Les juifs chez Gainsbourg

Les Juifs et la chanson IV – Image des juifs dans la chanson 5/19

Dans ce billet, je dois faire une sorte de mea culpa. Les séries sur les juifs et la chanson ont été écrites au fur et à mesure de l’année, ce qui fait je ne découvre que maintenant des éléments pour les séries précédentes. Je disais au début de la série sur les chanteurs juifs que seul Enrico Macias affirme une identité juive dans ses chansons, mais il est clair qu’on peut y ajouter Serge Gainsbourg. En ce domaine comme en bien d’autres, son image est un peu brouillée. Là, c’est parce qu’aucune de ses chansons évoquant le judaïsme n’a rencontré le succès.

Toute sauf peut-être une, mais dont le lien avec le judaïsme n’a a priori pas été envisagé par Gainsbourg au départ. Il s’agit de sa reprise de La Marseillaise en style reggae, son premier disque d’or après plus de 20 ans carrière, qui a déclenché une célèbre polémique. Michel Droit, dans Le Figaro écrivait à son propos :

Beaucoup d’entre nous s’alarment, souvent à juste titre, de certaines résurgences, dans notre monde actuel, d’un antisémitisme que l’on était en droit de croire enseveli à jamais avec les six millions de martyrs envoyés à la mort par son incarnation la plus démoniaque.

Or, dans ce domaine de l’antisémitisme, chacun sait que, s’il y a des propagateurs, il peut y avoir aussi, hélas !, les provocateurs (…). Il n’est évidemment pas un homme de bonne foi, qui songerait à associer cette parodie scandaleuse, même si elle est débile, de notre hymne national et le judaïsme de Gainsbourg. Mais ce ne sont pas précisément les hommes de bonne foi qui constituent les bataillons de l’antisémitisme (…)

Ce à quoi Gainsbourg a répondu dans un article du Matin intitulé On n’a pas le con d’être aussi Droit :

Peut-être Droit, journaliste, homme de lettres, de cinq dirons-nous, membre de l’association des chasseurs d’Afrique francophone, cf. Bokassa Ier, officiant à l’ordre national du Mérite, médaillé militaire, croisé de guerre 39-45 et croix de la Légion d’honneur dite étoile des braves, apprécierait-il que je mette à nouveau celle de David que l’on me somma d’arborer en juin 1942 noir sur jaune et ainsi, après avoir été relégué dans mon ghetto par la milice, devrais-je trente-sept ans plus tard y retourner, poussé cette fois par un ancien néo-combattant (…)

L’affaire a culminé lors d’un concert à Strasbourg, annulé à cause de menaces d’attentats, où Gainsbourg a chanté La Marseillaise a capella, en présence de paras venus pour en découdre, voir la vidéo sur le site de l’INA, ici (on reconnait les paras à leur béret rouge).

Gainsbourg a aussi écrit des chansons moins connues où il donne sa vision du judaïsme, toujours dans une veine provocatrice, Juif et Dieu.

Pour conclure ce billet, je note que Gaimbard était le faux nom utilisé par la famille Ginzburg pour se cacher pendant la guerre. Impossible de ne pas y associer le surnom Gainsbar, qui apparait notamment dans la chanson Ecce homo. Ecce homo : « voici l’homme », paroles prononcées par Ponce Pilate présentant le Christ à la foule selon l’évangile de Jean.

Et ouais cloué le Gainsbarre
Au mont du Golgothar
Il est reggae hilare
Le cœur percé de part en part

 

 

1 – Le chandelier
2 – Le mot « juif » dans des listes
3 – La chanson anticléricale œcuménique
3bis – Souchon et Ferré
4 – Le juif non-dit
5 – Les juifs chez Gainsbourg
6 – Un juif célèbre
7 – L’Aziza
8 – La chanson pro-israélienne
9 – Le conflit israélo-palestinien
10 – Image des juifs dans le rap
11 – L’anti-antisémitisme de Pierre Perret
12 – La chanson antisémite
13 – On peut rire de tout, mais pas en mangeant du couscous
14 – Les mères juives
15 – Betty Boop
16 – Noirs et juifs aux USA
17 – Nica
18 – Noirs et juifs en chanson chez Jean-Paul Sartre
19 – Azoy
19bis – Retour sur quelques commentaires

 

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