Le mouvement punk mettait en avant l’inadaptation à la société, et donc une forme de handicap. On en trouve trace par exemple dans Salut à toi de Bérurier Noir. Cette chanson énumérative fait trois mentions du handicap :
Salut à toi le mongolien Salut à toi l’unijambiste Salut à toi l’handicapé
Le mouvement punk mettait aussi en avant la provocation. On a déjà vu Corinne des Nonnes Troppo. Aujourd’hui, je vous propose Moquons-nous des handicapés, par Cannibal Penguin. Mais sont-ils punks ? J’ai vérifié, en fait, il n’y a pas de marque déposée.
Finalement, je préfère les pré-punks aux post-punks. Brigitte Fontaine, Je suis inadaptée. Une chanson de Jean-Claude Vannier.
Ou même les quasi-punk. La grosse papille, par les VRP (merci à Pierre C. pour la suggestion).
Ça y est, voilà le dernier billet de la série consacrée à Bach. Je voulais conclure, mu par un besoin obscur de comprendre les usages de Bach dans la culture populaire. Ils sont à la fois vastes et dispersés, si bien qu’il est difficile de s’y retrouver : preuve supplémentaire du génie polymorphe de Bach, de sa créativité et de sa perfection prodigieuse. Bach est un géant … le seul compositeur à avoir son émission hebdomadaire sur France Musique, Le Bach du dimanche, tous les dimanches à 7h, rien que son répertoire, planté pour une durée indéterminée dans la fixité de la grille des programmes, comme s’il était inépuisable.
J’ai été surpris de tout ce que j’ai trouvé en creusant dans différentes directions. L’air Jesus que ma joie demeure inspire un attelage bigarré : Les compagnons de la chanson, Frida Boccara, Dave ou les Beach Boys, et il traîne par-ci par-là, dans un sketch des Inconnus, un autre de Jean Yanne, et même un épisode de Columbo que j’ai regardé par hasard la semaine dernière (impossible de trouver une vidéo). Comme le biologiste qui trouve cinquante nouvelles formes de vie dans la goutte d’eau d’un étang, et puis en croise encore une ou deux autres par hasard sur le chemin du retour, je soupçonne qu’il suffirait de creuser pour trouver encore et encore.
En chanson, on entend quelques mélodies de Bach et parfois son nom. Au-delà de la chanson, on le retrouve dans la pop, le jazz, le rock progressif et le heavy metal. On le trouve, ou peut-être croit-on le trouver partout, des Tontons flingueurs jusque dans des théorèmes de logiciens autrichiens ou dans les pages blanches des carnets secrets de la chanteuse Camille.
Mais voilà, je ressens un curieux malaise : j’adore la chanson, le rock ou le jazz, ainsi que Bach. Mais presque toutes les chansons de la série sont moyennes ou médiocres à mon goût. On essaye de plaquer des paroles de variétés sur une musique de Bach, vraie ou fausse, mais le plus souvent, on voit un peu la couture entre les deux. On essaye de faire swinguer Bach, mais on en retient plus la présence de Bach qu’on en ressent le charme du swing. Bref, la musique de ces dernières décennies a plutôt besoin de Bach que de sa musique, et son usage me semble moins une inspiration qu’une proclamation.
Une digression comme point de comparaison : les usages en variété des musiques de Bach font pâle figure à côté de la fusion parfaite entre la musique romantique et la chanson de variété opérée par Gainsbourg, qui a su mettre sur ce coup des arrangeurs talentueux comme Alain Goraguer. On en reparlera bientôt. D’ailleurs, la seule chanson vraiment réussie de la série sur une musique de Bach, je trouve que c’est Sur un prélude de Bach, et justement on trouve aux commandes Jean-Claude Vannier, arrangeur de variété, un temps compagnon de Gainsbourg, et puis qui a beaucoup réfléchi à tout ce qu’il faisait. On a vu que sa chanson n’est pas exempte de contre-sens, comme s’il fallait un peu mentir pour bien faire fusionner Bach et chanson. On reparlera de Jean-Claude Vannier plus tard…
Alors pourquoi citer Bach à tort et à travers ? Pourquoi veut-on Bach, pourquoi a-t-on besoin de Bach ? Je risque une hypothèse : Bach, c’est l’Occident, ou l’Europe. Le seul compositeur dont le mythe puisse lui être comparé est bien sûr Mozart. Mais dans nos représentations, je dirais que Mozart est plutôt perçu comme universel, une sorte de don fait à l’humanité toute entière, l’intercesseur d’une musique divine ou naturelle. Tandis que la musique de Bach est le fruit du travail acharné d’un homme seul, une combinaison originale de science et de religion, un peu comme notre civilisation. Il nous plait à tous que Bach soit du jazz, ou que le jazz soit du Bach, chacun selon sa pente.
Pour finir, le générique de Répliques, l’émission d’Alain Finkielkraut sur France Culture : Les variations Goldgerg. Le générique proprement dit commence vers 3:00, au moment ou s’épanouit un contrepoint énergique à deux voix qui symbolise le dialogue contradictoire, thème de l’émission. Par Glenn Gould, une musique de Jean-Sébastien Bach bien sûr.
Aujourd’hui, Maurane chante Sur un prélude de Bach. La musique est une adaptation par Jean-Claude Vannier du célèbre Prélude en do majeur du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach.
Je trouve ça plutôt réussi, mais il y quelques contresens curieux. Les paroles font référence au pianiste Glenn Gould. Il était connu pour son jeu assez peu lié. Bien adapté à la mise en lumière de l’architecture contrapuntique des compositions de Bach au demeurant. Écoutez plutôt son interprétation du prélude en do majeur. Les notes sont très détachées, c’est presque sautillant par moment. Rien à voir avec ce qu’on entend à l’arrière plan de la chanson de Vannier.
Pour comparer, écoutez l’interprétation de Sviatoslav Richter. Je trouve qu’il y a plus de sentiment, ça correspond bien mieux à l’ambiance de la chanson de Vannier / Maurane.
Mais pourquoi Vanier vient nous bassiner avec Glenn Gould pour évoquer une ambiance disons romantique et à l’opposé de ses interprétations ? Et alors que le piano à l’arrière plan ne joue pas du tout à la manière de Gould ? Je risque quelques hypothèses. D’abord, Gould est célèbre, il est beaucoup passé à la télé, même le public qui n’écoute pas de classique peut connaître : « ah bah oui, Glenn Gould joue Bach », même moi je connais, alors c’est dire. Et puis essayez de caser « Sviatoslav Richter » dans des paroles… « Glenn Gould » ça sonne mieux, ça claque, les consonnes percutent, c’est trop bien. Alors va pour Glenn Gould, Richter va pas faire un procès de toute façon.
Glenn Gould et Sviatoslav Richter avaient donc des approches assez opposées. J’ai trouvé quelques commentaires de Gould là-dessus, très intéressant.
Aujourd’hui, au 1272e billet, Jean-Claude Vannier fait son entrée dans le blog, c’est le cadeau de Noël. On a déjà parlé de lui, mais on ne l’avait pas encore entendu chanter. C’est probablement le chanteur dont l’importance dans la chanson des années 1970 et 1980 est la plus grande en comparaison de sa faible notoriété. On reparlera de lui dans de prochaines séries. En attendant, on écoute Berceuse pour un raté.
La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 13/18 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 – 7 – 8 – 9 – 10 – 11 – 12 – 13 – 14 – 15 – 16 – 17 – 18
Le Jardin a déjà consacré deux séries aux compositeurs de (et pas de) Nougaro. Ici et là. Sans toutefois passer sa seule chanson dont la musique soit tirée du répertoire classique, Armé d’amour, paroles de Claude Nougaro, sur une musique de Robert Schumann.
En fait, l’original est un arrangement de Jean-Claude Vannier.
Et voilà l’original de l’original, Blumenstück opus 19, en ré bémol majeur.
Nougaro n’a pas trop puisé dans le répertoire infini de la musique classique, à la différence de Gainsbourg par exemple, qui savait enchâsser des paroles sur du Chopin ou du Brahms (on consacrera une série à la musique classique dans la chanson un de ces jours). Dans tout Nougaro, on ne compte qu’une seule chanson sur une musique de Robert Schumann, et encore, trafiquée par Jean-Claude Vannier : Armé d’amour.
Pourtant, des compositeurs qui comme Nougaro savent mêler sentiment, rythme et humour, il y en a. Je vous propose L’andante con Motto de La grande symphonie de Franz Schubert (qui a composé plus de six cents lieder, il doit bien y avoir une musique convenant à de la chanson là-dedans…).
Nougaro a chanté sur des musiques de plusieurs compositeurs ou arrangeurs français qui ne sont associés à aucun courant musical précis. Les électrons libres Michel Colombier ou Jean-Claude Vannier par exemple, et surtout Michel Legrand. Mais rien d’Alain Goraguer, qui a beaucoup travaillé pour Gainsbourg ou Ferrat. On en reparle dans une future série sur les arrangeurs de Gainsbourg.
Goraguer a par exemple écrit les arrangements de Poupée de cire, poupée de son. Par France Gall.
Goraguer était aussi un excellent compositeur avec par exemple la bande originale de La planète sauvage, dessin animé de René Laloux.