Heureusement, certains chanteurs appellent à la sobriété : L’alcool, par Les quatre barbus. Le montage vidéo est excellent, regardez bien.
Les paroles sont de Francis Blanche. Si vous voulez le voir alcoolisé, retournez voir le billet que le Jardin a consacré aux Tontons flingueurs. Il joue le rôle de Maître Folasse (« touche pas au grisby salope !» dans la scène de la cuisine, c’est lui).
La musique, c’est la Rhapsodie hongroise nº 2 de Franz Liszt. Elle a été beaucoup utilisée dans des dessins animés, par exemple The Opry House, le deuxième dessin animé de Mickey.
Dans Rhapsody Rabbit, la musique est plus reconnaissable.
Mon préféré : The cat concerto.
À quatre mains, dans un duo mené par le pianiste fantaisiste Victor Borge
Allez, une version sérieuse, par Brigitte Engerer et Boris Berezovsky.
Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme Écoutez la chanson lente d’un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds
Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n’entende plus le chant du batelier Et mettez près de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliées
Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y refléter La voix chante toujours à en râle-mourir Ces fées aux cheveux verts qui incantent l’été
Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire
Et comme chanson du jour, Nicolas Peyrac nous chante Le vin me saoûle (et nous prouve au passage que Michael Jackson n’a pas inventé l’astuce consistant à parsemé ses chansons de hoquets).
Le vaste répertoire des chansons à boire pourrait mériter à lui seul une série. Je me contenterai de Ma femme est morte, un chant traditionnel de Touraine. Par une spécialiste du genre, madame Bordas.
Curieuse résonance entre cette chanson et Le Vin de l’assassin de Charles Baudelaire…
Ma femme est morte, je suis libre ! Je puis donc boire tout mon soûl. Lorsque je rentrais sans un sou, Ses cris me déchiraient la fibre.
Autant qu’un roi je suis heureux ; L’air est pur, le ciel admirable… Nous avions un été semblable Lorsque j’en devins amoureux !
L’horrible soif qui me déchire Aurait besoin pour s’assouvir D’autant de vin qu’en peut tenir Son tombeau ; – ce n’est pas peu dire :
Je l’ai jetée au fond d’un puits, Et j’ai même poussé sur elle Tous les pavés de la margelle. – Je l’oublierai si je le puis !
Au nom des serments de tendresse, Dont rien ne peut nous délier, Et pour nous réconcilier Comme au beau temps de notre ivresse,
J’implorai d’elle un rendez-vous, Le soir, sur une route obscure. Elle y vint ! – folle créature ! Nous sommes tous plus ou moins fous !
Elle était encore jolie, Quoique bien fatiguée ! et moi, Je l’aimais trop ! voilà pourquoi Je lui dis : Sors de cette vie !
Nul ne peut me comprendre. Un seul Parmi ces ivrognes stupides Songea-t-il dans ses nuits morbides À faire du vin un linceul ?
Cette crapule invulnérable Comme les machines de fer Jamais, ni l’été ni l’hiver, N’a connu l’amour véritable,
Avec ses noirs enchantements, Son cortège infernal d’alarmes, Ses fioles de poison, ses larmes, Ses bruits de chaîne et d’ossements !
– Me voilà libre et solitaire ! Je serai ce soir ivre mort ; Alors, sans peur et sans remord, Je me coucherai sur la terre,
Et je dormirai comme un chien ! Le chariot aux lourdes roues Chargé de pierres et de boues, Le wagon enragé peut bien
Écraser ma tête coupable Ou me couper par le milieu, Je m’en moque comme de Dieu, Du Diable ou de la Sainte Table !
Jacques Brel nous a gratifiés de trois chansons avinées. Une pathétique, une comique, et une chanson à boire. À savoir respectivement L’ivrogne, Parfaitement à jeun et Ça sent la bière. Je vous passe L’ivrogne.
Sinon, je me demande qui était le premier artiste alcoolique. Non pas un qui, par coïncidence, serait à la fois artiste et alcoolique. Je veux dire un dont le génie procède de la déchéance et réciproquement. Je vote pour Gérard de Nerval, dont la descendance est prodigieuse, du Cercle des hydropathes au « sex drug and rock’n roll » en passant par Verlaine, Dimey et Gainsbourg. Vous noterez que l’avènement de l’artiste maudit, alcoolique ou drogué, est concomitante de celle du romantisme, qui exaltait les paysages parsemés de ruines. Concomitant aussi du début de la révolution industrielle. L’augmentation des rendements permet de diffuser plus largement le vin, que l’on peut boire pur et non plus coupé d’eau. L’alcool : l’une des drogues les plus dures selon de nombreuses études médicales, et qui permet de supporter le monde nouveau. Le travail, plaie des classes qui boivent comme disait Oscar Wilde.
Petit piqueton de Mareuil, Plus clairet qu’un vin d’Argenteuil, Que ta saveur est souveraine ! Les Romains ne t’ont pas compris Lorsqu’habitant l’ancien Paris Ils te préféraient le Surène.
Ta liqueur rose, ô joli vin ! Semble faite du sang divin De quelque nymphe bocagère ; Tu perles au bord désiré D’un verre à côtes, coloré Par les teintes de la fougère.
Tu me guéris pendant l’été De la soif qu’un vin plus vanté M’avait laissé depuis la veille ; Ton goût suret, mais doux aussi, Happant mon palais épaissi, Me rafraîchit quand je m’éveille.
Eh quoi ! si gai dès le matin, Je foule d’un pied incertain Le sentier où verdit ton pampre !… – Et je n’ai pas de Richelet Pour finir ce docte couplet… Et trouver une rime en ampre.
En l’abbaye était pour lors un moine claustrier nommé frère Jean des Entommeures, jeune, galant, frisque, de hait, bien à dextre, hardi, aventureux, délibéré, haut, maigre, bien fendu de gueule, bien avantagé en nez, beau dépêcheur d’heures, beau débrideur de messes, beau décrotteur de vigiles, pour tout dire sommairement vrai moine si onques en fut depuis que le monde moinant moina de moinerie, au reste clerc jusques ès dents en matière de bréviaire.
Icelui, entendant le bruit que faisaient les ennemis par le clos de leur vigne, sortit hors pour voir ce qu’ils faisaient, et avisant qu’ils vendangeaient leur clos auquel était leur boire de tout l’an fondé, retourne au chœur de l’église où étaient les autres moines, tous étonnés comme fondeurs de cloches, lesquels voyant chanter ini, nim, pe, ne, ne, ne, ne, ne, ne, tum, ne, num, num, ini, i, mi, i, mi, co, o, ne, no, o, o, ne, no, ne, no, no, no, rum, ne, num, num : « C’est, dit-il, bien chien chanté. Vertus Dieu ! que ne chantez-vous : Adieu paniers, vendanges sont faites ? je me donne au diable s’ils ne sont en notre clos, et tant bien coupent et ceps et raisins qu’il n’y aura, par le corps Dieu ! de quatre années que halleboter dedans. Ventre saint Jacques ! que boirons-nous cependant, nous autres pauvres diables ? Seigneur Dieu, da mihi potum ! »
Lors dit le prieur claustral : « Que fera cet ivrogne ici ? Qu’on me le mène en prison. Troubler ainsi le service divin ! »
« – Mais, dit le moine, le service du vin, faisons tant qu’il ne soit troublé, car vous-même, monsieur le prieur, aimez boire du meilleur si fait tout homme de bien. Jamais homme noble ne hait le bon vin c’est un apophtegme monacal. Mais ces répons que chantez ici ne sont, par Dieu ! point de saison. ( … ) Écoutez, messieurs, vous autres qui aimez le vin : le corps Dieu, si me suivez ! Car hardiment que saint Antoine m’arde si ceux tâtent du plot qui n’auront secouru la vigne ! Ventre Dieu, les biens de l’Église ! »
Hier c’était Je bois, donc logiquement aujourd’hui c’est J’ai bu, l’une des premières chansons de Charles Aznavour et Pierre Roche, par Georges Ulmer.
Pierre Delorme nous propose deux belles chansons imbibées d’alcool. Je bois de Boris Vian. Je vous la verse dans un duo imaginaire de Vian et Gainsbourg, extrait du film Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar. Avec Éric Elmosnino en Gainsbourg et Philippe Katerine en Boris Vian. Dans Vian, il y a vin, et dans Gainsbourg, il y a gin …
Et Le temps de finir la bouteille, d’Allain Leprest.
J’en profite pour passer une autre Je bois, mais d’Aznavour.
Nous commençons cette série d’automne par quelques strophes de circonstance. Elles sont de Raoul Ponchon. Peut-être pas le poète le plus célèbre de toute notre belle littérature, mais le plus prolifique sans doute. Il parait qu’il a écrit plus de 150 000 vers. On reparlera de lui dans cette série.
Laisserai-je passer l’automne, Sans le chanter ? Non, non. Je n’y puis résister ; Croyez-moi, c’est la bonne Saison. Allons-y de notre chanson.
Que d’aucuns chantent sur leur lyre Ce qu’ils voudront, Et qu’ils convoitent pour leur front Les lauriers d’un Shakespeare… Ma foi, C’est leur affaire. Quant à moi,
Qui me fiche autant de la gloire Que d’un corset Vide, et suis né, comme l’on sait, Uniquement pour boire, Je bois ! Que si j’ose élever la voix
Dans le tumulte de la Vie, Ce n’est que pour Célébrer le Vin et l’Amour, Et l’amour de ma mie, Ô gué ! Encor suis-je bien fatigué !
Que d’autres chantent sur leur lyre Le doux Printemps, C’est gentil quand on a vingt ans ; Ce serait du délire À moi, De m’emballer à son endroit.
Sans remonter au Moyen Âge, Ne vais-je pas Toucher… encore quelques pas – À l’hiver de mon âge ?… Hélas ! Ce que c’est de nous, Babylas !
Un coq, chaque matin, me guette « Fini, l’été ! Dit-il. – C’est temps, en vérité, De fermer ta brayette, Ponchon ! Ouvre ta cave, mon cochon !
« Tes dents, vrais haricots malades, Fichent le camp, Au moindre vent qui souffle, ou quand Tu manges des panades ; Et ton Crâne est plus chauve qu’un toton. »
Las ! je cassais des clous, naguère, Avec mes dents. J’avais des cheveux abondants À ne savoir qu’en faire, Jadis ! Il ne m’en reste plus que dix !
C’est pourquoi, je vous le répète, Je bois du vin, Car il me semble en avoir vingt, Dès que je suis pompette. Et quoi Nous sauve, si ce n’est la foi !
Vive donc le superbe automne, Rouge et doré ! Le vin magnifique et sacré, Qui chante dans la tonne, Le vin… Je ne dis pas l’eau… mais le Vin !
En ce mois d’octobre célébrons donc sans modération le jus d’octobre et l’alcoolisation. Le vin de Georges Brassens.
Autre chanson alcoolisée de Brassens : L’épave. Au fronton de laquelle j’inscris ces vers de Victor Hugo, aux rimes rendues approximatives par une langue sans doute trop pâteuse.
Un discours de cette espèce Sortant de mon hiatus, Prouve que la langue épaisse Ne fait pas l’esprit obtus.