On explore aujourd’hui un peu plus le célèbre Prélude en do majeur, premier morceau du Clavier bien tempéré, déjà vu dans le billet précédent. Pour commencer, le pianiste Lang Lang nous explique quelques enjeux liés à son interprétation.
Encore Lang Lang. Son idée de respiration, je parie que ça a dû parler à Michel Jonasz qu’on aperçoit sur la vidéo …
On l’a déjà vu dans le billet précédent, le premier prélude de Bach a été beaucoup décliné. Il aurait inspiré Fuir le bonheur, de Serge Gainsbourg. Par Jane Birkin. Il y a bien une parenté, mais c’est quand même bien trafiqué.
Alexandre Astier, qui a consacré tout un spectacle à Bach, en a proposé une version au rythme un peu tordu. Amateurs de solfège, c’est du 15/16. Pour ceux qui ne comprennent pas ce que ça veut dire, retenez que c’est bancal mais que c’est fait exprès.
On entend le prélude dans Repent Walpurgis de Procol Harum, vers 3:00 sur la vidéo. Ça fait quand même un peu il y a un cheveu dans la soupe.
La version de Jacques Loussier. Je n’ai pas trouvé de version d’Edouard Ferlet, ça aurait été intéressant ce comparer leurs approches…
L’Ave Maria de Gounod est basé sur ce prélude, et d’après le site cover.info qui m’a bien aidé à préparer cette série, on en trouve 130 reprises : pop, chanson, variété, etc.
Par Tino Rossi, c’est pas mal du tout.
Par Bing Crosby.
Même Stevie Wonder s’y est collé.
On passe au kitch. Qui a eu l’idée de mettre la ligne de basse de Stand by me ? Et de mettre Johnny sur le coup ?
Et puis le spécialiste de Bach en variété. Dave, Marie mon rêve.
Pour finir, les meilleurs. Präludium und Fuge Nr. 1 C-Dur BWV 846. The Swingle Singers. À écouter ici.
On a parlé de Jane Birkin il y a quelques billets, mais qu’en est-il de son mentor Serge Gainsbourg ? Pour instruire son procès en misogynie il y a une difficulté. Son personnage est embrouillé par toutes ses ambiguïtés et provocations. Exemple avec Sois belle et tais-toi. Est-ce une injonction ou la critique de cette injonction ?
Autre exemple, Les femmes ça fait pédé, qui renvoie dos-à-dos des poncifs sur femmes et pédés, manière amusante de montrer leur inanité… tout en les exposant par le menu. Par Régine.
Je vous propose aussi Ronsard 58, chanson revancharde d’homme laid (thème très gainsbourien). Sur le plateau de l’émission Apostrophe. Notez que Guy Béart n’applaudit pas à la fin. La prestation est musicalement assez nulle soit dit en passant.
Le billet d’aujourd’hui est tiré d’un article très intéressant paru dans Le Monde le 20 décembre 2019, à propos des méandres et paradoxes de la vie publique et privée de Jane Birkin : femme célèbre, libre, et femme-objet. À lire ici. Je ne vais pas redire tout ce qu’il y a dans l’article, mais un passage m’a frappé. Dans son journal, Jane Birkin raconte une cure de thalasso après sa rupture avec Jacques Doillon.
J’ai l’impression que toutes les femmes ici ont 45 ans et sont, pour la même raison que moi, désespérées dans des bains bouillonnants, en faisant des efforts enfantins, droite, gauche, dans la douche piscine. Sur chaque visage je vois une peine, une honte dans les yeux baissés, sinon pourquoi on est là ? Toutes probablement mères de famille, toutes…
Autoportrait imaginé par Gainsbourg, dans Di doo dah.
En 1968, Gainsbourg propose à Jane de reprendre Je t’aime moi non plus, dont Brigitte Bardot refuse la sortie en disque. Le producteur demande un album complet, qui sera Jane Birkin – Serge Gainsbourg. Extrait, 69 année érotique.
Une des meilleures chansons à mon gout du duo Gainsbourg-Birkin : La Ballade de Johnny Jane. Au début de la vidéo, extrait du film de Gainsbourg, Je t’aime moi non plus.
La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 11/18 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 – 7 – 8 – 9 – 10 – 11 – 12 – 13 – 14 – 15 – 16 – 17 – 18
Le compositeur de chanson française qui a le mieux exploité le répertoire classique est sans doute Serge Gainsbourg. Il a emprunté des musiques à Brahms, Beethoven, Dvořák, ou Chopin. Avec un talent assez incroyable pour repérer ce qui dans le répertoire ancien sonnera comme le dernier truc à la mode. On en reparlera plus longuement un de ces jours (en attendant, plus d’infos ici).
Je vous passe Jane B., paroles de Serge Gainsbourg, par Jane Birkin.
Et le Prélude, Op.28 No.4 de Frédéric Chopin, par Martha Argerich.
Le grand écrivain anglais Samuel Johnson a dit : « La musique est le seul plaisir sensuel sans vice. » . Ce dont on déduit qu’il a vécu avant Serge Gainsbourg, qui mérite bien sûr un billet à lui tout seul dans cette série.
Je t’aime, moi non plus. Avec Jane Birkin.
Pas mal cette chanson, il fallait oser. C’est juste gênant quand Radio Nostalgie la passe pendant que je conduis la voiture avec mes trois enfants derrière. Faites gaffe les gars, restez plutôt concentrés sur Joe Dassin.
Après le succès planétaire de Je t’aime moi non plus, Gainsbourg a un peu ramé. Il est parvenu à déclencher encore quelques scandales, en chantant la Marseillaise en reggae, en brûlant un billet de 500 francs à la télé, en chantant l’inceste avec sa fille, en draguant Whitney Houston en prime time, en rappelant à Catherine Ringer son passé d’actrice de film X, etc. Mais ses chansons de sexe n’ont jamais atteint le retentissement de son duo : La décadanse a fait un bide. La quasi pornographique Love on the beat, (qu’on a déjà vue dans la série sur les chats, ici) passait à la télé sans esclandre. Il y a plusieurs clips et live disponibles sur youtube, en voici un.
Et finalement des chansons encore plus crues sont sorties dans une certaine indifférence. Suck baby suck, extrait de son dernier album. Viril, puéril ou sénile, à vous de voir…
Expressions et mots venant de la chanson : les sources et les robinets 6/13 1 – 1bis – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 – 7 – 8 – 9 – 9bis – 10 – 10bis – 11 – 12 – 13
Nous sommes toujours en quête d’expressions courantes de la langue française venant de la chanson. Nous avons vu des phrases toute faites, moitié proverbe, moitié expression, bref un peu à côté. Nous avons vu le rickroll et la franck-mickaélisation, deux expressions intéressantes mais plutôt confidentielles et spécialisées. Et qui ne viennent pas tant de la chanson que de la politique et de l’internet, grands pourvoyeurs d’expressions nouvelles. Explorons d’autres grandes sources de néologismes, expressions, phrases toutes faites, etc.
Tout d’abord, les antonomases, figures consistant en la transformation d’un nom propre en nom commun, ce qui a donné silhouette ou poubelle. Ensuite la bande dessinée. Saviez-vous que le mot « pied » a été inventé par un personnage de bande dessinée ? La dame assise, dans Les poulets n’ont pas de chaise, de Copi.
Bécassine fut une bande dessinée avant d’être une chanson ou un synonyme d’idiote évidemment. On doit « ils sont fous ces romains » et « il est tombé dedans quand il était petit » au grand René Goscinny. Le génial Franquin nous a laissé, « m’enfin » et « rogntudju ». Quant aux « pieds nickelés » c’est bien sûr une bande dessinée, quoique le titre provienne selon certains d’une pièce de théâtre. La palme du genre revient à Cabu, le plus merveilleux des dessinateurs de presse, assassiné le 7 janvier 2015, et qui a inventé un mot passé dans le langage courant : « beauf ». Le 25 juillet 1980, Cabu invité de l’émission de Bernard Pivot, Apostrophe. Regardez notamment la fin de la vidéo.
Plus généralement, la littérature est bien sûr une bonne source d’expressions toutes faites, comme d’innombrables moralités de fables de La Fontaine. Si vous êtes un Don Juan, vous devez quelque chose à Molière… à moins que ne soyez un tartuffe ou que vous ne vous embarquiez dans une galère ?
J’aime beaucoup l’expression « élémentaire mon cher Watson » parce qu’il paraît qu’on ne la trouve dans aucune aventure de Sherlock Holmes. C’est le comble de l’inventeur d’inventer ce qu’il n’invente pas. Notez que dans un précédent billet, on a eu un cas similaire. Comme me l’a fait remarquer Daniel Maillot dans un commentaire, Georges Marchais n’a jamais dit « taisez-vous Elkabbach ». La citation est en fait une invention de Thierry Le Luron ! Ce qui nous amène aux comiques…
Les comiques ne sont pas en reste donc : le schmilblick, « faire chauffer la colle », ou loufoque (qui n’est autre que le mot fou traduit en loucherbem, voir ici) sont des expressions inventées par Pierre Dac. « C’est étudié pour », « tonton, pourquoi tu tousses ? » ou « ça eu payé, mais ça paye plus » furent inventées par Fernand Raynaud. On doit à Coluche « C’est l’histoire d’un mec », ou « sans blague merde ». Les Deschiens nous ont laissé le gibolin. N’oublions pas Nabila qui a su renouveler le mot allô.
C’est triste à dire quand on aime la chanson, mais les paroliers paraissent bien faibles à côté de Cabu, Goscinny, Pierre Dac, Fernand Reynaud, Charles de Gaulle ou Nabila. Ces prétendus génies du mot ont l’oreille du peuple tout entier. Radio Nostalgie nous bourrent le crâne de leurs ritournelles. Résultat : le sociologue Michel Delpech, le provocateur Serge Gainsbourg, l’amoureuse Véronique Sanson, l’ado révolté Renaud, le droitiste Michel Sardou, l’idole des vieux/jeunes Johnny… quelles expressions toutes faites nous ont-ils laissées ? « Que je t’aime » ? Soyons sérieux : pas grand chose.
Ont-ils seulement essayé ? Je le crois. Par exemple, Serge Gainsbourg a essayé d’inventer tout ensemble une nouvelle chanson, un nouveau mot et une nouvelle danse : La décadanse, tentative contre-nature de rétrograder ce bon vieux slow au niveau de ringardise de la position du missionnaire. Jane Birkin et Serge Gainsbourg, La décadanse, en 1972.
Vidéo de l’Ina qui atteste le côté « plan com » de l’opération : ici ! Cette danse, je l’aurais plutôt appelée slowrette… Le plan n’était pas mauvais toutefois, j’en conviens. Mais l’échec fut complet : la chanson, quoique sulfureuse et bien écrite, n’a pas marché. Et surtout, la danse n’a rencontré aucun succès, je ne connais personne qui danse la décadanse (si vous en connaissez, balancez, hashtag balance ton décadanseur). Pourquoi cet échec ? Le public était peut-être rassasié de scandale après le succès de Je t’aime moi non plus ? Le contraste entre érotisme torride et jeu de mot bidon a dû plomber le concept « décadanse ». Et puis franchement, je ne suis pas danseur, mais ça m’a l’air un peu nul comme danse, je veux dire d’un point de vue strictement dansant, non ? Aller, on remet ça.
La trente-sixième série du blog était consacrée à la profession de secrétaire. J’ai oublié de vous passer ce joli trio qui ressasse obstinément tous les poncifs associés à cette noble profession.
Jane Birkin, Dorothée, Karen Cheryl, Le trio des secrétaires.
Pour continuer un peu avec Bach, je vous propose Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve, une chanson de Serge Gainsbourg, sur une musique ressemblant fortement au 1er prélude en do majeur de Bach qu’on a passé au début de la série sur Bach (ici). Chantée par Jane Birkin.
Épisode 3 : Un jour, Véronique croisa Stephen Stills, guitariste américain bien connu. Il parait qu’il est tombé amoureux d’elle en écoutant un enregistrement au studio. Elle quitta brusquement Michel Berger pour lui, en procédant tel qu’expliqué par Jane Birkin dans Nicotine (si, si c’est vrai, on fait presse people ou pas ?).