Aujourd’hui Kekseksa Papa ? par Georgius, « l’amuseur public numéro 1 », une très grande star dans les années 1930. La chanson évoque le marché noir pendant l’occupation et les monstres de foire.
Les Juifs et la chanson IV – Image des juifs dans la chanson 12/19
On aborde dans ce billet la chanson antisémite. Je n’ai aucune envie de faire de la publicité à des chansons ordurières, alors je vais me limiter des chansons qui propagent des poncifs antisémites afin de les critiquer ou de les ridiculiser. Il y en a quelques exemples déjà passés dans le blog, comme la chanson de Julien Dragoul, le chanteur collabo imaginé par les Inconnus (voir ici), ou au cinéma, la séquence du pilori télévisuel imaginée par Jean Yanne (voir ici). Je vous propose aujourd’hui Les juifs de Philippe Clay.
Sacha Baron-Cohen a inventé le journaliste kazakh antisémite Borat Sagdiyev, qui s’est aussi essayé à la chanson (antisémite bien sûr). Dans sa technique originale et provocante de cinéma vérité, Baron-Cohen fait chanter le public avec lui. Throw the jew down the well.
Évidemment, l’antisémitisme est une notion fluctuante au cours de l’histoire. Vous pouvez écouter l’épisode de l’émission Concordance des temps de Jean-Noël Jeanneney consacrée à Aristide Briand, le 14 décembre 2019. Il y a un document intéressant, Je suis sûr qu’ils reviendront, une chanson d’Henri Dreyfus, un chansonnier Montmartrois d’origine juive plus connu sous le pseudonyme d’Henri Fursy au début du XXe siècle. Cette chanson d’actualité évoque l’expulsion des congrégations en 1905 suite à la loi de séparation de l’Église et de l’État, et établit un curieux parallèle avec les expulsions de juifs qui ont émaillé l’histoire de France. Je pense qu’on qualifierait volontiers d’antisémite une telle chanson aujourd’hui. Introuvable sur le web, c’est vers 18 minutes sur le site de l’émission.
Allez, quand-même une authentique chanson antisémite. Je parie que beaucoup de lecteurs du blog la connaissent, mais que bien peu savent qu’elle contient un couplet antisémite dans la manière des années 1930. Il s’agit du Lycée papillon de Georgius (qui fut d’ailleurs condamné pour collaboration après la guerre, voir sa fiche wikipedia ici). Voici le texte du couplet en question.
Élève Isaac ? … Présent En arithmétique’ vous êt’s admirable, Dites-moi ce qu’est la règle de trois D’ailleurs votre pèr’ fut-il pas comptable Des films Hollywood … donc répondez-moi. Monsieur l’Inspecteur, Je sais tout ça par cœur. La règle de trois ? … C’est trois hommes d’affaires Deux grands producteurs de films et puis c’est Un troisièm’ qui est le commanditaire Il fournit l’argent et l’revoit jamais. Isaac, mon p’tit Vous aurez neuf et d’mi ! …
Le couplet est supprimé des versions modernes. Au lycée Papillon, avec Les compagnons de la chanson.
Mais on le trouve dans des versions d’avant guerre, comme celle de Monty et Jacky, vers 1:44, sur la vidéo.
On trouve des allusions antisémites dans d’autres chansons de Georgius, comme par exemple On l’appelait fleur des fortif’s, parodie de chanson réaliste. Pour les jeunes : les « fortifs », ce sont les « fortifications », un ensemble de bâtiments construits autour de Paris pour sa défense. Ils ont été détruits au XIXe siècle, laissant place à un ensemble de terrains vagues appelé la « zone », d’où les expressions zoner, zonard, etc. Ces terrains libres autour de Paris ont permis la construction du boulevard périphérique. Écoutez bien.
Voici ce qu’en disait François Bellair, fils de Marie Dubas, grande amie de Georgius, au micro de Benoît Duteurtre le 6 novembre 2021 après la diffusion de la chanson :
Benoît Duteurtre : Je notais aussi dans la chanson, il y a une petite vanne sur les juifs de Georgius. Et puis il a écrit aussi la fameuse Noce à Rébecca qui aujourd’hui passe pour une chanson un peu antisémite. Alors votre mère [la chanteuse Marie Dubas] qui était juive, qu’est-ce qu’elle en pensait ?
François Bellair : Ma mère avait le sens de l’humour, et je crois que si il y a une chose qui caractérise les juifs en général, c’est d’avoir effectivement vraiment le sens de l’humour. Et je crois que les premiers à en rire, c’était justement les juifs. Les juifs s’amusaient, dans les noces juives, on chantait La noces à Rébecca.
La chanson, art majeur ou art mineur VIII. Chanson et peinture 5/17
À force de se casser la tête sur les arts majeurs, on oublie qu’en peinture, il y a aussi les peintres en bâtiment.
Y a toujours un peintre, par Marcel Amont.
Les peintres en bâtiment sont souvent cantonnés à la chanson comique. Bourvil, La Rumba du pinceau (par la fenêtre).
Mon oncle a tout repeint, par Marianne Oswald, une chanson de Jean Nohain.
Bourvil et Marcel Amont sont les seuls chanteurs qui joignent le geste à la parole : ils peignent en même temps qu’ils chantent, bravo.
La figure de l’artiste peintre étant plutôt positive, lorsqu’un ex-peintre tourne mal, on s’imagine qu’il ne pouvait être peintre qu’en bâtiment… Tout en prenant quelques précautions pour ne pas heurter cette noble profession. Voir la chanson Il travaille au pinceau, de Georgius, « l’amuseur public numéro 1 ». On en est 1938.
Les vacances approchent. Je vous propose de partir en voiture pour quelques jours. D’abord, Ça… c’est de la bagnole, par Georgius. « On voit où’c’qu’on passe. »