Bella Ciao, d’Odessa à Tom Waits

Les Juifs et la chanson I – La chanson yiddish 1/14

Après « Mai 68 » il y a deux ans, après « la chanson est-elle un art majeur ? » l’année dernière, cette année sera consacrée aux Juifs dans la chanson : judaïsme, chanteurs juifs, chanson évoquant les Juifs, antisémitisme, Israël, shoah, etc. Les sujets ne manquent donc pas, et pas les plus simples. S’ajoute une difficulté inattendue pour le pauvre blogger-chanson que je suis : la présence plutôt importante du judaïsme au sens large dans l’actualité, l’historiographie, le cinéma ou la littérature par exemple, semble être en corrélation inverse de sa place plutôt discrète dans les chansons françaises. On reviendra sur divers avatars de ce phénomène dans les prochaines séries.

Mais je souhaite commencer par un pas de côté, en m’intéressant dans cette première série à la chanson yiddish. Pour rappel, le yiddish est la langue des Juifs d’Europe de l’est, issu de l’allemand médiéval, mélangé de nombreux mots hébreux et d’emprunts à diverses langues slaves. Parlé dans toute l’Europe, il a beaucoup régressé suite à l’assassinat de millions de ses locuteurs pendant la seconde guerre mondiale. Comme par malédiction, le yiddish a été ensuite victime de phénomènes indépendants mais concourant tous à sa perte : désir d’intégration des communautés ashkénazes en Occident, politique de terreur (parfois antisémite) dans le monde communiste, et décision du jeune État d’Israël d’imposer l’hébreux comme langue unique. Pour finir, son déclin s’inscrit dans le recul généralisé des langues minoritaires.

Le répertoire yiddish n’en est pas moins vaste et surtout varié. Porté par des communautés ballottées par l’histoire et l’immigration, il s’est imprégné de tous les courants musicaux du XXe siècle. Et son grand dynamisme (à New-York notamment et dans une moindre mesure à Paris) a eu une certaine influence sur la musique populaire. Pour débuter ces séries, je propose un voyage autour d’un célèbre chant révolutionnaire italien, Bella Ciao.

Bella ciao est un chant de « mondina », les ouvrières saisonnières italiennes travaillant à la récolte du riz. Chant de travail et de protestation, il date du début du XXe siècle puis est devenu un hymne des partisans antifascistes italiens à la fin de la seconde guerre mondiale. L’origine de sa mélodie est inconnue. Il est possible qu’elle soit inspirée d’une chanson yiddish, Dus zekele koilen. Aucun document n’atteste cette hypothèse, mais les dates concordent et à moins d’une coïncidence, c’est l’explication la plus probable de la similarité des deux musiques.

Le plus ancien enregistrement de Dus zekele koilen est dû à Mishka Ziganoff. Immigré d’Odessa à la fin du XIXe siècle et parlant le yiddish bien que d’ascendance chrétienne, il a fait une carrière d’accordéoniste dans l’entre-deux-guerres à New-York, auprès notamment de la plus célèbre chanteuse yiddish de l’époque, Molly Picon, dont on reparle plus tard.

La version de Maurice Goldstein, avec paroles en yiddish.

Une version italienne de Bella Ciao, par Giovanna Daffini. Elle tenait la chanson de sa grand-mère « mondina ».

La chanson est aujourd’hui l’un des chants révolutionnaires les plus repris. Je vous propose deux versions intéressantes. Par les Ramoneurs de menhirs.

Par Tom Waits.

Plus de détails sur wikipedia, ici.

Merci à mon abonné et ami, le regretté Luc Rosenzweig qui m’a signalé cette intéressante histoire.

Et au fait, le nouvel an juif, c’était il y a deux jours, alors bonne année 5780, ou plutôt a gut yohr comme on dit en yiddish.

Les Juifs et la chanson I – La chanson yiddish
1 – Bella Ciao, d’Odessa à Tom Waits
1bis – Commentaires
2 – Ruth Rubin legacy
3 – Yiddish art song
4 – Molly Picon
5 – The Barry Sisters
6 – Yiddish swing
7 – Sarah Gorby
8 – Tango
9 – Yiddish Rhapsody
10 – Yiddeshe mame par Billie Holiday
11 – Bei mir bistu shein
12 – Catherine Ringer
13 – La véritable histoire de Davy Crockett
14 – Le temps des cerises en yiddish

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