La langue française sent le fromage de chèvre

Peut-on chanter en français – 10

Saviez-vous qu’Yves Duteil, ce grand défenseur de la langue française, a écrit ses premières chansons en anglais ? Voilà ce qu’il disait au micro de Sylvain Augier, en octobre 1989, dans l’émission de France Inter, Qu’est-ce qui vous fait courir ?

Sylvain Augier : Vous avez composé à 16 ans une chanson en anglais […]

Yves Duteil : J’ai commencé en anglais parce que c’était la langue de la musique. Pour moi, à ce moment là. J’ai découvert après que je me trompais. Et curieusement, j’ai trouvé un échos de ça chez Félix Leclerc, qui a dit lui aussi, « j’ai aimé le français à travers l’image que j’ai eu d’un professeur d’anglais, qui aimait tellement sa langue et sa culture, que je l’ai vu vu pleurer un jour en écoutant des enfants chanter un cantique en anglais. Et je me suis dit, cet homme là, aime tellement sa langue, il lui rend service en lui communiquant sa passion. C’est à moi de faire la même chose avec la mienne.

Je vous passe le bel hommage d’Yves Duteil à La langue de chez nous.

Et puisqu’Yves Duteil cite Félix Leclerc, je vous en passe un peu. À propos de la langue française, en 1967 : allons au salon de quille pour la fin de semaine. Voir ici. Et puis une chanson. Félix Leclerc, Bozo.

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Les poncifs transversaux

La chanson, art majeur ou art mineur II. Du poncif en chanson, 11/12
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Avant de conclure cette série sur le poncif, je voudrais évoquer ces grands mythes qui traversent toute la chanson. On a déjà consacré des séries au gitan, à la putain, au scientifique, au blues et à Verlaine, cinq magnifiques allégories. Il y aussi le mot « société », et les déflorations juvéniles, deux sujets typiques de la variété des années 1970.  Et puis Paris, mythe géant, mythe aux mille facettes… et la java… on en parlera dans de prochaines séries. Beaucoup d’autres sans aucun doute.

Leur côté conventionnel est bien pratique. Vous voulez évoquer la liberté farouche, l’aventure et l’honneur ténébreux ? Hop, un gitan, ça économisera de laborieuses explications, tout le monde connait. Voir la série sur les roms dans la chanson.

Vous voulez faire croire que vos rimes balourdes ont la légèreté du vent ?  Hop, écrivez « Verlaine » dans vos paroles, tout le monde croira que le maitre de la chanson grise soluble dans l’air aurait adoré vos couplets. Voir la série sur le nombre incroyable de chansons mentionnant le nom de Verlaine.

Vous prétendez à l’aura de l’Homme qui s’y connaît en Femme, en affectant un air à la fois profond, paternaliste et canaille ? Hop, écrivez une chanson-sur-les-putains. Mais surtout, dites exactement le contraire de la dernière chanson entendue sur le sujet. C’est la loi du genre chanson-sur-les-putains, espace de débat et non de communion. Voir la série sur la prostitution et la chanson.

Vous rêvez d’une chanson dépositaire d’une tradition ancestrale, populaire, authentique et rebelle ? Dont les harmonies ne soient pas souillées par les ratiocinations de notre civilisation criminelle ? Et qui en plus fasse étalage de vos états d’âmes (qui intéressent bien sûr tout le monde) ? Et oui, tout ça à la fois. C’est possible. Écrivez simplement dans les paroles que c’est du « blues », surtout si ça n’en est pas. Parce que si c’en est, pourquoi le dire ? Voir la série consacrée aux bluesmen français.

Et si pris d’un remord, vous préférez inscrire votre chanson dans la droite descendance de vos ancêtres gaulois, mettez « java » dans le titre, elle sentira fort le saucisson et le camembert (la série sur ce sujet est en préparation).

Pas besoin de mode d’emploi, tout le monde comprendra très vite. Ça tombe bien, une chanson ne dure que trois minutes. Je vous en remets quelques-unes sur les gitans.

Mon pote le gitan, par Barbara

De plous en plous fort, Les gitans, par Dalida.

Certains prennent le contre-pied des poncifs. Mais si les poncifs n’existaient pas, de quoi prendraient-ils le contre-pied ces ingrats ? Prière bohémienne, de Félix Leclerc (qui fait son apparition dans le blog au 713è billet, quelle injustice de traiter comme ça le pionnier du guitare/voix…).

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