Adorable Jimi

Peut-on chanter en français – 9

Vaut-il mieux chanter en français ou en anglais ? La question est au moins aussi vieille que Johnny. Entendu dans Une vie une oeuvre, Jimi Hendrix, une expérience sous influences, émission de France Culture, le 17 aout 2019 :

Adorable Jimi, mais très timide, très très timide. Quand il venait à Paris, il habitait chez moi, et quand j’allais à Londres, j’habitais chez lui. Et il fait sa fameuse chanson Hey Joe. Et il me dit, « tu devrais la faire en français, et moi je la fais en anglais ». Donc je l’enregistre en français à Londres où il assiste aux séances. Et il revient jouer un an et demi après à l’Olympia. Et c’était très drôle parce son Hey Joe était numéro 1, et mon Hey Joe à moi en français était numéro 1. Au même moment. Donc il revient jouer à l’Olympia. Et moi, ce qui m’a dégouté, c’est que les mêmes critiques qui l’ont vraiment descendu [Le Hey Joe de Johnny] ont dit : « quel génie, c’est formidable, le meilleur guitariste qu’on ait jamais entendu, etc ». C’est un homme que j’ai adoré. Est-ce que tu sais qu’il dormait avec sa guitare dans son lit ?

Alors que pensez vous de cette injustice criante ? Jimi génial, et Johnny nul, avec la même chanson, c’est dingue non, rhaaa, j’en suis tout révolté. Faites-vous votre idée vous-même. Hey Joe en français par Johnny et en anglais par Jimi, c’est quoi le mieux ?

Pour rappel, Hey Joe n’a pas été écrite par Hendrix. C’est une chanson aux origines un peu obscure, un peu comme The House of the Rising Sun dont la version française est le célèbre Pénitencier.

Je risque une hypothèse sur la version française. On la doit à Gilles Thibaut, le parolier de Comme d’habitude, qui a donné plusieurs tubes à Johnny, comme Requiem pour un fou ou Ma gueule, dans la veine du Johnny déglingue. Je pense qu’il savait ce que c’était qu’écrire des paroles qui se coulent dans une musique, mais là, je trouve la fusion plus qu’imparfaite. Je pense que c’est volontaire, une tentative de s’affranchir des règles pour souligner le côté « sauvage » de Johnny, ou du Johnny du moment. Tentative un peu ratée à mon avis, et il faut dire que Johnny n’était pas aidé par l’espèce de bastringue qui l’accompagne. Tandis que Jimi est bien en phase avec ses musiciens. Et puis il sait jouer de la guitare, c’est bien connu. Je vous propose une version de Johnny plus récente, avec un accompagnement plus soigné et fidèle à Jimi.

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Jimi Hendrix

Livraison bakchich prodigieux pour régime de l’Amérique 6/8

L’une des versions les plus célèbres de The star-spangled banner est celle de Jimi Hendrix, en clôture du festival de Woodstock en 1969. Notez l’utilisation originale de la guitare électrique comme instrument de musique figurative, en plein pendant les bombardements au Vietnam.

Jimi Hendrix s’explique au micro de Dick Cavett.

C’était le temps de la lutte des Noirs américains pour les civil rights. Un an avant Hendrix, les champions américains levaient le poing aux jeux olympiques de 1968 à Mexico. Pendant l’hymne de leur pays of course.

Alors voilà l’idée du jour. Je me dis qu’un hymne national doit célébrer quelques valeurs militaires, ou au moins le grade de sergent. Alors Sgt Pepper’s lonely hearts club band des Beatles devrait faire le job. Dans sa reprise par Hendrix évidemment, qui groove bien mieux que l’original, parce que les Américains ils sont plus forts que les Anglais, il est important de le dire pour une nation qui s’est émancipée de la couronne. Et puis, je vous fais un aveu : je reconnais le génie de song maker de Sir Paul Mc Cartney, mais je n’apprécie pas trop ses performances vocales, alors god save Jimi Hendrix.

La version biopic.

Sinon, Pascal, internaute de Lyon nous propose comme nouvel hymne des USA Happy birthday de Stevie Wonder, chanson sur Martin Luther King.

1 – Les chœurs de l’armée rouge en hommage à l’Amérique
2 – Un hymne de Michael Jackson
2bis – Propositions
3 – Chanteuses américaines
4 – Igor Stravinsky et Serguei Rachmaninov
5 – La soupe aux choux doit être l’hymne de l’Amérique : preuve par la musicologie
5bis – Jean Ferrat américain
6 – Jimi Hendrix
7 – Borat et Jim Carrey
8 – Les Simpsons

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Êtes vous Ramones ou Pink Floyd ?

La chanson, art majeur ou art mineur IV. Archéologie d’une question 15/16
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Nous voilà maintenant en plein XXè siècle. On ne sait toujours pas si la chanson est un art majeur ou mineur. Je n’ai pas tellement envie de parler de la Rive Gauche, de chanson française « de qualité », des grands de la chanson… Si vous en voulez, retournez donc voir la série sur les poncifs en chansons, il en est beaucoup question dedans. Je voudrais plutôt parler de la grande révolution rock qui a mis au centre de ses préoccupations le vieux débat entre art savant et art brut. C’est peut-être le seul genre musical qui se soit vraiment construit dans cette opposition. Le rocker, dont l’estomac pourtant « se limite aux cheeseburgers », selon le bon mot d’Eddy Mitchell, aurait donc digéré trois ou quatre siècles de controverses, de Malherbe à Gainsbourg. À moins qu’il ne les ait régurgités. Je note à l’appui de cette dernière hypothèse que plusieurs rockers sont morts noyés dans leur vomi (Jim Morrison, Jimi Hendrix, …).

Le débat entre sophistication et simplicité, art savant et art brut, est vraiment structurant pour le rock, une véritable dialectique. Son histoire, tout comme la musique rock d’ailleurs, est un balancement binaire. D’un côté, une musique simple, brute, mode passagère à la stupéfiante résilience, dont chaque jeune enragé peut apprendre les trois accords et le boom-tchak dans une cave. De l’autre côté, une musique métisse,  influencée par le jazz, le blues, les musiques traditionnelles occidentales, et propice à toute sorte de perfectionnements. On a déjà noté dans le blog les liens entre le heavy metal et la musique de Bach, ici.

Aujourd’hui, on s’intéresse aux deux styles de rocks les plus extrêmes : au punk et au rock progressif ainsi qu’à leurs meilleurs représentants, les Ramones et Pink Floyd. Les Ramones : quelques drogués new-yorkais qui achètent une guitare d’occase, lancent la mode du jean troué, jouent mal, révolutionnent le rock et meurent jeunes. Seul grand groupe de rock dont tous les membres soient morts parait-il. Pink Floyd : bons musiciens, créatifs, qui inventent des nappes de synthé comme-ci, du son comme-ça, des solos on sait plus dire comment, exécrés des Ramones, parce que c’est vrai qu’ils nous font chier.

Ramones, Blitzkrieg Bop

Pink Floyd, Time

Encore un Pink Floyd, Money. Pour les amateurs de solfège, c’est écrit en 7/4, pfff, quel pédantisme franchement du 7/4. Je crois que c’est les Ramones qui ont raison.

Un dernier des Ramones. On les voit sur la vidéo, ils sont beaux, on peut admirer leur technique à la guitare : tenue vers les genoux, ça fait viril tendance déglingué, et surtout ça rend presque impossible d’en jouer correctement, c’était probablement là le but. I just want to have something to do.

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Les machos de la chanson

La chanson sexuellement explicite 7/18
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Une modalité assez répandue de la chanson de sexe, c’est la mise en scène du mâle viril, excité, voire même en action : poses machos, grimaces, déhanchements suggestifs, paroles crues etc. Je vous ai sélectionné le best of.

Prince : Sexy M.F. Comment est-ce qu’on peut jouer les gros bras comme ça en étant aussi maigrichon ? Il parait que la taille (des bras) ne compte pas …

Candela, un classique cubain, par le Buena Vista Social Club et le gigantesque Ibrahim Ferrer. Les paroles sont vraiment très crues, surtout à la fin de la chanson.

Dans le genre chanteur mâle, le sommet indépassable, je trouve que c’est Foxy lady de Jimi Hendrix. Vous avez remarqué qu’il tient sa guitare à l’envers ?

Parodie par Dana Carvey dans Wayne’s world

Après le best of, le pire of, avec Damien Saez. Je suis obligé de passer sa chanson Sexe pour sa valeur documentaire. Mais quel connard de chanter un truc pareil. Il a l’air content de lui en plus.

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Fragson

L’énigme de l’été 2018, 12/63
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C’est la série d’été du Jardin aux Chansons. Je vous rappelle qu’on cherche ce qui se cache derrière 62 chansons… Aujourd’hui, Le petit cochon de Fragson.

Vous connaissez le Club 27, qui rassemble toutes les vedettes du rock mortes à l’âge de 27 ans ? Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison, Kurt Cobain, et récemment Amy Winehouse. Je propose aujourd’hui la création d’un club encore plus étrange et macabre : le Club 44, qui rassemble les chanteurs tués par leur père à l’âge de 44 ans. C’est le cas de Fragson, vedette des années 1900. Mais y a t-il un autre membre à ce club ? Étrangement, oui : Marvin Gaye, assassiné par son père la veille de ses 45 ans. Coïncidence, mais qui n’a rien à voir avec l’énigme.

Dernière chose sur Fragson : si la plupart de ses chansons sont aujourd’hui oubliées, il a composé un air qui est resté très connu, le refrain de Si tu veux… Margueritte.

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Cayenne

Putain de métier 1/11
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Le jardin a déjà exploré l’image de divers groupes sociaux dans la chanson. Tout d’abord les Roms (ici), groupe le plus discriminé en France et en Europe. Leur image dans la chanson est pourtant excellente : les chansons vantant tel Gitan ou tel Manouche sont légion, à tel point que Le Gitan est devenu une sorte de personnage conventionnel qui permet d’évoquer beaucoup en peu de mots : liberté farouche, amitié, générosité, honneur, etc. Nous avons aussi évoqué les scientifiques, catégorie sociale parmi les plus favorisées, et dont l’image dans la chanson est presque systématiquement négative, voir ici. La chanson serait donc l’art d’inverser la réalité ? Miroir, contre-pied, contre-poids, le paradoxe est vieux comme la chanson réaliste.

Qu’en est-il de l’image de la prostituée dans la chanson ? C’est le thème de la série qui démarre aujourd’hui, et les chansons ne manquent pas. Encore une fois, on va voir que le lien avec la réalité est parfois distendu. Mais à la différence des Roms et des scientifiques dont l’image dans la chanson est nette et univoque, la situation est complexe : la chanson met en scène un véritable débat sur les prostituées. Sont-elles « filles de joie » vouées aux délices de l’amour, ou esclaves honteusement exploitées ? Le bordel est-il un lieu d’exotisme, d’abattage ou de raffinement ? Doit-on le regretter, voire même le célébrer comme lieu de haute culture (on a déjà passé une chanson là-dessus : Nos chères maisons, par Juliette Gréco, ici) ?

Pour commencer notre étude, on part des racines de la chanson réaliste, avec Cayenne, une chanson de Bruant qui raconte la vie d’un maquereau. La putain y est bien présente avec une image assez nette : elle est la compagne de l’Apache, en butte comme lui au mépris du « richard » en particulier et de la Société en général. Je vous en passe une reprise rock-punk par le groupe Parabellum.

Une version que j’aime bien, très punk aussi, par Sanseverino, qui se prend pour Jimi Hendrix le temps d’un mini-pont…

Parabellum omet le dernier couplet :

Sur la tombe on lira
Cette glorieuse phrase
Écrite par des truands
D’une très haute classe
Honneur à la putain
Qui m’a donné sa main
Si je n’étais pas mort
Je te baiserais encore !

Sinon, vous avez remarqué que Nina est la « reine des morue de la plaine Saint-Denis » ? Les parisiens s’attendraient plutôt à la rue Saint-Denis, haut lieu de prostitution. Mais vérification faite, c’est bien la plaine Saint-Denis, un quartier de la banlieue nord de Paris où on a construit le Stade de France et où on tourne des émissions de télé comme Loft Story, rien à voir avec la prostitution donc.  Le « petit cimetière près de la rue Saint-Martin », on le cherche encore.

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