Johnny Hallyday n’est pas le plus grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 5/8
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Le blues est rudimentaire et malléable, on l’a dit. On en retrouve des éléments dans toutes sortes de musiques : le jazz bien sûr, le rythm’n blues évidemment, et le rock surtout. Mais de là à dire que « toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient du blues », c’est un peu exagéré monsieur Johnny. Il y a le ragtime, le gospel, le jazz, la country et toutes sortes de traditions européennes.

À part, ça, oui, vous êtes presque le plus grand bluesman français monsieur Johnny, parce que vous avez composé le plus grand blues en français de tous les temps. Le public ne s’y est pas trompé qui d’une de vos musiques a décidé de faire votre plus grand tube. Les paroles sont de Michel Mallory, principal parolier de Johnny, avec 114 chansons au compteur ! Johnny, Toute la musique que j’aime.

Mais il ne suffit pas d’avoir composé le plus grand blues pour être le plus grand bluesman. D’ailleurs, les paroles sont trop précieuses à mon goût : « La musi QUE-QUE j’aime », c’est clairement inspiré de Victor Hugo, qui lui aussi maniait le « que-que » avec aisance. Extrait de Paroles sur la dune :

Maintenant que mon temps décroît comme un flambeau,
Que mes tâches sont terminées ;
Maintenant que voici que je touche au tombeau
etc

Ah, que voici que je touche… Vous avez bien mérité vos funérailles nationales tous les deux. En tout cas, un vrai bluesman, ça ne chante pas Que je t’aime en japonais.

Bref, Monsieur Johnny, vous n’êtes pas le plus grand bluesman français. Mais vous êtes le plus grand bluesman suisse, ça d’accord. Et paix à votre âme. En attendant, un blues. Lightnin’ Hopkins, Woke up this morning.

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Ni Fred Ox ni Gérard Delahaye n’est le plus grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 4bis/8
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Ce jeu piste à la recherche du plus grand bluesman française suscite de très nombreuses propositions, merci à tous.

Tout d’abord, Pierre Delorme me signale une énorme bourde dans le dernier billet. Les accords du blues, c’est I, IV, V et non pas I, II, V comme écrit initialement. C’est corrigé, merci.

Ensuite Loïc Perlman me propose sur Facebook de très nombreuses pistes. Georges Brassens (dont on reparle bientôt), Gérald de Palmas, Louis Bertignac et l’irréductible et inoxydable Fred Ox. Je ne peux pas tout passer… Je retiens Fred Ox, Procrastination. Ne remet jamais à demain ce que tu peux faire après-demain Fred Ox !

Sur Facebook encore, Alain Berjon me propose Funeral Blues de Gérard Delahaye, je ne connaissais pas, très joli, merci. Les paroles sont une traduction d’un poète anglo-américain, W.H. Auden. J’ai trouvé un blog de chansons poétiques qui propose de nombreuses traductions du poème, intéressant : ici.

Tout ces trucs ne sont pas vraiment des blues… Et puis, je voudrais passer la fin de la série, alors si j’ai tout de suite le plus grand bluesman français, ce sera un coup arrêt (et pire, un coup de blues).

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Joe Dassin n’est pas le plus grand bluesman français.

Qui est le plus grand bluesman français ? 4/8
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Finalement, qu’est-ce que le blues ? Dans sa forme pure, c’est une tourne très carrée de douze mesures sur une grille de trois accords majeurs septièmes : I, IV et V. Et dessus une mélodie sur un rythme ternaire utilisant des notes de la gamme mineure. Il paraît que ce mélange hétérodoxe d’accords majeurs et de notes de la gamme mineure provient d’une synthèse entre la musique occidentale et les modes apportés par les esclaves africains déportés aux États-Unis. J’oubliais un point important, dans les paroles, votre femme doit vous quitter et votre chien mourir.

Si tout ça ne vous paraît pas clair, vous pouvez écouter François Pérusse, Le blues.

Trêve de théorie. Aujourd’hui, un candidat très sérieux au titre tant convoité de plus grand bluesman français : Joe Dassin, grand connaisseur de l’Amérique (il est même un peu américain) et diplômé d’un master en anthropologie de l’université du Michigan. Cet excellent musicien s’est essayé avec bonheur à la reprise de standards, comme Infirmary blues.

Il a aussi produit une tentative intéressante de raconter une histoire sinistre de France profonde dans une esthétique blues. Marie Jeanne.

 

Dans un style plus didactique, il a essayé d’expliquer au public français ce qu’est le blues. Blue country, paroles de Pierre Delanoë et Claude Lemesle.

La saison du blues, encore des paroles de Pierre Delanoë et Claude Lemesle.

 

Bravo Monsieur Dassin, vous êtes effectivement un candidat très sérieux au titre de plus grand bluesman français. Trop sérieux en fait : un bluesman, ce n’est pas un professeur de blues. Et puis, je ne connais aucun bluesman qui fasse écrire ses paroles par Pierre Delanoë. Et puisqu’on parle de blues, écoutons Scrapper Blackwel, Nobody knows you when you’re down and out. C’est si bon qu’on voudrait que ça dure toujours…

J’aime vraiment bien ce Scrapper Blackwell, en me baladant sur YouTube, j’ai trouvé ça :

 

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Higelin n’est pas le grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 3bis/8
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Sur Facebook, Pierre Inkognito propose Higelin comme plus grand bluesman français. L’idée est excellente, je me suis presque laissé convaincre. Banlieue Boogie Blues.

Mais je ne peux pas accepter cette suggestion, j’ai déjà nommé Higelin chanteur français du bonheur (ici), il ne peut en même temps être le plus grand bluesman. Au fait, il va falloir arrêter de faire des suggestions de plus grand bluesman français, parce que je vais bientôt être à bout d’arguments de mauvaise fois pour les refuser…

Inkognito signale aussi Hold Tight, dans un style ragtime très réjouissant (profitez-en pour retourner voir les deux billets consacrés au ragtime, ici et ici).

 

Sinon, dans un des billets sur le blues, je vous ai passé Blind Willie Mctell. Bob Dylan lui a rendu un hommage que me signale Pierre Delorme. No one sings the blues like Blind Willie McTell, ici, chanté avec Mark Knopfler (je pense qu’il accompagne à la guitare, je ne suis pas sûr de l’entendre chanter… et si quelqu’un me trouve une version sans ce piano balourd, j’achète).

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Michel Jonasz n’est pas le plus grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 3/8
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Le plus grand bluesman français serait-il Michel Jonasz ? La question est un peu tordue. Je suis très fan de l’interprète. Comme parolier, je le trouve plutôt sous-estimé, on parlera de ça une autre fois. Comme musicien, ses mélodies ciselées me font plus penser à Vincenzo Bellini qu’à B.B. King. Écoutez plutôt, Dolente immagine di Fille mia, de Vincenzo Bellini, par Luciano Pavarotti, et puis Dites-moi, de Michel Jonasz, en duo avec Véronique Sanson. Vous ne trouvez pas comme une parenté ?

Moi, je trouve une parenté dans la mélodie. Et puis voilà des compositions qui accordent une certaine attention à la respiration du chanteur, c’est une musique qui s’écoute avec les poumons je trouve, alors que le blues ça s’écoute avec les tripes évidemment. Pourtant Jonasz parle souvent de blues, c’est presque une manie. Écoutez plutôt.

Du blues du blues du blues, en duo avec Eddy Mitchell

La même, avec Nougaro et Bill Deraime.

Joueurs de blues, ça groove grave.

Mais voilà, Jonasz, le blues, il en parle, il en parle, mais il n’en fait pas tellement… Joueur de blues n’est pas un blues, Du blues du blues du blues, ce n’est pas du blues. Comme aurait dit De Gaulle, il ne suffit pas de sauter comme un cabri en criant « du blues, du blues ». Non, monsieur Jonasz, vous n’êtes pas le plus grand bluesman français. Vous l’auriez été sans difficulté, mais pour ça, il eût fallu chanter du blues, tout simplement. Comme par exemple Blind Willie McTell, Statesboro Blues.

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Eddy Mitchell n’est pas le plus grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 2/8
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Notre quête du plus grand bluesman français sera compliquée, parce que le blues est à la fois rudimentaire et malléable, ce qui fait qu’on le retrouve un peu partout. Par exemple, dans le Lèche-bottes blues, d’Eddy Mitchell.

Très bien ce blues Monsieur Eddy. Vous n’êtes pas loin d’être le meilleur bluesman français, vous aviez tout pour y parvenir. Mais il ne fallait tant blaguer dans votre chanson, c’est sérieux le blues.

Au fait, en v’la du blues. Sleepy John Estes, Mailman blues. (et joyeux Noël à tous).

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Bashung n’est pas le plus grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 1bis/8
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Christophe, internaute de Paris, propose sur facebook Bashung. Je pense qu’il y a un malentendu. Bashung est certes l’homme le plus bleu de la chanson française, presque l’égal d’un schtroumpf. Mais ça n’en fait pas un bluesman. Les mots bleus, d’un autre Christophe (qu’on a déjà vu dans le blog, série sur les fausses notes, ici)

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Claude Nougaro n’est pas le plus grand bluesman français

Qui est le plus grand bluesman français ? 1/8
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Nous démarrons un jeu de piste pour Noël, en quête d’un mythe de la chanson française. Elle n’en manque pas, le Jardin aux chansons qui bifurquent en a déjà abordé quelques-uns. Comme le Gitan (voir ici) : libre et farouche. Puisse sa liberté libérer notre chanson. Et puisse notre chanson nous faire gagner l’amitié si précieuse et redoutable du manouche.

Ou encore Verlaine (voir ici). On glisse son nom dans des paroles plus que celui d’aucun autre poète. On implore sa légèreté, on la supplie de dissoudre dans l’air notre chanson grise… Ça marche des fois. On a abordé des mythes d’importance moindre comme Jean-Sébastien Bach (ici), la « société » (ici), ou les scientifiques (ici).

D’accord, tout ceci est bien mythique. Mais quel style de musique est mythique ? Le menuet ? Non, Johnny Hallyday n’a pas écrit « toute la musique que j’aime, elle vient de là, elle vient du menuet ». La sonate ? Non, dans Starmania, il n’y a pas de Sonate du businessman. L’oratorio ? Non, Michel Jonasz n’a pas écrit « Enfant noir, femme de Toulouse, tous ceux qui chantent I was born to loose, on est des joueurs d’oratorio ». La fugue ? Non, Henri Salvador et Boris Vian n’ont pas écrit une Fugue du dentiste. L’opéra ? Non, Eddy Mitchell n’a pas chanté le Lèche-bottes opéra.

Vous l’avez compris, ce genre mythique, c’est bien sûr le blues. Un seul autre style peut lui être comparé (comme grand mythe de la chanson française s’entend) : la java.

Le blues et la java : je pense que ce sont les deux styles musicaux les plus souvent cités dans les paroles de chansons, voire même dans les titres de chansons… Deux pôles opposées. La java, c’est une référence purement nationale, une sorte de camembert originel franchouillard, à la fois paradis perdu et destination fatale d’un perpétuel retour aux sources. On parlera de java une autre fois, car là, on s’intéresse au blues.

Le blues est pour la chanson française un élément à la fois étranger, amical, authentique et pur, un art mineur qui ensemence un autre art mineur (la chanson française) pour le magnifier. Écoutez, c’est dit presque explicitement dans la chanson d’aujourd’hui. Claude Nougaro, Bleu, blanc, blues.

Mais je vous avais promis un jeu de piste, et je ne fais que parler… Le voilà : on cherche le plus grand bluesman français. C’est qui ?

Monsieur Nougaro, ce n’est pas vous, parce que Bleu, blanc, blues, ce n’est pas du blues, tout simplement. Sinon vous seriez sûrement le plus grand bluesman français. Sinon, voilà du blues. Big Bill Broonzy, In the evening (when the sun goes down).

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Gödel, Escher et Bach

La chanson geek 5/5
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Dans ce dernier billet sur les geeks, je vous propose de reparler du compositeur classique préféré des geeks : Jean-Sébastien Bach. Allez découvrir sur YouTube le nombre impressionnant de vidéos de musiques de Bach sur des images plus ou moins scientifiques.

Outre la complexité combinatoire de sa musique, la popularité de Bach chez les geeks provient d’un best-seller paru en France en 1985, Gödel, Escher, Bach : Les Brins d’une Guirlande Éternelle de Douglas Hofstadter. Ce livre rapproche les structures autoréfentielles apparaissant dans la preuve du théorème de Gödel, la musique de Bach et les dessins de M.C. Escher. Sont oubliées les boites de Vache qui rit, qui contiennent le dessin d’une boite de Vache qui rit, et ainsi de suite à l’infini (c’est ça l’autoréférence, que nos amis littéraires appellent pompeusement mise en abyme, expression honnie du geek et du consommateur de Vache qui rit).

vacheQuiRit

Le théorème de Gödel affirme que pour tout système formel de preuves suffisamment riche, il existe un énoncé vrai et pourtant non prouvable. La démonstration repose sur une manière astucieuse d’écrire dans le système considéré un énoncé un peu similaire à « cet énoncé est faux », qui, si on arrive à le prouver fait s’écrouler tout le système (parce qui si il est vrai, alors il est faux, donc il est vrai, etc). Cette phrase qui parle d’elle-même (autoréférentielle donc) est comparée à une musique de Bach où des suites de modulations nous font quitter la tonalité de départ pour finalement y revenir, ce qui crée une sorte de boucle infini. Le procédé est assez anecdotique, mais il est utilisé dans le Canon perpetuel, un passage de l’Offrande Musicale, œuvre magistrale écrite à la fin de la vie de Bach, une sorte de testament.

La comparaison est un peu exagérée peut-être, son plus grand mérite étant probablement d’avoir fait connaître Bach à un public qui ne s’y serait pas intéressé sans ça. Je me demande combien de geeks ont écouté l’Offrande Musicale à cause du livre de Hofstadter (mon coming out : j’en fais partie).

On a déjà vu un extrait de l’Offrande Musicale dans la série sur l’OuChanPo, ici.
Je vous propose aujourd’hui le Ricercare à 6 voix. Il s’agit d’un sommet dans l’art du contrepoint : six lignes mélodiques indépendantes démarrent les unes après les autres et vivent en parfaite harmonie. Il paraît que composer de telles pièces est un véritable casse-tête. La partition n’indique pas d’orchestration. J’ai choisi ce que je préfère, le clavecin seul, instrument sec, peu timbré et qui laisse bien les voix indépendantes, ce qui permet de les suivre sans se laisser perturber par le sentiment et toutes ces bêtises, comme un bon geek quoi. Vous noterez les images scientifiques sur la vidéo (la grande galaxie d’Andromède, le fameux champ profond de Hubble et deux galaxies non identifiées). Robert Hill, Ricercare à 6 voix.

Je vous propose aussi une vidéo permettant de visualiser les différentes voix.

 

Et puis le Canon perpetuel, avec quelques explications solfégiques dans la vidéo.

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Double Feature

La chanson geek 4/5
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Je vous passe aujourd’hui le générique de Rocky Horror Picture Show, film dont on a déjà vu deux chansons dans le blog (ici et ici). Science fiction double feature.

La voix est celle de Richard O’Brien, auteur de la chanson, mais la bouche que vous voyez est celle de Patricia Quinn qui joue le personnage de Magenta dans le film. D’accord mais quel rapport avec les geeks ? Le film est un hommage aux séries B de science fiction des années 1930 à 1960, produites notamment par la compagnie R.K.O. Les paroles évoquent tous ces films. La chanson s’appelle d’ailleurs Science fiction, double feature, « double feature » désignant les cinémas qui proposaient deux films pour un seul ticket.

Un fan a eu l’excellente idée de monter une vidéo mettant en correspondance les paroles de la chanson avec des extraits des films évoqués.

Je vous propose en bonus un clip français sur le même procédé : Léo Grise, La radio de l’étrange.

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