Paroles cryptiques 7/9
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On arrive bientôt à la fin de cette série sur le genre « paroles cryptiques » dont on fait aujourd’hui une archéologie simpliste. La situation est assez rare, mais il me semble qu’on peut dater assez précisément l’invention de ce style énigmatique en poésie : je n’en connais aucun exemple antérieur à Arthur Rimbaud (ou détrompez-moi, mais je refuse les textes magiques, sectaires ou autre manuscrit de Voynich…). Léo Ferré, maître de la chanson cryptique rend hommage au grand inventeur Rimbaud : Le bateau ivre.
Dans une lettre du 15 mai 1871 à Paul Demeny, la fameuse Lettre du Voyant, Rimbaud s’explique : « Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens ».
Plus loin dans la même lettre, des explications sur sa vision de la poésie. Il avait 17 ans.
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Donc le poète est vraiment voleur de feu.
Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme : si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue ;
— Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra ! Il faut être académicien, — plus mort qu’un fossile, — pour parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ! —
Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans l’âme universelle : il donnerait plus — (que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !
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La lettre en version intégrale : ici. Et puisqu’on parle de Rimbaud, allez donc voir ou revoir la série consacrée à son ami Paul Verlaine, ici.