Les français n’ont point de musique

Peut-on chanter en français – 3

Les français si fiers de leur littérature semblent depuis longtemps complexés par la musicalité de leur langue. Premier texte explicite dans cette direction, avec un Jean-Jacques Rousseau qui y va un peu fort quand même, pfff ces Suisses.

Je crois avoir fait voir qu’il n’y a ni mesure ni mélodie dans la musique française, parce que la langue n’en est pas susceptible ; que le chant français n’est qu’un aboiement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue ; que l’harmonie en est brute, sans expression et sentant uniquement son remplissage d’écolier ; que les airs français ne sont point des airs ; que le récitatif français n’est point du récitatif. D’où je conclus que les Français n’ont point de musique et n’en peuvent avoir ; ou que si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour eux.

Pourtant, il arrive que des étrangers chantent quelques mots de français … Michelle des Beatles

Et même sur des musiques écrites par des français comme Michel Legrand. La valse des Lilas, par Stacey Kent.

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Peau d’Âne

L’inceste 15/15

Pour conclure la série, Delphine Seyrig, doublée à la voix par Christiane Legrand, nous chante les Conseils de la Fée des lilas. Musique de Michel Legrand, paroles de Jacques Demy.

1- Les suites d’un premier lit
2- Rosa
3- Bonjour ma cousine
4- Le souffle au cœur
5- Mon frère
6- T’en fais pas mon p’tit loup
7- Touche pas à mon corps
8- Le secret
9- La maison en bord de mer
10- Inceste de citron
11- Scandale dans la famille
12- L’attentat à la pudeur
13- Oncle Ernie
14- Au cœur de la nuit
15- Peau d’Âne

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Bach swingue

J.-S. Bach dans la chanson 6/19

On parlait de jazz dans le billet précédent. Mais pour faire swinguer Bach, nul n’égale les Swingle singers.

Présentés par Michel Legrand.

1 – Un flingueur nommé Jean-Sébastien Bach
2 – Un tube de Bach
3 – Bach demeure dans un camion
4 – Encore du Bach par Frida Boccara
5 – Bach jazzman
6 – Bach swingue
7 – All you need is Bach
8 – Blondie is Bach
9 – Un métaleux appelé Bach
9bis – Bach, cet inconnu
10 – Bach popstar
11 – American Tune
12 – Un geek appelé Bach
13 – Un crabe appelé Bach
14 – Une fugue pas de Bach
15 – Bach s’invite chez les Le Forestier
16 – Maurane vs Gould
17 – Variations sur un prélude (de Bach)
18 – Un blagueur nommé Glenn Gould
19 – Répliques

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Bonne année 2020

Spécial nouvel an 2020

Bonne année à tous mes fidèles lecteurs ! Avez-vous remarqué qu’il y a une énorme foultitude de chansons parlant du nombre 20, et presque aucune du nombre 19 (voir la série sur les nombres en chanson) ? Et oui, « je vous parle d’un temps que les moins de 19 ans ne peuvent pas connaître », c’est nul… Voyons là un bon présage pour le passage de « 19 » à « 20 » célébré en ce jour.

Puisqu’on parle de chiffres, je vous propose quelques statistiques. La fréquentation du blog a beaucoup augmenté ces dernières années. Au départ, il y avait moins d’une dizaine de visites par jour, aujourd’hui c’est plutôt une cinquantaine, ce qui fait qu’en 2019, vous m’avez rendu presque 15000 visites. Mais je ne sais pas très bien ce que recouvre ce chiffre : combien de robots, de passages d’une demi-seconde via des moteurs de recherche, combien de véritables lecteurs, difficile à dire. Vous êtes à ce jour 119 abonnés par email, 8 abonnés sur Twitter et encore quelques dizaines via Facebook, plus de 200 au total.

Le billet qui a eu le plus de succès en 2019 s’intitule « La pornographie » : 589 visites tout de même. Je suppose que des requêtes plus ou moins lubriques adressées aux moteurs de recherche aiguillent des lecteurs vers mon site. J’espère qu’ils ne sont pas trop déçus… À propos de requêtes, florilège des meilleures que me communique mon hébergeur (hélas, les moteurs les plus utilisés ne transmettent pas leurs requêtes).

– « alexia de haine brigade », 4 fois
NB : en fait, c’est Alexa, chanteuse du groupe punk Haine Brigade auquel j’ai consacré un billet, ici.

– « fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve bach », 12 fois
La requête la plus fréquente.

– « chanson avec pastilles de menthe »
J’aime bien cette chanson de Dranem, voir ici.

– « homsexualite legrand demy »
Il y en a qui se posent de drôles de questions.

– « beat de claude françois porno »
Qu’est-ce qu’il voulait celui-là ? Brrr, j’en frémis.

Le billet du blog qui le plus grand succès depuis le début, c’est « Léo Ferré était-il misogyne ? » : 732 visites. Je suppose que de nombreux internautes se posent la question… et ils tombent sur la deuxième série de mon blog, consacrée au sexisme et au féminisme. Je n’en suis pas très content : écrite au début, quand je n’étais pas encore bien rodé, elle est un peu bancale, incomplète. Bref, je l’ai refondue entièrement, et je vous la ressers ces prochains jours.

Pour finir, mon plus grand regret : je ne passe pas suffisamment de chanteurs en activité. Je lance un appel à candidature, j’offre une place de chroniqueur « chanson d’aujourd’hui », « annonce de concert », ce que vous voulez du moment qu’il y a au moins un chanteur actuel chaque mois. J’offre 50% des bénéfices du blog (c’est-à-dire zéro).

Pour bien commencer l’année, une chanson d’un des meilleurs artistes qui tournent en ce moment, Thibaud Defever (anciennement Presque oui). On saura pas.

Une deuxième, Des oiseaux.

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Timbrés ?

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 4/18
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On a abordé dans le dernier billet la question des chanteurs qui changent de registre : de la variété au classique, et réciproquement. Je vous propose encore un petit voyage dans les deux sens, avec d’abord Le lion est mort, par Philippe Jaroussky & friends, qui renouvellent un peu les harmonies du machin.

Natalie Dessay a laissé de côté sa voix lyrique pour se lancer dans la chanson. Avec Michel Legrand, Les moulins de mon cœur.

Dans Barcelona, Freddie Mercury tient le choc face à Montserrat Caballé.

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Rochefort

Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson 17/17

Pour finir la série, je vous propose un petit tour à Rochefort, ville habitée par les musiques de Michel Legrand et le film de Jacques Demy. Les chansons restent assez abstraites et évoquent peu de lieux… à part Paris bien sûr !

Rochefort n’en reste pas moins un quasi-personnage du film Les demoiselles de Rochefort.

Le pont transbordeur

Marins, amis, amants ou maris

Je ne vous passe pas d’extrait des Parapluies de Cherbourg… Je vous signale juste qu’un entrepreneur astucieux a eu l’idée de fabriquer de véritables parapluies de Cherbourg. On fera peut-être une série sur les objets imaginaires en chanson ?

Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson
1 – Entre Cuba et Manille
2 – Ménilmontant
3 – Le paradis
4 – La Molvanie
4bis – Le kamklep
5 – Chez Laurette
6 – L’underground café déménage rue Watt
6bis – La rue Watt
7 – Café Pouchkine
8 – Rue de la Grange aux Loups
9 – Le café des délices
10 – Quand la RATP invalide les chansons
11 – Les chants du Pelennor
12 – Comment se rendre en Transylvanie Transsexuelle
13 – Leindenstadt
14 – Porte des Lilas et Paimpol
14bis – Porte des Lilas (bis)
15 – La gare Saint Lazare de Brel
16 – San Francisco
17 – Rochefort
17bis – Saint-Lazare, bis
17ter – Gare du nord et Lountatchimo

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Le paradis

Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson 3/17

On parlait de Michel Legrand dans le précédent billet. Ce petit gars de Ménilmontant n’a pas chanté son quartier natal (à ma connaissance). Mais il a écrit pour Claude Nougaro la musique de son probable quartier final. Le paradis.

Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson
1 – Entre Cuba et Manille
2 – Ménilmontant
3 – Le paradis
4 – La Molvanie
4bis – Le kamklep
5 – Chez Laurette
6 – L’underground café déménage rue Watt
6bis – La rue Watt
7 – Café Pouchkine
8 – Rue de la Grange aux Loups
9 – Le café des délices
10 – Quand la RATP invalide les chansons
11 – Les chants du Pelennor
12 – Comment se rendre en Transylvanie Transsexuelle
13 – Leindenstadt
14 – Porte des Lilas et Paimpol
14bis – Porte des Lilas (bis)
15 – La gare Saint Lazare de Brel
16 – San Francisco
17 – Rochefort
17bis – Saint-Lazare, bis
17ter – Gare du nord et Lountatchimo

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Ménilmontant

Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson 2/17

Vous êtes sur Le jardin aux chansons qui bifurquent, le blog qui parle de chansons à travers des séries thématiques. Vous lisez la série consacrée aux lieux dans la chanson ! Retrouvez toutes les séries passées depuis le début ici.

Paris est bien sûr citée dans d’innombrables chansons. Mais l’un de ses quartiers a droit à un traitement d’honneur, sans commune mesure avec son rôle dans l’histoire ou la géographie de Paris : Ménilmontant.

Ménilmontant, moins beau que l’Ile Saint-Louis, moins de monuments que partout ailleurs, moins pittoresque que Montmartre, moins chic que Passy, moins bobo que le canal Saint-Martin, moins romantique que la place de Fürstenberg, moins dansant que la rue de Lappe, moins révolutionnaire que la Bastille, moins industrieux que le Faubourg Saint-Antoine. À rester dans ce coin populaire du nord-est de Paris, autant aller juste à côté, à Belleville, tout aussi cosmopolite, plus commerçant et plus vivant. Ou alors visiter le Père Lachaise tout proche, ou même un rien plus loin l’ancien village de Charonne, dont on devine encore le plan avant que Paris ne l’absorbe sans parvenir à le digérer tout à fait. Avec sa petite église au milieu (où se marient les Tontons Flingueurs !), sa grande rue, sa gare désaffectée, son minuscule cimetière, tout enserré par la grande ville.

Du village de Charonne, descendez la rue de Bagnolet, puis la rue de Charonne, jusqu’au lointain métro Charonne, chargé d’histoire, même s’« ils sont pas lourds, en février, à se souvenir de Charonne » (Renaud, Hexagone). Car le métro Ménilmontant n’a rien de spécial. Il a pourtant manqué de très peu d’être la vedette de la plus grande catastrophe de toute l’histoire du métropolitain. L’épisode est bien oublié aujourd’hui : le 10 août 1903, il y a eu 84 morts lors de l’incendie accidentel d’une rame sur la ligne Nation – Porte Dauphine. La plupart sont morts asphyxiés dans les fumées à la station voisine de Ménilmontant : Couronnes. Lorsque j’étais enfant, les vieilles personnes en avaient encore la mémoire. Je me souviens d’une dame me racontant en roulant des yeux sinistres : la plupart qui sont morts, c’est parce qu’ils sont restés pour qu’on leur rembourse leur ticket.

Le rue de Ménilmontant est quelconque, à part sa pente peut-être. Dans le quartier, traînez plutôt rue Piat, rue des Envierges, passez par la place Henri Krasucki. Et puis parcourez à flanc de colline quelques rues à la nostalgie toute hydrographique : rue des Cascades, rue de la Mare, rue des Rigoles. Bref, Ménilmontant n’a rien de spécial. Ce n’est même pas l’une des onze communes annexées à Paris en 1860, tout au plus un hameau de la commune de Belleville, qui jouxtait autrefois Paris, entre celles de Charonne et La Villette.

Mais voilà : Mé – nil – mon – tant, 4 consonnes occlusives dont deux labiales, deux voyelles nasales : sonorités imbattables, encore mieux que New – York – New – York, Sa – tis – fac -tion ou San – Fran – sis – co. Bien trop commodes pour le parolier assoiffé d’occlusives : elles rythment les paroles, percutent, donnent du swing. À cause d’elles, « Paris » devient « Panam ». Et Ménilmontant devient un mythe de la chanson. Aristide Bruant, Belleville-Ménilmontant.

Je vous passe aussi Mimile (Un gars d’Ménilmontant), paroles de Jean Boyer, musique de Georges van Parys, grand succès de Maurice Chevalier. Sur la vidéo, prenez garde à la pochette du disque. Il y a un accordéoniste, un chanteur, et une fille qui vend les « petits format » : partitions des succès du moment, que les passants achetaient contre quelques sous pour les chanter.

En fait, Ménilmontant est le quartier natal de Maurice Chevalier, ce qui a contribué à sa popularité en chanson. Mais naître à Ménilmontant n’oblige pas à chanter Ménilmontant, parce que sinon, Michel Legrand aurait écrit Les parapluies de Ménilmontant et Les demoiselles de Ménilmontant, n’est-ce pas. Michel Legrand a toutefois enregistré avec Stéphane Grappelli une version de La marche de Ménilmontant, chanson de Maurice Chevalier composée par Charles Borel-Clerc, le compositeur de Ah ! Le petit vin blanc.
https://www.youtube.com/watch?v=GXmd9v7BYPA

Avec les paroles.

Vous avez entendu « Ménilmuche » ? C’est le surnom de « Ménilmontant » en « argomuche », une variante d’argot, qui viendrait de la Bastoche. Si l’on en croit Jean-Roger Caussimon du moins. Paris jadis.

Charles Trenet a écrit la chanson sur Ménilmontant la plus souvent reprise. Elle était au départ destinée à Maurice Chevalier, qui suite à une brouille avec Trenet ne l’a pas chantée. Ménilmontant, par Zoë Fromer.

Ménilmontant inspire les chanteurs jusqu’aujourd’hui. Bertrand Louis, Ménilmontant

Les demoiselles de Ménilmontant, par Elzef.

Une curiosité pour finir : La rue de Ménilmontant, de Camille. Chanson sur Ménilmontant (si l’on en croit le titre) qui n’utilise pas le mot « Ménilmontant » aux sonorités pourtant si commodes… Il est vrai qu’avec une pédale de si, on peut se passer de bien des artifices.

 

Aller, une dernière… Même Dalida, qui habitait pourtant Montmartre, se réclame de Ménilmontant ! Si, si, c’est vrai, écoutez bien. Comme disait Mistinguett.


Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson

1 – Entre Cuba et Manille
2 – Ménilmontant
3 – Le paradis
4 – La Molvanie
4bis – Le kamklep
5 – Chez Laurette
6 – L’underground café déménage rue Watt
6bis – La rue Watt
7 – Café Pouchkine
8 – Rue de la Grange aux Loups
9 – Le café des délices
10 – Quand la RATP invalide les chansons
11 – Les chants du Pelennor
12 – Comment se rendre en Transylvanie Transsexuelle
13 – Leindenstadt
14 – Porte des Lilas et Paimpol
14bis – Porte des Lilas (bis)
15 – La gare Saint Lazare de Brel
16 – San Francisco
17 – Rochefort
17bis – Saint-Lazare, bis
17ter – Gare du nord et Lountatchimo

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Hommage à Michel Legrand

Ambitus, tessiture et notes extrêmes 11bis/11
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Dans un commentaire, Miss Monde me demande à propos des déclic musicaux si j’ai pensé à rendre hommage à Michel Legrand qui nous a quitté récemment. Hélas non… En fait, mon petit jardin ne publie qu’exceptionnellement des billets d’actualité, et seul notre Johnny national a eu le droit à un billet spécial pour sa disparition, ici. Ne me demandez pas pourquoi…

Mais j’adore Michel Legrand, et puisqu’il est question de déclic, allons-y. Je rajoute ce billet à la fin de la série de septembre 2018, sur les notes extrêmes, à cause d’une chanson de Michel Legrand que j’ai oubliée. Rien de grave dans les aigus, chanson pleine d’humour sur l’ambitus, chantée par Christiane Legrand, sœur de Michel.

En regardant la vidéo, j’ai découvert le groupe vocal Les blue stars, et j’ai trouvé cette vidéo charmante de Lola (ou la légende du pays des oiseaux), version en français de Lullaby of birdland. L’arrangement est dû à Michel Legrand.

Je vous propose aussi La valse des lilas.

Et puis Je ne pourrai jamais vivre sans toi, par Monique Leyrac.

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Cole Porter avance masqué

La chanson, art majeur ou art mineur IV. Archéologie d’une question 13/16
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Au début du XXè siècle s’opère un croisement intéressant entre art populaire et art savant. Avec la naissance du jazz et les débuts de l’industrie musicale d’une part, et le formalisme de la musique savante qui se détourne de plus en plus du public d’autre part, émerge un entre-deux : des compositeurs mi-savants, mi-populaires, parfois de formation classique, parfois autodidactes. Un de leur meilleurs représentants, le magnifique Michel Legrand nous a d’ailleurs quitté il y a peu. Cette tradition existait déjà avec l’opérette, mais au XXè siècle, elle s’autonomise de plus en plus de la musique classique. Je propose dans ce billet des passages de la correspondance de Cole Porter, compositeur brillant de l’entre-deux-guerres. Bel éclairage sur le travail d’un artiste américain, à la fois savant et populaire donc, whatever that means mister Porter.

Lettre de Cole Porter à Alan Broderick, du 21 septembre 1934, dans Variétés : littérature et chanson, sous la direction de Stéphane Audeguy et Philippe Forest. N°601 de la NRF.

(Nos idées ne sont jamais neuves, considérées l’une après l’autre : 2500 ans après Aristophane et quatre siècles après William Shakespeare, le dernier recours des créateurs de Broadway est encore l’art combinatoire : voilà pourquoi la plupart sont des plagiaires mélancoliques, et trompent leur mélancolie en jouant aux cartes.)

Afin d’écrire des succès par dizaine, je porte un masque — mes chansons elles aussi doivent porter un masque, pour trouver leur forme, pour avoir du caractère et donner de la voix dans des théâtres à trois mille places. Mon masque, tu le connais, c’est celui de Cole Porter, Américain à Paris, à New-York dandy gâté par les raffinements parisiens ; mon masque, c’est, à cause de ma demi-vie parisienne, le soupçon des pires turpitudes, l’amour avec un garçon boucher, ou pire encore l’habitude de tremper mon croissant dans le café.


Lettre de Cole Porter à Alan Broderick
, le 5 novembre 1934.

La virtuosité du paresseux, voilà ce qui me fait vivre : il m’a été donné de pouvoir me mettre au travail l’esprit limpide au lendemain d’une longue baignade au champagne, et ce qui me reste de fatigue rapporté du profond sommeil m’aide à trouver mes mots. J’ai aussi cette apparence de facilité en musique — elle est en vérité le résultat de ma roublardise, d’une patiente perversité de mélomane, de mon éducation, de l’assiduité aux concerts, du travail et du plaisir de compliquer une mélodie, comme on plie une feuille en douze, pour lui donner l’allure d’une chanson simple. Quand ils reprennent mes couplets a capella sur le chemin du retour, les spectateurs ne savent pas qu’ils tombent dans le piège de ma mélodie articulée sur des rythmes tordus ; ils ne savent pas non plus qu’ils se sortent de ce piège grâce à mon bon vouloir de compositeur, à la fois courtoisie, professionnalisme et quête du succès populaire : moi vivant, je ne laisserai jamais les auditeurs dans le désarroi : mes chansonnettes sont baroques, mais dans mon petit labyrinthe baroque, je me vante de faire danser sans souci monsieur Tout-le-monde.

Je ne sais pas si Porter fait référence au larvatus prodeo de Descartes avançant lui aussi « masqué ». Je vous passe Anything Goes, composé probablement vers l’époque de ces lettres.

La même chanson, par Cole Porter lui-même

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