José-Maria de Heredia

La chanson, art majeur ou art mineur VII. Été 2019, chaque jour un poète, 24/68
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C’est l’été 2019, chaque jour un poète. Aujourd’hui José-Maria de Heredia né en 1842.

Dans quelques billets de la série, j’ai déjà mentionné des poètes dont je n’ai pas trouvé de mise en musique : Jacques Tahureau, François de Malherbe et André Chénier. Je ne suis pas allé à la pêche dans le volumineux répertoire de la mélodie française vous me direz…

Je n’ai trouvé aucune mise en chanson de José-Maria de Heredia. J’adore pourtant Le récif corallien.

Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
Éclaire la forêt des coraux abyssins
Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
La bête épanouie et la vivante flore.

Et tout ce que le sel ou l’iode colore,
Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
Le fond vermiculé du pâle madrépore.

De sa splendide écaille éteignant les émaux,
Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
Dans l’ombre transparente indolemment il rôde ;

Et, brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu
Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.

À écouter, par une lectrice qui n’a pas laissé son nom sur Youtube.

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Alphonse de Lamartine

La chanson, art majeur ou art mineur VII. Été 2019, chaque jour un poète, 15/68
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C’est l’été 2019, chaque jour un poète. En ce jour de fête nationale, le seule poète qui se soit jamais présenté aux élections présidentielles, Alphonse de Lamartine, né en 1790.

Georges Brassens nous chante Pensées des morts.

Alphonse de Lamartine inaugure le grand siècle romantique, dans lequel on va rester une bonne partie de l’été. Adieu poètes du moyen-âge, de la renaissance, classiques, précieux… Je n’ai trouvé aucune mise en chanson un peu moderne de François de Malherbe ou d’André Chénier, mais qu’est-ce qu’ils fichaient à Saint-Germain des Prés en 1950 tous nos poètes-chanteurs ? Il y a pourtant à faire…

Toujours ce souvenir m’attendrit et me touche,
Quand lui-même, appliquant la flûte sur ma bouche,
Riant et m’asseyant sur lui, près de son cœur,
M’appelant son rival et déjà son vainqueur.
Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre
À souffler une haleine harmonieuse et pure

André Chénier.

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Rousseau

La chanson, art majeur ou art mineur IV. Archéologie d’une question 6/16
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Pour commencer ce billet, une devinette : pouvez-vous citer un seul poète français né entre 1639 (naissance de Racine) et 1790 (naissance de Lamartine) ? Bien du courage, bravo si vous y arrivez sans documentation. Voilà ce que j’ai trouvé. Les vers de mirliton de Voltaire, ça ne compte pas. Vous pouvez tenter Rouget de Lisle (auteur des paroles de la Marseillaise) ou Fabre d’Églantine (Il pleut, il pleut bergère), mouais, un peu discutable. Mieux, André Chénier, c’est peut-être la meilleure réponse. Ou encore le fabuliste Florian… Savez-vous que les expressions « pour vivre heureux, vivons cachés » ou « chacun son métier, les vaches seront bien gardées » sont des moralités tirées de ses fables ? Voilà toute ma maigre récolte, vous pouvez aller en pêcher d’autres dans des listes qui trainent ici ou là. Mais aucun n’a la gloire ou la célébrité de ceux des deux siècles précédents ou suivants. Il faut croire que le classicisme et ses règles ont durablement stérilisé le lyrisme français. Un bon siècle et demi, le XVIIIè siècle découpé très large donc, belle prouesse, bravo Monsieur de Malherbe.

Le XVIIIè siècle est donc un siècle de philosophes plus que de poètes… On y trouve toutefois des textes intéressants, qui montrent une grande indulgence à l’égard de la chanson. Assez logique vu l’état de la poésie me direz-vous. Dans l’Encyclopédie, à l’article « chanson ».

CHANSON, s. f. (Litt. & Mus.) est une espece de petit poëme fort court auquel on joint un air, pour être chanté dans des occasions familieres, comme à table, avec ses amis, ou seul pour s’égayer & faire diversion aux peines du travail ; objet qui rend les chansons villageoises préférables à nos plus savantes compositions.

La définition est peut-être due à Rousseau, qui a écrit les articles de l’Encyclopédie concernant la musique. Dans l’article suivant, on reconnait son style caustique, prompt à s’en prendre à la langue ou à la musique française, comme dans ses textes écrits lors de la querelle des bouffons, voir ici. On reparlera de ça dans une série en préparation sur le génie lyrique propre à chaque langue (ce débat concerne aujourd’hui les mérites comparés du français et de l’anglais, mais autrefois l’italien était le concurrent du français, et encore avant le latin et le grec pour la poésie). Du reste, la langue française a toujours souffert d’un complexe. Dans la Lettre à l’Académie de Fénelon : « Me sera-t-il permis de représenter ici ma peine sur ce que la perfection de la versification française me paraît presque impossible ? … ». Voici donc l’article « romance » de l’Encyclopédie. Pour rappel, la romance est un style très populaire en France au tournant XVIIIè — XIXè siècle.

ROMANCE, s. f. (Littérat.) vieille historiette écrite en vers simples, faciles & naturels. La naïveté est le caractere principal de la romance. Ce poëme se chante ; & la musique françoise, lourde & niaise est, à ce me semble, très-propre à la romance ; la romance est divisée par stances. M. de Montgrif en a composé un grand nombre. Elles sont toutes d’un goût exquis, & cette seule portion de ses ouvrages suffiroit pour lui faire une réputation bien méritée. Tout le monde sait par cœur la romance d’Alis & d’Alexis. On trouvera dans cette piece des modeles de presque toutes sortes de beautés, par exemple, de récit ;

Conseiller & notaïre
Arrivent tous ;
Le curé fait son ministère,
Ils sont époux.

de description :
En-lui toutes fleurs de jeunesse
Apparoissoient ;
Mais longue barbe, air de tristesse
Les ternissoient.
Si de jeunesse on doit attendre
Beau coloris ;
Pâleur qui marque une ame tendre,
A bien son prix.

de délicatesse & de vérité :
Pour chasser de la souvenance
L’ami secret,
On ressent bien de la souffrance
Pour peu d’effet :
Une si douce fantaisie
Toujours revient
En songeant qu’il faut qu’on l’oublie,
On s’en souvient.

de poésie, de peinture, de force, de pathétique & de rithme :
Depuis cet acte de sa rage,
Tout effrayé,
Dès qu’il fait nuit, il voit l’image
De sa moitié ;
Qui du doigt montrant la blessure
De son beau sein,
Appelle avec un long murmure,
Son assassin.

Il n’y a qu’une oreille faite au rithme de la poésie, & capable de sentir son effet, qui puisse apprécier l’énergie de ce petit vers tout effrayé, qui vient subitement s’interposer entre deux autres de mesure plus longue.

Pour partir vous-même à la pêche dans l’Encyclopédie : ici. Le style « romance » a été un peu éclipsé par son successeur, la mélodie française, plus raffinée musicalement. Pour découvrir les romances de la poétesse Marceline Desbordes-Valmore et de la compositrice Pauline Duchambge, vous pouvez réécouter l’émission Chanson Boom ! qu’Hélène Hazera leur a consacré. En réécoute ici.

Quelques romances sont tout de même restées populaires jusqu’à aujourd’hui. Il pleut, il pleut Bergère par exemple, ou encore Plaisir d’amour, l’une des chansons française les plus reprises. Musique de Jean-Paul-Égide Martini, adaptée d’un texte de Florian dont on parlait au début de ce billet. Je vous propose six versions, trouvez celle que vous préférez !

Par Isabelle Druet

Par Yvonne Printemps

Par Rina Ketty (j’ai un faible pour celle-là, et je ne dois pas être le seul, elle a presque 700 000 vues sur youtube quand même…).

Par Tino Rossi

Par Joan Baez, pas à son meilleur je trouve.

Par Dorothée, ça aurait pu être pire franchement (à part le clip, lui il ne peut pas être pire).

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