Sardou le détesté

La CFPQ (chanson française pas de qualité) 2/9

Clemenceau a dit « la révolution française : c’est un bloc ». Il n’y a pas d’un côté les droits de l’Homme, l’œuvre des Conventionnels ou la nuit du 4 août, et puis de l’autre les massacres en Vendée, le culte de l’être suprême ou la terreur. Il faut tout prendre ou tout laisser. Il en va de même de la chanson française. On va le voir dans la suite cette série, il n’y a pas d’un côté Chantal Goya et de l’autre Barbara. Sauriez-vous dire laquelle des deux était fan de l’autre ? Réponse surprise et documentée très bientôt…

Mais revenons à la citation de Clemenceau. Elle est assez connue, mais saviez-vous qu’elle faisait référence à Sardou ? Incroyable, non ? Pas à notre chanteur engagé de droite. À Victorien Sardou, auteur de la pièce Thermidor en 1891, et qui n’a rien à voir avec Michel Sardou. On le lui pardonne.

Je vais me livrer aujourd’hui à l’exercice rabâché et sempiternel de la réhabilitation du super-détesté Michel Sardou. Mais au lieu de célébrer ses tubes les plus populaires comme je l’ai déjà fait quelques fois, je vais proposer deux ou trois chansons moins connues et qui ne sont pas mal du tout.

Le surveillant général, c’est très réussi. Paroles de Michel Sardou.

Je vous propose aussi Le mauvais homme, pas mal. C’est la cent quarante-neuvième chanson de Michel Sardou sortie en 1981. C’est la face B du 45 tours Être une femme, ça a sûrement été fait exprès. Le texte est signé par Michel Sardou et Jean-Loup Dabadie sur une musique de Jacques Revaux et Pierre Billon. Information tirée de l’indispensable wiki-Sardou.

Mauvais homme.

Bon, allez, une petite pour se rappeler quand même pourquoi on déteste Michel Sardou. 6 milliards 900 millions 980 mille. Belle performance vocale en live quand même, et paroles de Pierre Delanoë.


1 – L’hérésie simoniaque
2 – Sardou le détesté
3 – Chantal Goya
4 – Brassens contre Tino Rossi
5 – André Bézu
6 – Rousseau
7 – HAL
8 – Patrick Bruel
9 – Le fan club de Serge Lama

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L’assassin assassiné

Ambitus, tessiture et notes extrêmes 2/11
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Nous continuons à explorer les chansons ayant un grand ambitus, c’est-à-dire qui recourent à des notes très graves et très aiguës. On l’a vu dans le dernier billet, ce sous-genre tourne rapidement à la pure performance vocale et au kitsch. Pour que ça fonctionne, il faut un bon interprète, et surtout que l’ambitus soit au service du message délivré par la chanson. Dans le SOS d’un terrien en détresse, la phrase « J’ai jamais eu les pieds sur terre » enchaîne deux arpèges qui gravissent deux octaves. Puis le « j’aimerais mieux être un oiseau » continue à gazouiller au-dessus dans le sur-aigu. Ça cartonne, la musique épouse le texte, une vraie réussite. Plus tard, même procédé avec « qui m’attire, qui m’attire, qui m’attire, vers le hauuuuuuut ».

Un autre moyen de mettre un grand ambitus au service d’une chanson est de tirer parti du principe d’équivalence des octaves. Vous avez sûrement tous chanté do-ré-mi-fa-sol-la-si-do. Pourquoi diable la dernière note a-t-elle le même nom que la première, alors que manifestement, on ne chante pas la même chose, puisqu’on est passé de grave à aigu ? C’est parce que physiquement, on est passé d’une onde sonore vibrant à une certaine fréquence (le premier do) à une autre vibrant à la fréquence exactement double (le deuxième do), ce que notre oreille juge d’une certaine manière « équivalent ». L’écart entre le do du début et celui de la fin est appelé octave (parce que dans « do-ré-mi-fa-sol-la-si-do » il y a huit notes).

Donc, quand on chante une mélodie, on peut tout d’un coup monter ou descendre d’une octave. Ça demande un peu d’entrainement, et ça produit un effet bizarre, mais sans fondamentalement « changer la mélodie ». À ma connaissance, le procédé est assez peu utilisé en chanson. Je ne connais qu’un exemple : L’assassin assassiné, de Julien Clerc sur des paroles de Jean-Loup Dabadie.

La chanson commence plutôt dans le grave, puis sur « lisait un livre de Giono » la mélodie saute d’une octave vers le haut, avant de redescendre d’une octave sur « Le matin même … », etc. Les sauts d’octave épousent la pensée de l’auteur, entre calme et révolte. Chanson très réussie contre la peine de mort, écrite et chantée avant son abolition en France. Ci-dessous la version album (sur un montage vidéo abominable, je n’ai rien trouvé d’autre).

En live, une version un peu plus sobre.

Au fait, pour les amateurs de solfège : L’assassin assassiné a un ambitus de deux octaves et une tierce, un peu moins que le SOS d’un Terrien en détresse, mais quand même. À propos du rythme, il y a des mesures de 2/4 au milieu du reste qui en 4/4, pas évident tout ça, on en reparle dans une prochaine série sur le rythme.

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