Répliques

J.-S. Bach dans la chanson 19/19

Ça y est, voilà le dernier billet de la série consacrée à Bach. Je voulais conclure, mu par un besoin obscur de comprendre les usages de Bach dans la culture populaire. Ils sont à la fois vastes et dispersés, si bien qu’il est difficile de s’y retrouver : preuve supplémentaire du génie polymorphe de Bach, de sa créativité et de sa perfection prodigieuse. Bach est un géant … le seul compositeur à avoir son émission hebdomadaire sur France Musique, Le Bach du dimanche, tous les dimanches à 7h, rien que son répertoire, planté pour une durée indéterminée dans la fixité de la grille des programmes, comme s’il était inépuisable.

J’ai été surpris de tout ce que j’ai trouvé en creusant dans différentes directions. L’air Jesus que ma joie demeure inspire un attelage bigarré : Les compagnons de la chanson, Frida Boccara, Dave ou les Beach Boys, et il traîne par-ci par-là, dans un sketch des Inconnus, un autre de Jean Yanne, et même un épisode de Columbo que j’ai regardé par hasard la semaine dernière (impossible de trouver une vidéo). Comme le biologiste qui trouve cinquante nouvelles formes de vie dans la goutte d’eau d’un étang, et puis en croise encore une ou deux autres par hasard sur le chemin du retour, je soupçonne qu’il suffirait de creuser pour trouver encore et encore.

En chanson, on entend quelques mélodies de Bach et parfois son nom. Au-delà de la chanson, on le retrouve dans la pop, le jazz, le rock progressif et le heavy metal. On le trouve, ou peut-être croit-on le trouver partout, des Tontons flingueurs jusque dans des théorèmes de logiciens autrichiens ou dans les pages blanches des carnets secrets de la chanteuse Camille.

Mais voilà, je ressens un curieux malaise : j’adore la chanson, le rock ou le jazz, ainsi que Bach. Mais presque toutes les chansons de la série sont moyennes ou médiocres à mon goût. On essaye de plaquer des paroles de variétés sur une musique de Bach, vraie ou fausse, mais le plus souvent, on voit un peu la couture entre les deux. On essaye de faire swinguer Bach, mais on en retient plus la présence de Bach qu’on en ressent le charme du swing. Bref, la musique de ces dernières décennies a plutôt besoin de Bach que de sa musique, et son usage me semble moins une inspiration qu’une proclamation.

Une digression comme point de comparaison : les usages en variété des musiques de Bach font pâle figure à côté de la fusion parfaite entre la musique romantique et la chanson de variété opérée par Gainsbourg, qui a su mettre sur ce coup des arrangeurs talentueux comme Alain Goraguer. On en reparlera bientôt. D’ailleurs, la seule chanson vraiment réussie de la série sur une musique de Bach, je trouve que c’est Sur un prélude de Bach, et justement on trouve aux commandes Jean-Claude Vannier, arrangeur de variété, un temps compagnon de Gainsbourg, et puis qui a beaucoup réfléchi à tout ce qu’il faisait. On a vu que sa chanson n’est pas exempte de contre-sens, comme s’il fallait un peu mentir pour bien faire fusionner Bach et chanson. On reparlera de Jean-Claude Vannier plus tard…

Alors pourquoi citer Bach à tort et à travers ? Pourquoi veut-on Bach, pourquoi a-t-on besoin de Bach ? Je risque une hypothèse : Bach, c’est l’Occident, ou l’Europe. Le seul compositeur dont le mythe puisse lui être comparé est bien sûr Mozart. Mais dans nos représentations, je dirais que Mozart est plutôt perçu comme universel, une sorte de don fait à l’humanité toute entière, l’intercesseur d’une musique divine ou naturelle. Tandis que la musique de Bach est le fruit du travail acharné d’un homme seul, une combinaison originale de science et de religion, un peu comme notre civilisation. Il nous plait à tous que Bach soit du jazz, ou que le jazz soit du Bach, chacun selon sa pente.

Pour finir, le générique de Répliques, l’émission d’Alain Finkielkraut sur France Culture : Les variations Goldgerg. Le générique proprement dit commence vers 3:00, au moment ou s’épanouit un contrepoint énergique à deux voix qui symbolise le dialogue contradictoire, thème de l’émission. Par Glenn Gould, une musique de Jean-Sébastien Bach bien sûr.

1 – Un flingueur nommé Jean-Sébastien Bach
2 – Un tube de Bach
3 – Bach demeure dans un camion
4 – Encore du Bach par Frida Boccara
5 – Bach jazzman
6 – Bach swingue
7 – All you need is Bach
8 – Blondie is Bach
9 – Un métaleux appelé Bach
9bis – Bach, cet inconnu
10 – Bach popstar
11 – American Tune
12 – Un geek appelé Bach
13 – Un crabe appelé Bach
14 – Une fugue pas de Bach
15 – Bach s’invite chez les Le Forestier
16 – Maurane vs Gould
17 – Variations sur un prélude (de Bach)
18 – Un blagueur nommé Glenn Gould
19 – Répliques

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Un blagueur nommé Glenn Gould

J.-S. Bach dans la chanson 18/19

On a un peu parlé du pianiste Glenn Gould dans cette série. Ses interprétations de Bach ont vraiment marqué, mais il a aussi composé dans la manière du maître. Par exemple cette chanson pleine d’humour qui évoque Bach. So you want To write a fugue?

Paroles de sagesse à méditer :

So just ignore the rules and try,
And the fun of it will get you,
And the joy of it will fetch you,
It’s a pleasure that is bound to satisfy.
So why not have a try?
You’ll decide that John Sebastian,
Must have been a very personable guy.

But never be clever for the sake of being clever,
For a canon in inversion is a dangerous diversion
And a bit of augmentation is a serious temptation
While a stretto diminution is an obvious solution
Never be clever for the sake of being clever
For the sake of showing off.

Pour mieux faire connaissance, Glenn Gould off the record.

Sinon, vous saviez que Mozart était un mauvais compositeur ? Sans ça, il aurait eu le droit à sa série comme Bach.

Un extrait du film Amadeus. Mozart joue à la manière de Bach. C’est fantaisiste historiquement, mais c’est intéressant sur la perception des deux plus grands génies de la musique classique.

1 – Un flingueur nommé Jean-Sébastien Bach
2 – Un tube de Bach
3 – Bach demeure dans un camion
4 – Encore du Bach par Frida Boccara
5 – Bach jazzman
6 – Bach swingue
7 – All you need is Bach
8 – Blondie is Bach
9 – Un métaleux appelé Bach
9bis – Bach, cet inconnu
10 – Bach popstar
11 – American Tune
12 – Un geek appelé Bach
13 – Un crabe appelé Bach
14 – Une fugue pas de Bach
15 – Bach s’invite chez les Le Forestier
16 – Maurane vs Gould
17 – Variations sur un prélude (de Bach)
18 – Un blagueur nommé Glenn Gould
19 – Répliques

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Maurane vs Gould

J.-S. Bach dans la chanson 16/19

Aujourd’hui, Maurane chante Sur un prélude de Bach. La musique est une adaptation par Jean-Claude Vannier du célèbre Prélude en do majeur du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach.

Je trouve ça plutôt réussi, mais il y quelques contresens curieux. Les paroles font référence au pianiste Glenn Gould. Il était connu pour son jeu assez peu lié. Bien adapté à la mise en lumière de l’architecture contrapuntique des compositions de Bach au demeurant. Écoutez plutôt son interprétation du prélude en do majeur. Les notes sont très détachées, c’est presque sautillant par moment. Rien à voir avec ce qu’on entend à l’arrière plan de la chanson de Vannier.

Pour comparer, écoutez l’interprétation de Sviatoslav Richter. Je trouve qu’il y a plus de sentiment, ça correspond bien mieux à l’ambiance de la chanson de Vannier / Maurane.

Mais pourquoi Vanier vient nous bassiner avec Glenn Gould pour évoquer une ambiance disons romantique et à l’opposé de ses interprétations ? Et alors que le piano à l’arrière plan ne joue pas du tout à la manière de Gould ? Je risque quelques hypothèses. D’abord, Gould est célèbre, il est beaucoup passé à la télé, même le public qui n’écoute pas de classique peut connaître : «  ah bah oui, Glenn Gould joue Bach », même moi je connais, alors c’est dire. Et puis essayez de caser « Sviatoslav Richter » dans des paroles… « Glenn Gould » ça sonne mieux, ça claque, les consonnes percutent, c’est trop bien. Alors va pour Glenn Gould, Richter va pas faire un procès de toute façon.

Glenn Gould et Sviatoslav Richter avaient donc des approches assez opposées. J’ai trouvé quelques commentaires de Gould là-dessus, très intéressant.

1 – Un flingueur nommé Jean-Sébastien Bach
2 – Un tube de Bach
3 – Bach demeure dans un camion
4 – Encore du Bach par Frida Boccara
5 – Bach jazzman
6 – Bach swingue
7 – All you need is Bach
8 – Blondie is Bach
9 – Un métaleux appelé Bach
9bis – Bach, cet inconnu
10 – Bach popstar
11 – American Tune
12 – Un geek appelé Bach
13 – Un crabe appelé Bach
14 – Une fugue pas de Bach
15 – Bach s’invite chez les Le Forestier
16 – Maurane vs Gould
17 – Variations sur un prélude (de Bach)
18 – Un blagueur nommé Glenn Gould
19 – Répliques

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So, you want to write a fugue ?

J.-S. Bach dans la chanson – 5/5
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Pour rester encore un dernier jour dans l’univers de Bach, un petite curiosité : une sorte de chanson composée par Glenn Gould lui-même, dans la manière de Bach. Gould était parait-il très autiste, mais il ne manquait pas d’humour.   So, you want to write a fugue ?

Ce n’est qu’un au revoir mes frères, on reverra le grand Jean-Sébastien Bach de temps à autre dans ce blog, je vous le promets.

Cette série vous a plu ? On en reparle dans les billets suivants :
Bach et l’ouchanpo
Petite fugue, grands malentendus
Fuir le bonheur
American Tune
Dave fan de Bach
Gödel, Escher et Bach

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