Je vous rappelle qu’on recherche le lien secret qui relie quelques chansons. C’est très difficile à trouver, mais parfaitement clair une fois connue la solution ! N’espérez pas profiter de cette énigme pour vous gaver, tout comme d’une bûche de Noël, d’Annie Cordy, de Zazie ou de Gauvain Sers. Et échapper par là-même au sérieux patrimonial de quelques bons vieux classiques de qualité. Comme À Saint-Lazare d’Aristide Bruant, déjà passée plusieurs fois dans le blog. J’adore cette chanson et du strict point de vue de l’énigme en cours, c’est aussi ma préférée. Par Bruant en personne.
Réjouissez-vous amis du Jardin aux chansons qui bifurquent, voilà avec quelques jours d’avance le cadeau de Noël : le temps des énigmes est revenu ! On va enfin pouvoir s’amuser. Selon un principe aussi ludique qu’éprouvé, on recherche à partir d’aujourd’hui le lien secret entre plusieurs chansons. Ce n’est pas très facile cette fois, mais il n’y a pas d’entourloupe : le lien est clair, net et indiscutable. On commence par Jojo la fleur bleue, par Annie Cordy.
Les Juifs et la chanson III – Shoah et chanson 16/23
La plupart des chansons passées jusqu’ici sont l’œuvre de chanteurs et chanteuses juifs, dont la famille a été parfois touchée directement par la Shoah. Dans ce billet, je vous propose un tour d’horizon chronologique de plusieurs chansons d’auteurs a priori non-juifs (je n’ai pas vérifié la biographie de tout le monde …) qui chantent la Shoah. L’évolution dans le temps est intéressante.
La première chanson ne concerne pas directement la Shoah. Elle parle du Vélodrome d’hiver à Paris, un lieu de fête populaire et de meetings politiques avant-guerre, ainsi que se le remémore Yves Montand. Les « six jours » mentionnés dans les paroles, ce n’est pas la création du monde dans la Genèse, ce sont les Six jours de Paris, fameuse course cycliste. C’est au Vel’ d’Hiv qu’ont été parqués les 13 000 juifs arrêtés le 16 juillet 1942, lors de la plus grande rafle organisée en France. Aujourd’hui, « Vel’ d’hiv » évoque la rafle du Vel’ d’hiv, pas le cyclisme sur piste… La chanson montre bien que dans les années 1950, il n’en était rien.
Avec les Juifs de Pierre Selos, chanteur engagé dans le catholicisme à ses débuts. On est en 1964.
La petite juive de Maurice Fanon, en 1965.
Petit Simon d’Hugues Aufray en 1967, paroles de Vline Buggy.
Paul Louka, Tante Sarah en 1972.
Chanson pour Anna, en 1974, paroles et musique de Pascal Danel, interprétée par Daniel Guichard
En 1977, dans son concept-album Simon et Gunter, Daniel Balavoine nous raconte l’histoire de deux frères allemands séparés par le mur de Berlin. Une chanson de l’album, Lise Altmann, est consacrée à la Shoah.
En 1986 , Gilbert Bécaud compose une comédie musicale, Madame Rosa, adaptée par Claude Lemesle du roman d’Émile Ajar, La vie devant soi. Extrait : Bravo, par Annie Cordy. Première chanson de la série qui évoque explicitement le rôle des Français dans les déportations.
Anne ma sœur Anne, en 1985, Louis Chédid (qui fait son entrée au 1007e billet de ce blog). Je crois que c’est la première chanson de la série qui évoque le retour de l’antisémitisme après-guerre. La chanson date à peu près des premiers succès électoraux du front national.
Souviens-toi du jour en 1999, interprétée par Mylène Farmer. À la fin de la chanson, elle chante « Zakhor et yom », ce qui signifie « Souviens-toi du jour » en hébreu. Les paroles disent en boucle « si c’est un homme », allusion sans ambiguïté à Primo Levi. Mylène Farmer porte une robe Thierry Mugler. Analyse du clip, ici.
L’ami Jacob, en 2007, de Pascal Danel, qui avait déjà écrit la Chanson pour Anna en 1974 pour Daniel Guichard.
Fatigué, fatigué, de François Morel. On est en 2010.
Mai 68 fut le théâtre d’un affrontement entre étudiants et C.R.S. Il paraît que les étudiants criaient « CRS, SS », ce à quoi les CRS rétorquaient « Étudiant, diant-diant ».
Jean Yanne a écrit un hymne des C.R.S, suffisamment ironique pour avoir figuré un moment dans la playlist de Radio Libertaire. Mais comment savoir ce qu’il pensait vraiment ce bougre ? Générique de son film Moi y en a vouloir des sous, La marche des C.R.S., musique de Michel Magne.
Notez l’apparition dans le film du groupe Magma (déjà évoqué dans le billet sur l’avant-garde en Mai 68, ici), avec comme spectateurs Michel Serrault et Jean-Roger Caussimon en ecclésiastiques. Teddy Lasri est au saxophone soprano et le fondateur du groupe, Christian Vander, à la batterie.
Par la suite, le C.R.S. a été discrètement réhabilité comme personnage de chanson comique. L’idée est de jouer sur le décalage entre réputation de brute et situations plus romantiques. Bref, le C.R.S. presque aussi sympa et rigolo qu’Obélix. Dans la chanson comique, ce rôle contrasté est plus souvent tenu par le boucher, type moins polémique (avant que les vegans ne s’en mêlent bien sûr). On consacrera bientôt une série aux chansons de boucherie, il y en a plus qu’on ne le suppose. En attendant, Mon C.R.S. chanté par Annie Cordy.