La Chanson du boucher de Michèle Bernard

Bouchers, boucherie et chanson, 16/16

Pour me faire pardonner les jugements sévères du billet précédent, je vous propose pour finir La Chanson du boucher de Michèle Bernard.

L’excellente chronique de Bertrand Dicale sur France Info m’a bien aidé à préparer cette série, allez-y voir ici.

Les chemins de la philosophie sur France Culture vient de consacrer une émission aux aliments dans les Mythologies de Roland Barthes. Avec la lecture par ce dernier de son magnifique texte consacré au steak-frites. À écouter absolument, ici.

Vous venez de lire le 1300e billet du Jardin aux chansons qui bifurquent. Je ne sais pas à l’heure où j’écris ces lignes s’il y aura un billet dans deux jours car mon travail ne me laisse que peu de loisirs ces derniers temps… Vous verrez.

1 – Trois petits enfants s’en allaient glaner aux champs
2 – Comment inventer le mouton français ?
3 – Rue de l’Échaudé
4 – Elle est d’ailleurs
5 – Les crochets de bouchers
6 – L’hyper-épicier
6bis – Crochets francophones
7 – La viande commence par Vian
8 – Coagulation
9 – Professeur Choron, boucher et assassin
10 – Les garçons bouchers
11 – Jean-Claude Dreyfus
12 – Tout est bon dans le cochon (et réciproquement)
13 – Jean-Pierre Coffe en a un petit bout
14 – Mes bouchers
15 – Ficelle à rôti
16 – La Chanson du boucher de Michèle Bernard

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L’hyper-épicier

Bouchers, boucherie et chanson, 6/16

Aujourd’hui Bourvil nous chante La complainte du boucher.

Sinon, je me demande ce que Roland Barthes avait contre les bouchers. Extrait de d’une de ses Mythologies. Quelques paroles de M. Poujade.

Nous savons maintenant ce qu’est le réel petit-bourgeois : ce n’est même pas ce qui se voit, c’est ce qui se compte; or ce réel, le plus étroit qu’aucune société ait pu définir, a tout de même sa philosophie : c’est le « bon sens », le fameux bon sens des « petites gens », dit M. Poujade. La petite-bourgeoisie, du moins celle de M. Poujade (Alimentation, Boucherie), possède en propre le bon sens, à la manière d’un appendice physique glorieux, d’un organe particulier de perception : organe curieux, d’ailleurs, puisque, pour y voir clair, il doit avant tout s’aveugler, se refuser à dépasser les apparences, prendre pour de l’argent comptant les propositions du « réel », et décréter néant tout ce qui risque de substituer l’explication à la riposte. Son rôle est de poser des égalités simples entre ce qui se voit et ce qui est, et d’assurer un monde sans relais, sans transition et sans progression. Le bon sens est comme le chien de garde des équations petites-bourgeoises : il bouche toutes les issues dialectiques, définit un monde homogène, où l’on est chez soi, à l’abri des troubles et des fuites du «rêve» (entendez d’une vision non comptable des choses). Les conduites humaines étant et ne devant être que pur talion, le bon sens est cette réaction sélective de l’esprit, qui réduit le monde idéal à des mécanismes directs de riposte.

Pour une illustration de la sentence selon laquelle « le réel petit-bourgeois : ce n’est même pas ce qui se voit, c’est ce qui se compte », je vous renvoie à la série Quand l’esprit d’épicerie rencontre la révolution sexuelle, consacrée aux relations sexuelles précoces (en chansons), dans laquelle il apparaît que la chanson des années de la révolution sexuelle (années 1970 en gros) avait la manie de toujours citer les âges scandaleusement jeunes protagonistes, de Brassens à Sardou en passant par Antoine, Lenorman, etc. Le scandale se mesure objectivement.

Sinon, le boucher de Barthes, c’est l’hyper-épicier, avec « épicier » dans le sens de petit-bourgeois mesquin. Qu’on retrouve en chanson dans Les philistins, adaptation par Georges Brassens d’un poème de Jean Richepin.

1 – Trois petits enfants s’en allaient glaner aux champs
2 – Comment inventer le mouton français ?
3 – Rue de l’Échaudé
4 – Elle est d’ailleurs
5 – Les crochets de bouchers
6 – L’hyper-épicier
6bis – Crochets francophones
7 – La viande commence par Vian
8 – Coagulation
9 – Professeur Choron, boucher et assassin
10 – Les garçons bouchers
11 – Jean-Claude Dreyfus
12 – Tout est bon dans le cochon (et réciproquement)
13 – Jean-Pierre Coffe en a un petit bout
14 – Mes bouchers
15 – Ficelle à rôti
16 – La Chanson du boucher de Michèle Bernard

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409

En voiture 2/7
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Dans Mythologies, Roland Barthes écrivait :

Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique.

Que dire de la chanson alors ? On en parlera une autre fois.
409 des Beach Boys (déjà passée dans la série sur les nombres en chanson, ici).

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Antoine : récupéré par la société

De l’usage du mot « société » en chanson – 3/5
1 – 2 – 3 – 45

Pour qui veut tout faire péter pour faire finalement refleurir la Commune, c’est curieux de se présenter comme un successeur du chanteur Antoine, même avant que la « société » ne l’ait « récupéré ». Tiens encore un mot que je n’entends plus tellement, déjà présent dans la chanson du  tout premier post de ce blog : « récupéré ». Et oui, on est « récupéré » par la « société », tandis que « le système », on « en fait partie ». Gauche (société), avec lutte des classes, éveils de conscience et trahisons, contre droite (système) : chacun est déterminé par sa naissance, ses gènes, ou par on ne sait pas très bien quoi, l’important étant que chacun ait sa place et y reste. On notera qu’il y a une « sociologie », mais pas de « systèmologie » : le « système », on sait ce que c’est grâce au « bon sens », ce « chien de garde des équations petites-bourgeoises » comme disait Roland Barthes. Et oui, « tout le monde » sait bien qui « fait partie du système » et qui est « anti-système », pas besoin de grande théorie pour ça…

Quoi qu’il en soit, l’artiste a toujours raison, oh yé ! 

Société, tu m’auras pas, de Renaud. 



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Merci !

Merci ! 

Avant de démarrer une nouvelle série, je voulais dire un grand merci à ceux qui suivent ce blog, par exemple à « écureuil avisé », une internaute de Paris 10è pour son gentil commentaire sur Michèle Bernard. Je réponds à quelques questions parues dans les commentaires ou adressées directement.

À propos de l’adresse de ce blog

Un internaute anonyme demande pourquoi j’ai changé l’adresse du blog. Tout simplement parce qu’au départ je n’avais pas de nom valable pour ce blog. « Chanson du jour », c’était un peu nul, et déjà pris en plus. J’ai pensé à « Jardin aux chansons qui bifurquent », et j’ai voulu que l’URL soit conforme au nom du blog. Désolé pour les inconvénients occasionnés, c’est la dernière fois. 

À propos de l’École Normale Supérieure de Fontenay

Merci à NP, internaute de Lyon 6è de me signaler que, selon sa maman, la chanson de Maxime Le Forestier, Fontenay aux Roses, ne peut pas concerner l’École Normale Supérieure, aux motif que le texte ne colle pas à la réalité de l’École. Par exemple, les normaliennes n’avançaient pas en rang par deux. C’est oublier que les chansons sont parfois plus affaire de fantasmes que d’exactitude… Mais il est difficile de mener une enquête sérieuse sur cette affaire. Je tenais l’information de longue date et de je ne sais où : tout le monde sait bien que Maxime parle de l’ENS. La page wikipedia de la chanson est formelle sur ce point, mais ne cite aucune source :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fontenay-aux-Roses_%28chanson%29

Il pourrait bien s’agir d’une légende urbaine, ou plutôt peri-urbaine en l’espèce. Si quelqu’un détient une information étayée, merci d’en faire état (dans les commentaires tant qu’à faire, que tout le monde en profite).

À propos de Gainsbourg et de l’École Polytechnique

Merci à Henri, internaute de Paris 10è, pour son commentaire sur ma page facebook. J’ai dit plus haut que la chanson était plus affaire de fantasme que d’exactitude, mais je me demande si avec Gainsbourg, ça n’est pas le contraire, lui qui disait que la connerie est la décontraction de l’intelligence…   Nous parlons de Qui est « in » qui est « out », la chanson de Gainsbourg qui fait prétendument allusion à l’École Polytechnique (également appelée « X »). Voici le commentaire d’Henri :

« Non, Nicolas, « la botte » ça n’a rien à voir avec l’X, mais bien avec une relation sexuelle, dans un argot archaïque aujourd’hui : on entendait l’expression : proposer la botte à une dame… Et c’est davantage dans l’esprit de Gainsbourg auquel Polytechnique était assez étranger… »

Mouais… Revenons à la chanson. Le refrain relève de ce sous-genre de la chanson qui explore sous forme de liste toutes les modalités d’une certaine situation. Gainsbourg excellait dans cet exercice qu’il abordait avec une précision discrète, comme dans Les petits papiers ou Ford Mustang. Ici, le bref catalogue énumère des situations où il faut sortir dans les premiers d’un classement ou satisfaire aux exigences d’un décompte.

« Jusqu’à neuf tu es OK, tu in, après quoi, tu es KO, tu es out. C’est idem pour la boxe, le ciné la botte et le Cash Box ». À la boxe, il est bien connu que l’arbitre compte jusqu’à dix avant de proclamer le KO du boxeur à terre.  Le Cash Box était un magazine américain qui publiait des palmarès du hit-parade. Le ciné, je ne sais pas trop ce qu’il fait là, mais c’est probablement une référence au box-office. Reste la « botte »… C’est effectivement une relation sexuelle en vieil argot (je ne savais pas), mais qu’est-ce que ça viendrait faire parmi les classements alors ?  Tandis qu’à l’X,  la botte est précisément un classement, comme expliqué dans le post ici débattu.

L’expression « sortir dans la botte », au sens de « sortir bien classé d’une école », je l’ai entendue de mes propres oreilles il y a longtemps, à propos d’un collègue de mon papa, de qui je la tiens. Si moi je l’ai entendue, pourquoi pas Gainsbourg ? Avec les grandes oreilles qu’il avait…

Pour finir, qu’importe « l’esprit de Gainsbourg » ? Le texte n’a-t-il pas son autonomie ? Aïe, me voilà en train de resservir Contre Sainte-Beuve et de refaire le coup de Sur Racine 50 ans après Roland Barthes, à un internaute de Paris qui plus est… Ne rallumons pas la Querelle de la Nouvelle Critique à front renversé et pour si peu. Merci en tout cas de me signaler que Gainsbourg s’intéressait au sexe, ça m’aidera pour la suite de ce blog.

Place à Charles Trenet !

Merci enfin à Nathalie, internaute de Lyon 7è, qui nous signale dans un commentaire que Becassine de Brassens cite une chanson de Charles Trenet. C’est notre chanson du jour : Fleur bleue. À propos, qui saurait donner un autre exemple de chanson de Trenet citée par Brassens ?

Et n’oubliez pas de revenir demain, ça repart très fort avec une énorme énigme.

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