On lit aujourd’hui un extrait de la Préface de l’anthologie de la poésie française d’André Gide. Il s’adresse au poète anglais Alfred Edward Housman.
J’étais près de vous accorder que le peuple français était assez peu chanteur de nature. « De toute les nations polies, la notre est la moins poétique » disait Voltaire (et son œuvre lyrique en donnait la preuve). […] cette déficience sans doute nous valut-elle des règles prosodiques beaucoup plus strictes que ne furent celles de des peuples voisins. Ne pourrait-on dire que ces règles, parfois si gênantes pour l’essor inconsidéré, si contrariantes pour la spontanéité du poète, l’amenèrent en récompense à plus d’art, à un art plus parfait, un art souvent qu’aucun pays n’égale ?
Comme chanson du jour, je vous propose l’un des trois seuls enregistrements connus de Gaby Deslys, à peu près contemporaine d’André Gide. Elle était l’une des plus grandes vedettes du Music Hall en 1900. Sa chanson La Parisienne évoque déjà la mode de l’anglais.
Les meilleures choses ont une fin. À partir d’après-demain : punition, on reparle d’art majeur et d’art mineur. Pour conclure en beauté cette série, une plongée dans le passé. Brassens ne disait-il pas :
Eh bien, messieurs, qu’on se le dise Ces belles dames de jadis Sont de satanées polissonnes Plus expertes dans le déduit Que certain’s dames d’aujourd’hui, Et je ne veux nommer personne !
D’abord, Bessie Smith, I need a little sugar in my bowl. Je vous laisse découvrir les paroles à double sens.
Il m’a vue nue, petit trésor explicite du temps jadis. Par Mistinguett.
Par Emma Liebel.
Je voudrais en savoir d’avantage, une chanson d’André Hornez et Paul Misraki, que j’ai découvert en écoutant l’excellente émission Tour de chant, sur France Musique. Par Lyne Clevers.
Trouver sur le Facebook de Floréal Melgar, un texte paillard de Voltaire en personne. Gaillardise, par Lionel Rocheman.
Perle d’un passé plus lointain encore, Le lion amoureux, fable de La Fontaine récitée par Fabrice Luchini. Je lui emprunte un titre rétrospectif pour la série : « Si la vérité vous offense, la fable au moins se peut souffrir ».
Plongeons encore plus loin dans le passé… Les Stances de Ronsard, sur une musique de Guy Béart, chantées par un certain Pierre Desproges avant qu’il ne se lance dans la blague. Les paroles sont un peu massacrées, la musique aussi, mais le document est exceptionnel.
Mais quand au lit nous serons Entrelacés, nous ferons Les lascifs selon les guises Des amants qui librement Pratiquent folâtrement Dans les draps cent mignardises.
Encore quelque chose sur ce sujet qu’on ne quitte qu’à regret. La Fricassée parisienne, recueil de chansons de la Renaissance, avec de magnifiques polyphonies. Je vous recommande l’avant dernière piste, mise en musique par Clément Janequin d’un poème de Clément Marot, Un jour Robin vint Margot empoingner. On est quatre ou cinq siècles avant Gainsbourg… Par l’Ensemble Clément Janequin.
Un jour Robin vint Margot empoingner En luy monstrant l’oustil de son ouvraige Et sans parler la voulut besoingner. Mais Margot dit « vous me feriez oultraige Il est trop gros et long a l’avantaige ». « Bien, dist Robin, tout en vostre fendasse Je n’y mectray » ; adoncques il embrasse Et seullement la moytié y transporte. « Ha, dist Margot, en faisant la grimace, Boutez y tout, aussy bien suys je morte ».
La vidéo de Matthias Bouffay sur la chanson de sexe m’a bien aidé à préparer cette série. Allez voir la chaine YouTube de ce grand connaisseur de la chanson. Ici.
En ce 1er octobre, un post de saison, La Chanson d’Automne de Verlaine, mise en musique par Charles Trenet, sous le titre Verlaine, qui n’hésite pas à un peu tordre le texte (« blesse mon cœur » devient « berce mon cœur » par exemple). Et ceux pour qui les paroles de Gainsbourg dans le post précédent étaient mystérieuses (« Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais … ») trouveront là quelques éclaircissements.
Avant d’écouter, on continue notre enquête sur la présence de Verlaine dans la chanson, sous le haut patronage de Jorge Luis Borges, parrain de ce blog (à son corps défendant : j’ai emprunté le nom du blog à l’une de ses nouvelles, Le jardin aux sentiers qui bifurquent). Borges appréciait beaucoup Verlaine. Exemple, dans un entretien avec Jacques Chancel, Radioscopie, décembre 1979 :
______________________________ Si je pense à la France, je pense aussitôt à la Chanson de Roland, à Voltaire, à Taine… En poésie, à Hugo, mais surtout à Verlaine. Voilà un poète que je ne placerais évidemment pas au-dessus de Virgile, mais vous serez d’accord avec moi qu’en vertu de son incomparable innocence, il domine de loin toute la poésie française. J’ai par exemple la certitude qu’il écrivait d’un seul jet. Impression unique et tout à fait opposée à celle que me laisse Baudelaire, dont les textes « sentent le brouillon », nombreux et préalables. De Verlaine, on peut imaginer que tout lui est venu ou lui a été donné à son insu, qu’il écrivait en pensant à autre chose. Il y a comme une inconscience, une force de la nature, dans sa poésie. En tout cas, pas de « métier ».