Le maoïsme

Mai 68 politique 3/8
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Long billet sur le maoïsme aujourd’hui, longue marche pourrait-on dire. J’aurais pu faire toute une série sur le sujet, mais le temps presse, je voudrais finir ces séries commémoratives avant mai, sous peine de devoir célébrer Mai 69.

On a vu le trotskisme dans le dernier billet. Cette idéologie remonte au début du XXe siècle et est encore présente aujourd’hui, puisque le NPA ou Lutte Ouvrière s’en réclament. Ce n’est donc pas une idéologie typiquement soixante-huitarde.

Il en va autrement du maoïsme, doctrine qui en France a concerné presque exclusivement la génération 68. Variante agraire du marxisme, ayant entrainé la plus grande famine de l’histoire de l’humanité (à l’occasion du Grand bond en avant), marquée par un culte de la personnalité délirant et se régénérant dans un coup d’État nihiliste appelé Révolution Culturelle, doctrine dont le véritable succès au final aura été de maintenir l’unité d’un empire millénaire… L’attraction qu’elle a exercée sur de jeunes gauchistes français est aujourd’hui mystérieuse.

Le maoïsme a laissé quelques traces dans la chanson française. Tout d’abord le très ironique Mao et moa de Nino Ferrer.

« Le quart de rouge, c’est la boisson du garde rouge … » nous dit Nino Ferrer. J’en profite pour vous poser une colle : quelle chanson fait rimer « car de » avec « garde » ?

Jean-Luc Godard a tourné un film sur le maoïsme, La chinoise, sorti en 1967, avec une chanson dans la bande annonce, Mao-mao de Jean-Claude Chane. Sur le site Bide et Musique, j’apprends qu’au verso de la pochette du disque, il est indiqué : « Pour proposer sa chanson au metteur en scène, il a guetté Jean-Luc Godard dans la rue pendant deux jours, puis lui a remis une maquette de cette chanson, avec son numéro de téléphone. Le réalisateur lui téléphona pour retenir Mao-mao. » Sur le même disque, Alain Baschung a écrit le texte de Il est grand temps de faire…boom !

 

Ensuite, je vous propose La révolution n’est pas un dîner de gala (une célèbre citation de Mao), de Ludwig Von 88. Cette chanson de 2001 montre que le maoïsme a tout de même eu une certaine postérité dans la mouvance révolutionnaire française.

Au début de la chanson, on entend Mao Zedong proclamer la République Populaire de Chine, le 1er octobre 1949. Il dit : « Compatriotes, aujourd’hui sont fondés la République Populaire de Chine et le gouvernement populaire central ». Si vous voulez vous entraîner à le dire vous-même, voici la transcription phonétique : « Tongbaomen, Zhonghua Renmin Gongheguo, zhongyang renmin zhengfu jintian chenglile ». Roland Trotignon, grand connaisseur de la langue chinoise et de cette période et qui m’a aimablement fourni tous ces éléments ajoute « Mao parle avec un épouvantable accent du Hunan. Il arrivait souvent que les Chinois ne comprennent pas du tout ce qu’il racontait ». Ci-dessous, le film de la proclamation.

 

Pour finir, mentionnons que le maoïsme n’a pas été inventé au Quartier Latin. Ce serait une grande injustice de ne pas passer au moins une chanson chinoise dans ce billet. Je vous propose Lubian you ge luosimao, tirée de la collection de vinyles de la Révolution Culturelle de Roland Trotignon (merci encore).

Voici le texte traduit en français. Notez plusieurs traits typiques du maoïsme : productivisme, machinisme, patriotisme, variante gauchie du scoutisme. Et conception typique du Grand bond en avant, selon laquelle on reconstruit un pays en farfouillant ici ou là pour trouver des bidules. Pas très soixante-huitard tout ça… de ce qu’on retient aujourd’hui de 68 du moins.

Au bord du chemin, il y a un boulon, au bord du chemin, il y a un boulon, un boulon
Petit frère l’a vu, l’a vu, l’a vu, l’a vu
Le boulon, bien que petit, peut faire beaucoup pour la construction de la patrie
Il le ramasse, l’examine et le nettoie bien
Il le donne à l’oncle ouvrier, qui le met sur la machine, hé!
La machine chante et nous applaudissons en riant.

Pour vous exercer en vue d’un karaoké, la transcription phonétique :

Lubian you ke luosimao, lubian you ke luosimao, luosimao
Didi shangxue kanjianliao, kanjianliao, kanjianliao, kanjianliao
Luosimao suiran xiao, zuguo jianshe bu ke shao
Jianqilai, qiao yi qiao, ca ca ganjing duome hao
Song gei gongren shushu, ba ta zhuangzai jiqi shang, hei!
Jiqi changge, women bai shou xiao

Sur internet, on trouve des versions de cette chanson, mais hélas ré-orchestrées, ce qui enlève tout le charme vintage. Notez que la mélodie peut être jouée entièrement sur les touches noires du piano (attention : pour y arriver il faut transposer d’un demi-ton et partir d’un Fa dièse, sinon ça ne marche pas). C’est donc une mélodie écrite sur une gamme pentatonique, ce qui la fait sonner un peu « chinois ». On en reparle dans une future série sur le solfège et ce qu’on appelle les « modes ».

Dernier petit truc, Mao fut un éminent dictateur, mais je ne sais pas pourquoi, on l’aime bien quand-même.

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