La perfection de la versification française me paraît presque impossible

Peut-on chanter en français – 2

Chaque langue serait-elle plus ou moins adaptée à telle ou telle manière de penser, de chanter ou de dire ? Selon divers lieux communs, l’allemand serait propice à la philosophie, le français à la clarté, l’italien au chant, etc. C’est la question du « génie des langues », expression utilisée semble-t-il pour la première fois par Amable de Bourzeis (1606-1672) dans son traité Sur le dessein de l’Académie et sur le différent génie des langues. Un peu comme dans les séries du Jardin sur la chanson art majeur ou mineur, les textes les plus pertinents remontent donc au XVIIe siècle, au moment où se fixe le français moderne. Bourzeis faisait partie des membres fondateurs de l’Académie française. Comme premier texte, je vous propose un extrait de La lettre à l’Académie Française de Fénelon. On est en 1714.

Me sera-t-il-permis de représenter ici ma peine sur ce que la perfection de la versification française me paraît presque impossible ? Ce qui me confirme dans cette pensée est de voir que nos plus grands poëtes ont fait beaucoup de vers faibles. Personne n’en a fait de plus beaux que Malherbe ; combien en a-t-il fait qui ne sont guère dignes de lui ! Ceux-même d’entre nos poëtes les plus estimables qui ont eu le moins d’inégalité en ont fait assez souvent de raboteux, d’obscurs et de languissants : ils ont voulu donner à leur pensée un tour délicat, et il la faut chercher ; ils sont pleins d’épithètes forcées pour attraper la rime. En retranchant certains vers, on ne retrancherait aucune beauté : c’est ce qu’on remarquerait sans peine, si on examinait chacun de leurs vers en toute rigueur.

Voilà, on ne parle pas encore de chant ou de musique, mais la versification française est « presque impossible » (je suppose qu’à l’époque on la comparait plutôt à la versification latine). Comme chanson, je vous propose Vive l’alexandrin de Claude Nougaro. La chanson proclame les vertus de l’alexandrin (« ce grand niais » comme disait Victor Hugo), mais sauf erreur de ma part, elle est surtout en octosyllabes, avec quelques alexandrins perdus par-ci par-là dans les refrains.

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Les mots n’ont aucune importance (en cette circonstance)

Peut-on chanter en français – 1

À l’heure où approchent les élections, le Jardin, jaloux des audiences de la télé poubelle, s’essaie au buzz identitaire le plus nauséabond, avec une question qui remue les profondeurs de notre roman national. Ou plutôt en l’espèce de notre romance nationale : peut-on chanter en français ? Explicitons la question: la Langue Française, ce monument qui a tant donné à la littérature mondiale, serait-elle inapte à chanter ? L’anglais et ses « oh yeah » et ses « she loves you » serait-il doté de la faculté magique de se fondre sans effort dans toute musique syncopée ou simplette ? Tandis que le français, ce géant littéraire empêtré dans ses conjugaisons, son accent tonique anémique, ses règles et ses voyelles nasales serait condamné à une grandiloquence méprisante et académique.

Voilà ce qui expliquerait que la France a un peu raté le grand tournant de la révolution rock (voir ici) et a perdu depuis longtemps sa place dominante dans les cultures populaires internationales. On va voir que ce débat est bien plus ancien que la vague yéyé, que la vague jazz des années 1920, ou même que la « vague ragtime » du début des années 1900, bien oubliée aujourd’hui. Des textes assez anciens alimentent ce débat, dans un mélange paradoxal et détonnant entre un chauvinisme littéraire mégalomane et un complexe d’infériorité musical qui confine parfois à la haine de soi. Mais ne divulgâchons pas les prochains billets…

Alors, peut-on chanter en français ? Première pièce à conviction de ce vieux débat, Groove baby groove, d’un Michel Jonasz au top de son inspiration. Michel Jonasz raconte que cette chanson est autobiographique, voir sa longue interview au micro de Benoit Duteurtre.

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Souvenirs de Russie

Souvenirs de Russie

J’ai bien du mal à cultiver mon petit Jardin … Pour faire semblant d’être réactif à l’actualité, j’avais préparé longtemps à l’avance un thème en vague lien avec les élections. Comme la plupart des séries de ce blog nécessitent des années de préparation (toutefois peu intensive), j’en suis réduit à ces subterfuges. Et puis entre-temps, la guerre en Ukraine a éclaté. Ma série tombe un peu à côté … s’il pouvait en être de même des bombes. La série en question commencera dans deux jours et le monde se remettra facilement de ce qu’elle évoque un cheveu dans une soupe.

Les habitués de ce blog ont peut-être noté un léger tropisme vers l’Orient, avec des chansons en russe ou en yiddish dans plusieurs séries. C’est que j’ai quelques liens avec l’est de l’Europe, et avec la guerre, je suis plongé dans mes souvenirs de Russie … Mon père était russophile si ce mot à encore un sens. Ses origines ne vont pas plus à l’est qu’une ligne tracée des Ardennes à Tours, mais il parle très bien le russe. Au début de sa carrière d’ingénieur, il est parti installer un gros ordinateur à Moscou avec toute la famille. Il parait que le cuisinier d’un général de l’armée rouge a préparé mon premier gâteau d’anniversaire. Puis j’ai été biberonné à la chanson russe : Boulat Okoudjava surtout que j’aimais beaucoup, et je me cachais terrorisé sous la couverture quand j’entendais la voix de Vladimir Vyssotsky (maintenant c’est plutôt sa guitare désaccordée qui m’effraie).

On m’a inscrit en russe première langue, dans un lycée à l’est de Paris. La mode en était presque passée. Monsieur Pauliat, un grand professeur de russe, auteur de nombreux manuels et pionnier des méthodes audio-visuelles, allait partir à la retraite. Il racontait qu’à la rentrée après le Spouknik, il avait fallu refuser des dizaines d’élèves. Tout le monde voulait apprendre le russe : les Russes allaient dépasser les Américains, c’était l’avenir. Au début des années 1980, on n’était plus qu’une quinzaine d’élèves en 6e russe première langue : quelques stratèges qui contournaient la carte scolaire. Quelques-uns avec des origines à l’est, en Pologne ou en Ukraine, tous juifs ashkénazes, tous de familles marquées par le communisme, aucun descendant de Russe blanc. Il y avait la fille du correspondant de l’Humanité à Moscou. Et un seul fils d’ouvrier communiste du quartier qui voulait que son gamin apprenne la langue de la patrie des travailleurs.

La classe se partageait entre pro et anti. Je me souviens qu’un camarade de classe a joué dans un téléfilm de Jacques Fansten sur un scénario de Jean-Claude Grumberg : Les lendemains qui chantent. Ça racontait l’histoire d’une famille de juifs communistes dans les années 1950 qui reçoit à Paris la visite d’un cousin d’Union soviétique. Le cousin profite du voyage pour passer à l’ouest ce qui ébranle quelques convictions. Mon copain a dû s’expliquer devant la mère d’une élève de la classe qui l’accusait d’avoir tourné dans un film anticommuniste. Il a répondu que le film n’était pas anticommuniste mais antistalinien, opinion alors curieusement permise chez les staliniens.

Une heure par semaine, il y avait une lectrice de russe envoyée par l’ambassade d’URSS qui nous faisait un peu pratiquer. Elle nous passait des films de propagande. Je me souviens de l’histoire d’un chauffeur de bus à Leningrad, bon père de famille, qui militait le soir au Parti dans une franche camaraderie. On la taquinait sur la liberté dans son pays. On était bavards, on racontait des blagues soviétiques, ce que les Russes appellent « anecdotes », un genre d’humour hélas désuet. On parlait du passage d’Alexandre Soljenitsyne à Apostrophe, on n’arrivait pas à bien voir s’il était du camp des gentils ou des méchants …

Il y a eu un voyage scolaire en URSS en avril 1985, quelques jours après la nomination de Gorbatchev à la tête du pays. On pouvait changer des dollars au noir, vendre des pages de catalogue de la Redoute qui servaient de patron à des couturières fabriquant des vêtements à la mode à l’ouest, acheter des souvenirs dans des magasins réservés aux étrangers…

On a visité une école de Moscou avec des jeunes de notre âge qui parlaient parfaitement français. Nous on était tellement nul en russe qu’on se rabattait sur l’anglais. À la journée organisée dans la famille d’un camarade, j’ai demandé pourquoi il n’y avait qu’un seul parti en URSS. Le copain « organisé » m’a regardé interloqué et a demandé à son papa, qui lui a expliqué. C’était parce que la lutte des classe est terminée.

Une prof de russe qui organisait le voyage m’a emmené chez une amie de la nomenklatura, la fille d’un académicien. On a mangé du caviar et j’ai fait une partie de Monopoly, un jeu pourtant interdit, avec le gamin de la famille. C’était la première fois que je voyais un vrai Monopoly américain avec les rues d’Atlantic City et pas celles de Paris. En bonne position dans la partie (j’étais expert en Monopoly), j’ai refusé un prêt à mon adversaire, ce qui a précipité sa défaite et causé un incident diplomatique. Mais venant d’un pays capitaliste, j’avais des droits sur un jeu capitaliste n’est-ce pas. Je me demande ce qu’il est devenu : oligarque, ingénieur en Californie, ou en prison pour avoir manifesté contre la guerre ?

On a aussi trainé vers une synagogue de Moscou le soir de la Pâque juive. La police arrêtait des manifestants, des refuzniks sans doute. On y a rencontré une bande de jeunes très sympas qui nous ont baladés dans tout Moscou. De retour en France, des gens qui s’y connaissaient m’ont dit que c’était sans doute des indicateurs de la police.

Et puis tout ce monde a disparu … C’était exotique, le décor avait un semblant de signification, une logique apparente : il y avait du caviar chez les académiciens et un seul parti parce qu’il n’y avait plus de lutte des classes. Ce n’était pas encore le moment de butter les Tchétchènes dans les chiottes ou de dénazifier des drogués. Je suis retourné une dernière fois en Russie en 1998, pour prendre le Transsibérien. Une semaine d’usines déglinguées vues par la fenêtre du train et de quais de gare plein de vendeurs de poisson salé. J’y avais déjà ressenti un peu de nostalgie de l’époque soviétique. Mon russe n’a jamais été très praticable. Il est maintenant tout rouillé, il ne me sert plus qu’à comprendre trois mots dans des chansons, ou à discuter cinq minutes. Hier une réfugiée ukrainienne m’a dit son étonnement au retour du marché des Gratte-Ciel à Villeurbanne : il y a une candidate trotskiste aux élections. J’ai réussi à lui expliquer que non, il y en a deux. Trois à certaines, quand les descendants de l’OCI arrivent à présenter un candidat, mais c’est trop compliqué à expliquer, même en français.

Je pense aux Ukrainiens sous les bombes et leur souhaite de reconquérir leur liberté bientôt. J’use de la mienne, chèrement acquise par d’autres que moi, pour vous passer encore des chansons en russe, de Boulat Okoudjava. La prière de François Villon (et puis tout l’album ensuite).

Pour conclure ce billet, Rasputin de Boney M, à bien écouter jusqu’au bout pour sa phrase conclusive.

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Tout va très bien

Le téléphone 24/24

Pour conclure la série, la plus célèbre chanson au téléphone, c’est sans doute Tout va très bien madame la marquise. Par l’Orchestre de Ray Ventura.

Et comme bonus conclusif, une publicité pour le téléphone supplémentaire.

1 – Le téléphone d’Elli & Jacno
2 – Prélude à l’après-midi d’un hygiaphone
2bis – Olga & Adieu Minette
3 – Dans le Bottin
4 – Lizzophone
5 – Téléphone À Téléphone mon bijou
6 – Le téléphone pleure (de rire)
7 – Get off the phone
8 – Babylone 21 29
8bis – Allo
9 – Le standard téléphonique
10 – Ne coupez pas mademoiselle
11 – Telephone de Lady Gaga
12 – Le jeu du téléphone
13 – L’amour au téléphone
14 – Johnny téléphone
15 – Téléphonez moi chérie
15bis – La voix humaine
16 – Phone numbers
17 – Le téléphone sonne
18 – Téléphone-moi
18bis – Propositions
19 – Ring Ring
20 – Appelle mon numéro
21 – When the phone stops ringing
22 – Téléphone-moi
23 – Busy line
24 – Tout va très bien

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Busy line

Le téléphone 23/24

Ma chanson de téléphone préférée, Rose Murphy, Busy Line. Excellent exercice pour cours de chant le « brrr-brrr » soit dit en passant.

Il parait que Rose Murphy a beaucoup inspiré le style vocal de Marilyn Monroe. Au téléphone, dans Lazy, avec Donald O’Connor, et Mitzi Gaynor. « New fish, same hook ».

En bonus du jour, un extrait du film Banzai, avec Coluche.

1 – Le téléphone d’Elli & Jacno
2 – Prélude à l’après-midi d’un hygiaphone
2bis – Olga & Adieu Minette
3 – Dans le Bottin
4 – Lizzophone
5 – Téléphone À Téléphone mon bijou
6 – Le téléphone pleure (de rire)
7 – Get off the phone
8 – Babylone 21 29
8bis – Allo
9 – Le standard téléphonique
10 – Ne coupez pas mademoiselle
11 – Telephone de Lady Gaga
12 – Le jeu du téléphone
13 – L’amour au téléphone
14 – Johnny téléphone
15 – Téléphonez moi chérie
15bis – La voix humaine
16 – Phone numbers
17 – Le téléphone sonne
18 – Téléphone-moi
18bis – Propositions
19 – Ring Ring
20 – Appelle mon numéro
21 – When the phone stops ringing
22 – Téléphone-moi
23 – Busy line
24 – Tout va très bien

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Téléphone-moi

Le téléphone 22/24

Aujourd’hui Nicole Croisille nous chante Téléphone-moi.

En bonus du jour, les Guignols de l’info. Wazaaa !

1 – Le téléphone d’Elli & Jacno
2 – Prélude à l’après-midi d’un hygiaphone
2bis – Olga & Adieu Minette
3 – Dans le Bottin
4 – Lizzophone
5 – Téléphone À Téléphone mon bijou
6 – Le téléphone pleure (de rire)
7 – Get off the phone
8 – Babylone 21 29
8bis – Allo
9 – Le standard téléphonique
10 – Ne coupez pas mademoiselle
11 – Telephone de Lady Gaga
12 – Le jeu du téléphone
13 – L’amour au téléphone
14 – Johnny téléphone
15 – Téléphonez moi chérie
15bis – La voix humaine
16 – Phone numbers
17 – Le téléphone sonne
18 – Téléphone-moi
18bis – Propositions
19 – Ring Ring
20 – Appelle mon numéro
21 – When the phone stops ringing
22 – Téléphone-moi
23 – Busy line
24 – Tout va très bien

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When the phone stops ringing

Le téléphone 21/24

Aujourd’hui, on écoute When the phone stops ringing, avec ces paroles de sagesse :

It’s over when the phone stops ringing
He’s never, ever going to call, no no no-o
It’s over when the phone stops ringing
He’s done this kind of thing to girls before

Par Eighth Wonder.

En bonus du jour, une compilation de Louis de Funès au téléphone.

1 – Le téléphone d’Elli & Jacno
2 – Prélude à l’après-midi d’un hygiaphone
2bis – Olga & Adieu Minette
3 – Dans le Bottin
4 – Lizzophone
5 – Téléphone À Téléphone mon bijou
6 – Le téléphone pleure (de rire)
7 – Get off the phone
8 – Babylone 21 29
8bis – Allo
9 – Le standard téléphonique
10 – Ne coupez pas mademoiselle
11 – Telephone de Lady Gaga
12 – Le jeu du téléphone
13 – L’amour au téléphone
14 – Johnny téléphone
15 – Téléphonez moi chérie
15bis – La voix humaine
16 – Phone numbers
17 – Le téléphone sonne
18 – Téléphone-moi
18bis – Propositions
19 – Ring Ring
20 – Appelle mon numéro
21 – When the phone stops ringing
22 – Téléphone-moi
23 – Busy line
24 – Tout va très bien

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Appelle mon numéro

Le téléphone 20/24

La chanson du jour est Appelle mon numéro de Mylène Farmer.

En bonus, une publicité pour Total.

1 – Le téléphone d’Elli & Jacno
2 – Prélude à l’après-midi d’un hygiaphone
2bis – Olga & Adieu Minette
3 – Dans le Bottin
4 – Lizzophone
5 – Téléphone À Téléphone mon bijou
6 – Le téléphone pleure (de rire)
7 – Get off the phone
8 – Babylone 21 29
8bis – Allo
9 – Le standard téléphonique
10 – Ne coupez pas mademoiselle
11 – Telephone de Lady Gaga
12 – Le jeu du téléphone
13 – L’amour au téléphone
14 – Johnny téléphone
15 – Téléphonez moi chérie
15bis – La voix humaine
16 – Phone numbers
17 – Le téléphone sonne
18 – Téléphone-moi
18bis – Propositions
19 – Ring Ring
20 – Appelle mon numéro
21 – When the phone stops ringing
22 – Téléphone-moi
23 – Busy line
24 – Tout va très bien

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