Loùm en concert

Aujourd’hui, c’est mercredi. On fait quoi ce week-end ?
Les annonces du mercredi

Comme (presque) tous les mercredis, on interrompt la série en cours pour annoncer un concert le week-end qui vient. En général pour un concert à Lyon, mais je réfléchis à étendre le concept…

Donc, ce vendredi 2 juin 2017 à 20h30, je vous suggère d’aller écouter Loùm, tout jeune groupe vocal lyonnais, qui propose de belles polyphonies, très variées et bien réglées. Loùm est déjà passé sur le blog, dans la série sur les gitans (ici). Et puis j’ai déjà annoncé des concerts de certains de ses membres en solo (Anissa, ici et Alex Dandló, ici). Cette fois, c’est au KoToPo, près des Terreaux, 14 rue Leynaud Lyon 1er. Je ne sais pas s’il est possible de réserver, tentez votre chance au 04 72 07 75 49 ou sur leur page web.

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L’accordéoniste

Putain de métier 3/11
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On écoute aujourd’hui L’accordéoniste. C’est peut-être la chanson de l’époque réaliste la plus connue et reprise aujourd’hui. Elle aborde un sujet universel : la fascination pour la musique. On en oublierait presque qu’elle raconte l’histoire tragique d’une prostituée. La musique très malléable a un beau potentiel, révélé par l’arrangement jazzy des Glossy Sisters.

Je vous passe aussi l’original par Edith Piaf, qui fait son entrée dans le blog aujourd’hui. Et oui, chaque fois qu’un grand de la chanson fait une entrée tardive dans le blog, je vous fais le coup : scandale, c’est au N-ième post que gnagnagna, honte à moi, j’aurais dû le mettre plus tôt, je me contris, je me flagelle. J’ai fait ça pour Barbara, Reggiani, Bruant, Souchon, Cabrel, etc, on connait la chanson quoi…

Pour en savoir plus sur les Glossy Sisters, c’est là :


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La pierreuse

Putain de métier 2/11
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Dans « Chanson sociale et chanson réaliste », de Catherine Dutheil Pessin, in Cités, numéro 19, dossier Que dit la chanson ? on lit :

Eugénie Buffet est au café-concert créatrice de la « pierreuse », un genre mettant en scène un type social : la prostituée de bas-étage, des boulevards, et des fortifications. Pour mieux s’imprégner de leurs manières, elle les a longuement fréquentées ; elle parait sur scène dans le costume des gigolettes, et chante d’une voix franche, chaude et sans effet recherché les goualantes de Bruant et les complaintes ou vieux refrains populaires.

Je n’ai pas trouvé d’enregistrement de chansons d’Eugénie Buffet de son époque « pierreuse ».  Mais à son répertoire, il y avait Pauvre pierreuse, chanson de 1893, paroles de Paul Rosario, musique de Georges Marietti, interprétée ici par Michèle Bernard.

Pour en savoir plus, un très beau site sur Paris, ici. Dans son autobiographie, Eugénie Buffet raconte sa première expérience de concert à Marseille lorsqu’elle avait 20 ans.

À peine eus‐je ouvert la bouche et émis la première phrase de ma chanson qu’une tempête de sarcasmes, de colère hilare, s’éleva des fauteuils, déferlant à droite et à gauche, montant jusqu’aux cintres, gagnant les balcons. Le Chef d’orchestre Trave criait : au feu ! en se penchant vers moi ; le public continuait de hurler, de rire et de siffler. Je demeurais grelottante comme une mendiante sous l’averse. J’étais vraiment digne d’inspirer pitié, et cependant, si grande est, en ces circonstances, la cruauté communicative des foules, que je ne parvenais, dans ma confusion et dans ma honte, qu’à augmenter la folie des rires et la frénésie insolente des hurlements. Alors désemparée, saisie de peur et sentant les larmes gonfler ma poitrine, je m’enfuis tout à coup hors de la scène, et, entrant dans ma loge, – notre loge commune car elle abritait plusieurs pensionnaires – je m’effondrai sur une chaise et j’éclatai en sanglots ! Je repoussais du bras, avec une lenteur farouche, les mains insinuantes et trop tendrement caresseuses de l’entremetteur «Batistine» que l’on avait surnommé la bouquetière.
Ce personnage équivoque, prostitué du sexe mâle, était célèbre par la nature des services qu’il rendait auprès des vieux messieurs avides de stupre et des jolies femmes avides d’argent ! Ah ! le sinistre Batistine, avec quelle hypocrite pitié il se penchait sur ma détresse, glissant, entre deux paroles apitoyées, prononcées d’une voix grasse et molle, le nom d’un adorateur, la carte d’un type chic m’invitant à souper, et, après avoir essuyé, du coin d’un mouchoir qui sentait la crasse et le patchouli, mes yeux enflés par les larmes, avec quelle insistance rusée, il me montrait les fleurs offertes à ma tentation : «Tiens, ma petite, regarde tous ces hommes, comme ils sont gentils.» Ah ! je n’avais plus la force, je n’avais plus le courage de retrouver les mots qu’il fallait pour cravacher, comme il l’eut mérité, cet être assez vil pour profiter de ma misère et de mon désespoir. Si j’avais pu, je lui eusse crié, indignée : «Canaille que tu es ! tu viens me parler de la bonté des hommes, quand tu sais que la seule consolation qu’ils viennent m’offrir, c’est de coucher avec eux. Tu es plus lâche qu’eux, car eux, ils payent, tandis que toi, tu spécules ! Tu es plus sale, plus abject que ceux dont tu sers les passions et les vices !»

Et puis pour quand même entendre Eugénie Buffet, écoutez la vidéo suivante. Elle y parle d’un autre métier des rues : chanteuse (on reparle très bientôt de cette proximité…).

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Cayenne

Putain de métier 1/11
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Le jardin a déjà exploré l’image de divers groupes sociaux dans la chanson. Tout d’abord les Roms (ici), groupe le plus discriminé en France et en Europe. Leur image dans la chanson est pourtant excellente : les chansons vantant tel Gitan ou tel Manouche sont légion, à tel point que Le Gitan est devenu une sorte de personnage conventionnel qui permet d’évoquer beaucoup en peu de mots : liberté farouche, amitié, générosité, honneur, etc. Nous avons aussi évoqué les scientifiques, catégorie sociale parmi les plus favorisées, et dont l’image dans la chanson est presque systématiquement négative, voir ici. La chanson serait donc l’art d’inverser la réalité ? Miroir, contre-pied, contre-poids, le paradoxe est vieux comme la chanson réaliste.

Qu’en est-il de l’image de la prostituée dans la chanson ? C’est le thème de la série qui démarre aujourd’hui, et les chansons ne manquent pas. Encore une fois, on va voir que le lien avec la réalité est parfois distendu. Mais à la différence des Roms et des scientifiques dont l’image dans la chanson est nette et univoque, la situation est complexe : la chanson met en scène un véritable débat sur les prostituées. Sont-elles « filles de joie » vouées aux délices de l’amour, ou esclaves honteusement exploitées ? Le bordel est-il un lieu d’exotisme, d’abattage ou de raffinement ? Doit-on le regretter, voire même le célébrer comme lieu de haute culture (on a déjà passé une chanson là-dessus : Nos chères maisons, par Juliette Gréco, ici) ?

Pour commencer notre étude, on part des racines de la chanson réaliste, avec Cayenne, une chanson de Bruant qui raconte la vie d’un maquereau. La putain y est bien présente avec une image assez nette : elle est la compagne de l’Apache, en butte comme lui au mépris du « richard » en particulier et de la Société en général. Je vous en passe une reprise rock-punk par le groupe Parabellum.

Une version que j’aime bien, très punk aussi, par Sanseverino, qui se prend pour Jimi Hendrix le temps d’un mini-pont…

Parabellum omet le dernier couplet :

Sur la tombe on lira
Cette glorieuse phrase
Écrite par des truands
D’une très haute classe
Honneur à la putain
Qui m’a donné sa main
Si je n’étais pas mort
Je te baiserais encore !

Sinon, vous avez remarqué que Nina est la « reine des morue de la plaine Saint-Denis » ? Les parisiens s’attendraient plutôt à la rue Saint-Denis, haut lieu de prostitution. Mais vérification faite, c’est bien la plaine Saint-Denis, un quartier de la banlieue nord de Paris où on a construit le Stade de France et où on tourne des émissions de télé comme Loft Story, rien à voir avec la prostitution donc.  Le « petit cimetière près de la rue Saint-Martin », on le cherche encore.

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Le moyenâgeux

Brassens et les poètes 8/8
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C’est le dernier post de la série sur Brassens et les poètes. Si vous a plu, abonnez-vous au blog ! Il faut cliquer quelque part à droite (sur un ordinateur), ou tout en bas, après les mots-clefs (sur un smartphone).

On a vu Antoine Pol qui disait ce que Brassens ne savait pas dire. On vu Paul Fort, héritier de Gustave Nadaud et testateur au profit de Brassens. On a vu Victor Hugo remis au goût du jour par le génie musical de Brassens.  Dans le dernier billet, Brassens chantait Villon, plus célèbre poète français du Moyen Âge. Alors, Brassens moyenâgeux ? Bien sûr, il le dit lui-même dans Le moyenâgeux.

Vous avez entendu ce bel hommage à Villon :

Ma dernière parole soit
Quelques vers de Maître François
Et que j’emporte entre les dents
Un flocon des neiges d’antan

Pour conclure cette série sur Brassens et les poètes, voilà quelques vers que j’aime bien. Petit plaidoyer pour la poésie, tiré de la chanson La femme d’Hector :

Ne jetons pas les morceaux
De nos cœœurs aux pourceaux
Perdons pas notre latin
Au profit des pantins
Chantons pas la langue des dieux
Pour les balourds, les fesse-mathieu
Les paltoquets, ni les bobèches
Les foutriquets, ni les pimbêches

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Ils chantent Brassens qui chante Villon

Brassens et les poètes 7bis/8
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C’est mercredi aujourd’hui, en général, je propose une annonce de concert autour de Lyon pour le week-end (voir ici toutes les annonces déjà passées). Mais rien ce mercredi : j’ai épluché tout le petit bulletin, je n’ai rien trouvé, ou alors détrompez-moi. J’en profite pour reparler un peu de Brassens et Villon. Merci à Pierre Delorme pour nous avoir signalé dans un commentaire les travaux de Paul Verhuyck. Sur wikipedia, on peut lire :

En 1989, dans son article François Villon et les neiges d’antan, Paul Verhuyck propose une hypothèse inédite. Il rattache les figures féminines évoquées par Villon à la tradition hivernale des statues de neige dans les régions de l’Artois et des Flandres

L’article est téléchargeable ici, c’est une excellente lecture, la thèse de Paul Verhuyck est assez convaincante.  Aller, on réécoute la Ballade des dames du temps jadis, chantée par Juliette Nourredine (plus souvent simplement appelée Juliette), Madame Raymonde, Jean-François Novelli.

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Brassens chante Villon

Brassens et les poètes 7/8
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On arrive à la fin de la série sur Brassens et les poètes. Toutes mes excuses aux fans de Louis Aragon, Francis Jammes, Alfred de Musset, Jean Richepin, Géo Norge, Pierre Corneille, Tristan Bernard, Hégésippe Moreau, Paul Verlaine, Gustave Nadaud ou Théodore de Banville.
Brassens les a certes chantés, mais on parlera d’eux une autre fois, peut-être. Le dernier sera François Villon, poète du moyen-âge. La ballade des dames du temps jadis.

Rien à dire : la musique épouse le texte merveilleusement (petite confidence : je crois que c’est la chanson de Brassens que je préfère). L’accompagnement à la guitare est assez original et ajoute à l’exotisme de ce Moyen Âge si cher au cœur de Brassens, on en parle dans le prochain post.

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La marche nuptiale

Brassens et les poètes 6/8
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Dans le dernier billet, on écoutait une mise en musique par Georges Brassens d’un poème de Hugo. Je me suis demandé si Brassens était parfois hugolien. Il partage beaucoup avec Hugo : art classique de la versification et références nombreuses à la culture classique (mythologies grecque et romaine). Mais évidemment, Brassens est moins grandiloquent que Hugo, et sa poésie familière et faussement naïve le rapproche de Paul Fort, on l’a vu.

Mon choix tout personnel de la chanson de Brassens la plus hugolienne : La marche nuptiale, récit très imagé d’un mariage campagnard dans une ambiance panthéiste très éloigné du village conventionnel à la Paul Fort.

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Gastibelza

Brassens et les poètes 5/8
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On poursuit notre étude des rapports entre Brassens et ses poètes avec Gastibelza, poème de Victor Hugo. On l’a déjà entendu dans le blog, chanté par Philippe Jaroussky, ici. La voilà par Brassens.

Je profite de cette chanson pour souligner un aspect de Brassens, non pas méconnu, car tous les musiciens le savent depuis longtemps, mais qui échappe à certaines oreilles distraites : ses qualités tout à fait éminentes de mélodiste. Écoutez attentivement Gastibelza, essayez de la rechanter exactement ou de la jouer au piano : aucune note ne tombe au hasard ou à plat. Et il en fallait du génie pour mettre en musique Hugo, surtout Hugo. Voilà ce qu’un jeune homme disait à André Gide à peu près l’époque où Brassens composait Gastibelza et son autre adaptation, La légende de la nonne (déjà passée, ici) :

L’alexandrin ne nous intéresse plus. Il a vécu ; ayant épuisé ses ressources latentes. Notre curiosité s’en retire ; nous cherchons notre plaisance ailleurs, et ne sentons plus que ce que l’accoutumance à son rythme, à ses lois, avait de factice et de convenu, de consenti. Nous ne trouvons dans Hugo (il ne nous offre) qu’une très habile, mais monotone et vaine,  amplification ; il ne sait cacher que du vide sous sa trompeuse énormité. 

André Gide pense alors :

Et je me sentais furieux contre lui, contre Hugo, contre moi qui ne trouvais plus par quoi ni comment le défendre. Se pouvait-il ? Ce poète énorme, allait-il donc devenir négligeable et s’enfoncer de tout son poids monstrueux dans l’oubli ?

Ces citations sont tirées de la préface de l’Anthologie de la Poésie Française d’André Gide, en 1947. Ce n’est qu’un court extrait, le reste vaut le détour, allez-y voir. Hugo se voit donc plutôt démonétisé en ce milieu du XXè siècle. Retournez lire la série du blog sur Verlaine qui égrainait une longue liste de chansons louant ce poète si léger et moderne. Vous ne trouverez rien de tel sur Hugo. Il faut bien tout le génie musical de Brassens pour le faire chanter à nouveau…

Une dernière chose : comme dans Les Passantes, on peut remarquer que Brassens n’hésite pas à couper les strophes qu’il ne veut pas dans sa chanson. Voir le texte intégral de Hugo, ici. Il fait ça presque à chaque fois qu’il adapte un poème. En auteur efficace de chansons, il concentre le propos sur un seul aspect du poème. Il faut qu’une chanson soit courte, simple et directe.

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Il suffit de passer le pont

Brassens et les poètes 4/8
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On a vu dans le dernier billet le lien de filiation entre Paul Fort et Georges Brassens. Conformément à l’esprit de la série, je me suis mis en quête d’une chanson de Brassens dans la manière de Paul Fort. Ça n’est pas trop difficile, j’ai choisi Il suffit de passer le pont, comptine désuète d’un Brassens qui cultive l’art de se placer à l’abri des modes.

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