens, suite à la faillite frauduleuse de la pêcherie de harengs dont il avait la gérance au Spitzberg, a dû immigrer dans le sud de la France, où il s’est fait passer pour Italien afin de brouiller les pistes. Il a francisé son nom en Brassens et a refait sa vie, tous les lecteurs de ce blog connaissent le plus célèbre de ses rejetons. Il abandonnait derrière lui dans un orphelinat en Belgique un fils qui n’est autre que le grand-père maternel de Jacques Brel.

Jacques Brel et Georges Brassens étaient donc cousins au deuxième degré ! Le plus incroyable est que le producteur Jacques Canetti avait appris la chose. Il avait même proposé dans le plus grand secret une résidence d’artiste aux deux chanteurs pour composer une chanson ensemble. La seule contrainte était le titre : La cane de Jef. Il y en aurait un enregistrement pirate, je vous le passe dès que je mets la main dessus. En attendant, une chanson de Brassens tirée au sort, Histoire de Faussaire, accompagnée par Joël Favreau à la deuxième guitare et Pierre Nicolas à la contrebasse.

Pfou, comme dirait Brel, ça sent la morue jusque dans le cœur des frites aujourd’hui…

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