Les Juifs et la chanson V – Chansons de Corvol 9/10
Je vous propose aujourd’hui une chanson intéressante du répertoire corvolois, Seize tonnes, par Jean Bertola.
C’est une adaptation de Sixteen tons. Voici l’original par Tennessee Ernie Ford.
Voici encore le drolatique Sixteen tons of latkes par Mickey Katz. Sachez que les latkes sont une délicieuse spécialité à base de pommes de terre râpées. Explication détaillée des paroles ici.
Devinette du jour : Le rap, du moins en France, est l’héritier du grand courant de la chanson réaliste qui a marqué tout le XXe siècle d’Aristide Bruant à Renaud. À l’appui de cette théorie, je vous demande de trouver dans le rap un maximum de références aux chansons de Renaud (j’ai des exemples communiqués par Émile, internaute confiné dans les Monts du Forez et référent du Jardin pour le rap).
Réponse à la devinette d’hier. On demandait quelle est la chanson de Brassens dont les couplets sont en vers de 13 pieds. Bravo à Pierre, internaute de la Montagne Sainte-Geneviève, qui a le premier donné la bonne réponse. Il s’agit des Funérailles d’antan. Chanson bouffonne sur un sujet macabre, je me demande s’il faut voir quelque superstition ou message subliminal à ce nombre 13 passé en contrebande (un peu comme le « diabolus in musica » glissé dans la mélodie des Copains d’abord, voir ici).
Pierre remarque que dans Les funérailles d’antan, les vers sont débités « en mitraillette ». C’est quand même une mitraillette bien réglée. Ça fait « un-deux-trois un-deux-trois un-deux-trois un-deux-trois Un » (on peut chanter tous les couplets sur ces paroles, sauf la toute fin). J’ai commis l’erreur de me confiner sans mes partitions de Brassens, mais ça a l’air d’un 12/8, chaque vers s’étalant sur deux mesures. La première est entièrement décomposée en 12 croches (d’où la « mitraillette »), la deuxième contient seulement le dernier pied, et du silence. Et puis ça recommence.
Par Chanson plus bifluorée.
Pierre nous signale aussi Le progrès où quelques vers de 13 pieds fleurissent au milieu d’octosyllabes, très belle chanson. Je n’ai pas d’explication à ces apparitions de vers de 13 pieds, mais j’observe que cette fois la musique est de Jean Bertola. Je ne vois pas comment Brassens a pu écrire un texte sur une métrique aussi curieuse sans une ébauche de musique en tête, au moins un placement rythmique. Par Jean Bertola.
Il me semble aussi que dans Embrasse-les tous des vers de 13 pieds se baladent par-ci par-là au milieu d’alexandrins et d’autres choses, car cette chanson n’a pas une conduite très réglée, au plan métrique s’entend… Par Yves Jamait.
Aujourd’hui, on examine l’homosexualité chez les « grands » de la chanson française. Je n’ai rien trouvé chez Léo Ferré ou Barbara. Dans les chansons de Charles Trenet, qui était lui-même homosexuel, je n’ai rien trouvé non plus. Chez Brel, l’homosexualité est simplement un sujet de moquerie, comme dans la version de 1967 des Bonbons (voir ici). Dans la Chanson de Jacky (déjà passée ici), Brel s’imagine vendant :
Du whisky de Clermont-Ferrand, De vrais pédés, de fausses vierges.
Pour trouver un précurseur, il faut comme toujours chercher du côté de Brassens. Dans l’une de ses premières chansons, Le gorille, l’homosexualité est considérée comme une faute de goût (mais ni comme un crime ni quelque chose d’anormal ou ridicule). Elle n’est nullement efféminée d’ailleurs, tous les gorilles vous le diront.
Mais, par malheur, si le gorille Aux jeux de l’amour vaut son prix On sait qu’en revanche il ne brille Ni par le goût, ni par l’esprit Lors, au lieu d’opter pour la vieille Comme l’aurait fait n’importe qui Il saisit le juge à l’oreille Et l’entraîna dans un maquis Gare au gorille
Dans Les copains d’abord, il précise que les dits copains ne sont pas « des gens Sodome et Gomorrhe ». Dans Le moyenâgeux, il avoue :
J’eusse aimé le corps féminin, Des nonnettes et des nonnains Qui en ces jolis temps bénis Ne disaient pas toujours nenni.
Mais « nonnain » n’est pas un masculin de nonne, c’est un nom féminin, qui désigne une nonne !
Évocation la plus intéressante selon moi : dix ans avant Comme ils disent d’Aznavour, Brassens aborde l’homosexualité sous un angle assez décomplexé, sans jugement et sans trop de caricature, dans Trompettes de la renommée, en 1962. Conformément à sa morale habituelle, Brassens ne juge pas (voir ici).
Sonneraient-elles plus fort, ces divines trompettes, Si, comme tout un chacun, j’étais un peu tapette, Si je me déhanchais comme une demoiselle Et prenais tout à coup des allures de gazelle ? Mais je ne sache pas qu’ça profite à ces drôles De jouer le jeu d’ l’amour en inversant les rôles, Ça confère à leur gloire une once de plus-value, Le crime pédérastique, aujourd’hui, ne paie plus.
Notons que Brassens s’inclut dans le nombre des homosexuels (potentiels), ainsi que « tout un chacun », un peu comme dans La complainte des filles de joie avec les fils de pute (au sens propre du terme) : « Il s’en fallait de peu mon cher // que cette putain ne fût ta mère ». Vous pouvez aussi vous délecter de S’faire enculer, un texte paillard et politique que Brassens n’a jamais enregistré, mis en musique et chanté par Jean Bertola.
Les arpèges majeurs étaient le septième thème abordé dans le blog. Voilà encore une chanson qui commence par un bel arpège (majeur) ! Entre l’Espagne et l’Italie de Georges Brassens, par Jean Bertola.
Il est temps de conclure cette série d’été… Chansonnette à celle qui reste. Paroles de Georges Brassens, musique de Jean Bertola, interprétée par Maxime Le Forestier.