Le flipper

Jeu et chanson 4/15

Il est temps de révéler la réponse à la première devinette : le jeu plus souvent cité en chanson. J’ai eu toute sorte de réponses (voir le billet précédent) et personne n’a trouvé la mienne. Diego propose la chasse, réponse intéressante avec beaucoup de chansons, mais je ne range pas la chasse dans les jeux.

Je propose donc : le flipper. Tout comme un bon coup au jeu de go, le flipper remplit plusieurs objectifs. D’abord, le jeu est musical en lui-même, il se prête bien à la musique figurative à l’instar de la machine écrire ou du train par exemple. Ensuite, ce jeu des copains, adolescent et générationnel permet d’actionner le ressort (c’est le cas de le dire) le plus efficace de la chanson : la nostalgie. Le flipper a aussi une valeur métaphorique : les rebonds illogiques de la boule de bumper en bumper sont la vie même. En fait, certains flippers étaient même des petites allégories, avec dans un univers bien défini des zones chanceuses et d’autres adverses, des prisons, des gains inespérées, etc. Bref, le flipper a tout pour plaire au parolier.

Même Édith Piaf a chanté le flipper. Le billard électrique.

Parmi les nombreuses chansons de flipper, je trouve que celle qui exploite le mieux tout le potentiel du jeu, c’est Flipper, du groupe Téléphone.

Pour la valeur nostalgique du flipper, je propose Les forbans, La fille du flipper.

Comme chanson qui exploite le potentiel métaphorique du flipper, je propose Corynne Charby, Boule de flipper. Il faut juste qu’on m’explique pourquoi le clip montre surtout des boules de bowling et une boule de pétanque bien astiquée sur un billard … La musique est de Christophe en personne.

Sur le plan musical, ma chanson de flipper préféré est Pinball wizard des Who. Avec Elton John au chant, le version du film Tommy exploite un peu le potentiel musical du jeu.

Pour les vrais fans des Who, une version live avec Roger Deltrey au chant. Au festival de l’ile de Wight, en 1970. Le tempo s’embourbe quelque peu… Keith Moon devait être un peu défoncé, mais merde, ça a de la gueule.

Version française, par Richard Anthony, un beau massacre, merci. Le sorcier du flipper. Les paroles sont de Boris Bergman, il a quand même fait mieux après …

Tant qu’à rester en France, je préfère de très loin la pop déjantée d’un autre Richard (Gotainer). L’empereur du flipper.

Même Chantal Goya a chanté le flipper, dans sa période yéyé au début de sa carrière. Si tu gagnes au flipper. Tout comme le yaourt avec de vrais morceaux de fruits, il y a de vrais bruits de flipper au début.


Les nuits sans Kim Wilde de Laurent Voulzy exploite le côté obsessionnel du flipper. Paroles d’Alain Souchon.

Je conclus ce billet par une anecdote personnelle. Soucieuse de mon éducation, ma maman m’emmenait parfois sur les lieux de tel ou tel événement historique. Ainsi nous sommes-nous retrouvés il y a une bonne quarantaine d’années dans le café où Jean Jaurès avait été assassiné quelque décennies auparavant, rue Montmartre à Paris pour autant que je me souvienne. Elle a demandé où se trouvait le grand homme au moment du coup de feu. Le garçon nous a répondu : « il était au flipper ». Tout comme Bob qu’était au flip quoi. Marche à l’ombre de Renaud.

Je me suis limité aux chansons centrées sur le flipper. Pour aller chercher l’extra-balle, ou même peut-être « claquer » et gagner une partie gratuite, quelques chansons qui l’évoquent incidemment :
Laisse béton, encore Renaud
Rock autopsie ou Les dingues et les paumés d’Hubert-Félix Thiéfaine
J’ai eu 30 ans de Maxime Le Forestier
Nos amours cassées de Félix Gray & Didier Barbelivien
Couleur menthe à l’eau d’Eddy Mitchell
Cœur en stéréo de Jeanne Mas
La solitude de Gilbert Bécaud

Vous venez de lire le 1200e billet du Jardin aux chansons qui bifurquent.

1 – Les échecs
2 – Le jeu générique
3 – Monopoly
3bis – Chanteuses au nom de jeu
4 – Le flipper
5 – Marelle et pile ou face
6 – Le flambeur
6bis – Cache-cache
7 – La partie de bridge
8 – Le jeu de go
9 – La pétanque
9bis – Cache-cache party et go
10 – Question pour un champion
11 – La belote
12 – Le casino
13 – Les jeux vidéos
13bis – Les jeux vidéos (bis)
14 – Poker
15 – Le joujou du pauvre

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Georges Perec confiné

Cinq écrivains confinés 2/6

Aujourd’hui, un grand gourou d’Oulipo (moi, qui suis contraint, inscrirai son nom à la fin, G.P. suffira pour l’instant).

Confinons-nous (Roman d’Oulipo sur un virus, où nous lipogrammons)

Un virus ruinait maints pays : il diffusait, s’aggravait, tuait, ça faisait un bail qu’on n’avait vu ça. Confinons-nous dit Macron, un simili-roi. À la maison d’Anton, tout un chacun partit. Pas lui. Il y avait un journal, sur un bar un photomaton d’un amour d’avant, puis sur un frigo un album d’Aznavour, trois portraits : Barbara, Santana, Adamo.

Chacun y allait d’un truc, potion, cordial plus ou moins curatif… On crut d’abord au plan du Chinois Xi Jinping. Mais il avait tout contraint, dans la propagation du faux, pas bon pour nous. On consulta Raoult. Il dit : voilà, y a qu’à, avalons un machin, puis ça ira. Ça fit pshitt. On passa aux maths, calculant la proba d’un plus ou moins gros crash. Puis au go : un virus pris par shibori (ainsi qu’on dit à Tokyo, mais plutôt gǔn bāo à Canton) pouvait-il finir atari ou occis par shisho ? Tout ça donna nada, nothing, vacuum total.

Anton cogitait. Quoi ? Par la raison, on doit pouvoir savoir. Si un anticorps nous manquait, un dont la disparition (mot sibyllin) impliquât la situation ? Il trouva : dans coronavirus, il n’y avait pas d’ .

On l’y mit, puis ça alla. (‘fin j’crois).
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Georges Perec était un oulipien, adepte de contraintes formelles plus ou moins bizarres. Je vous ai servi un lipogramme en « e », dans la manière de son roman La disparition. Voir la série qu’on a déjà consacrée à l’Oulipo en chanson. Je vous propose comme chanson oulipienne Mousse d’Anne Sylvestre, où l’on peut entendre des vers de un pied !

Vous pouvez aussi aller revoir le billet consacré aux Mots bleus de Christophe, ici.

1 – Gustave Flaubert confiné
2 – Georges Perec confiné
3 – Jean Racine confiné
4 – René Goscinny confiné
5 – Jorge Luis Borges confiné
6 – Gustave Flaubert confiné (dans sa correspondance)

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Bashung n’est pas le plus grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 1bis/8
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Christophe, internaute de Paris, propose sur facebook Bashung. Je pense qu’il y a un malentendu. Bashung est certes l’homme le plus bleu de la chanson française, presque l’égal d’un schtroumpf. Mais ça n’en fait pas un bluesman. Les mots bleus, d’un autre Christophe (qu’on a déjà vu dans le blog, série sur les fausses notes, ici)

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Christophe met des pains

Chanter faux 3/6
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Je vous rappelle que j’attends toujours les réponses au sondage qui m’aidera à préparer le grand thème de l’année… Ça commence le 16 septembre, il me faut une chanson associé à chacun des événements suivants :

  • La révolution française
  • La commune de Paris
  • La première guerre mondiale
  • La seconde guerre mondiale
  • La guerre d’Algérie
  • Mai 68

En attendant, on continue notre exploration des fausses notes avec ce que les musiciens appellent un « pain », c’est-à-dire une fausse note exécutée par maladresse. Il paraît qu’autrefois, on disait une « brioche », l’histoire de cette expression est savoureuse, allez voir ! Bref, quand les musiciens n’auront plus de pains, ils n’auront qu’à refaire des brioches…

Illustration des pains. Tout le monde connaît Les mots bleus de Christophe, on écoute.

Malgré tout le talent de Christophe, et l’arrangement bien travaillé, ça sonne un peu « variété », on se croirait sur radio Nostalgie. Est-ce que quelques fausses notes, quelques pains donc, ne pourraient pas améliorer l’ensemble ? Ci-dessous, la même chanson, trouvée par hasard sur le net. Christophe chante au pied levé après un concert d’Allain Leprest (regardez-le bien, c’est l’homme assis à l’arrière plan avec une casquette). Le piano hésite et sonne bizarrement, Christophe multiplie les pains, le chant tâtonne, déraille, et pourtant il y a comme un fil tendu entre la voix et le piano. Chaque couac devrait distendre et rompre ce fil, mais au lieu de ça, il le tend encore plus. Bref, je trouve cette version bien meilleure que la précédente… Vous n’écouterez plus jamais Les mots bleus comme avant :

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