La voiture de première main : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 10/11
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Je craque pour les biscottos de Jean-Pierre François, qui préfère les voitures neuves, leur débrayage plus souple, leur accélérateur plus chatouilleux, tout ce genre de trucs qui carburent. Car comme le chantait Brigitte Bardot,

Quand je sens en chemin
Les trépidations de ma machine
Il me monte des désirs dans le creux de mes reins

Amateur de petites erreurs de tournage, regardez bien à 1:47, on voit la caméra qui se reflète dans la carrosserie chromée de la voiture. Cette information est une exclusivité du Jardin aux Chansons qui Bifurquent. Vous aimez ce genre de scoop ? Allez voir la chaine youtube Faux Raccord, les maîtres de l’art majeur « trouver des erreurs dans les films ».

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La reprise : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 9/11
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Composer, écrire des chansons, voilà sûrement un art mineur : c’est Gainsbourg qui le dit. Mais les reprendre, leur apporter jeunesse, les magnifier, voilà un art majeur. Extrait de La musique et l’ineffable, de Vladimir Jankélévitch, philosophe et musicien :

Le créateur, l’exécutant qui est recréateur actif, l’auditeur qui est recréateur fictif participent tous les trois à une sorte d’opération magique : l’exécutant coopère avec le premier opérateur en faisant exister l’œuvre effectivement dans l’air vibrant pendant un certain laps de durée, et l’auditeur, recréateur tertiaire, coopère en imagination ou par des gestes naissants avec les deux premiers. Refaire, disions-nous, c’est faire, et le recommencement est parfois un vrai commencement […]
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La nuit, je mens, chanson d’Alain Bashung reprise par Cazoul. À force de l’écouter, je lui trouve quelques mérites, mon côté recréateur actif sans doute. D’ailleurs, pour une fois qu’une chanson parle de théorie des graphes (« voleur d’amphores au fond des cliques »).

Sinon, je me demande à quoi tient ce génie de la chanson pour le mauvais goût. Je dirais qu’entre tous les arts, la chanson est celui dans lequel on regarde l’artiste avant l’œuvre. C’est l’art de la sincérité, de l’identification par excellence. J’en tiens pour preuve l’hystérie des fans, phénomène qui concerne surtout la chanson (on y consacrera une série bientôt).

Autre indice : on juge souvent un chanteur sur l’authenticité du personnage qu’il incarne (encore une série en préparation). On reproche à Renaud de ne pas être un vrai loubard, à tel rappeur de ne pas venir d’une cité. Mais on congratule Daniel Guichard d’avoir vraiment perdu son père, qui était vraiment un prolo, Brel de vraiment avoir des problèmes avec les femmes, Barbara d’être vraiment amoureuse, d’avoir vraiment visité Göttingen, d’avoir vraiment perdu son père à Nantes, père qui avait vraiment abusé d’elle. Quand Sardou explique benoitement que dans Je suis pour, ce n’est pas lui mais son personnage qui défend la peine de mort, personne ne le croit. Probablement, lui-même n’y croit pas. On se félicite par contre que Brassens soit vraiment un bon bougre. Et Pierre Perret, qu’il soit peut-être un faux bon bougre, que son amitié avec Léautaud soit peut-être inventée, l’affaire est assez grave pour mériter une campagne de presse et un procès. Si vous ne connaissez pas cette étrange histoire, tapotez dans votre moteur de recherche préféré, vous verrez.

Mais savoir si Louis de Funès est vraiment colérique, Chaplin vraiment un vagabond, etc., tout le monde s’en fout. Au contraire, on mesure le talent de l’acteur au nombre de kilos qu’il prend ou qu’il perd pour n’être plus lui-même et coller à son personnage, on félicite Bruno Ganz pour incarner son contraire (Hitler dans La chute), on admire Peter Sellers qui dans Docteur Folamour est successivement un savant nazi, un colonel british et un président des états-unis falot, on adore Sabine Azéma et Pierre Arditi qui interprètent tous les personnages de Smoking, no smoking, etc.  Je ne parle même pas des cantatrices, des mimes, des imitateurs, des marionnettistes, …

Le chanteur de chansons, c’est le seul dont on exige qu’il soit lui-même. Tout lui sera alors pardonné, il peut chanter faux, mal jouer de la guitare, écrire des paroles con-con et des musiques simplettes. Mais s’il fait du kitsch ou du bidon, on l’entend comme une part essentielle de sa personne. Et de la notre, car dans l’offense au bon goût du chanteur, notre complicité de « recréateur tertiaire » (cf Jankélévitch au début du billet) est requise. Dans le vague karaoké permanent, le casque sur les oreilles ou dans sa voiture, l’amateur de chansons n’entend pas la chanson-hon comme il jetterait un œil distrait sur un bibelot kitch.

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Le cri de Tarzan : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 8/11
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La chanson est un art mineur, d’accord. Mais le cri de Tarzan, c’est un art majeur. Philippe Pujolle y excellait, battant régulièrement le record du cri de Tarzan le plus long. Sur le site de l’INA, ici.

Philippe Pujolle a aussi fait de la chanson, gloire à lui. Super Gringalet, du super lourd. Tous les cris d’animaux sont de son cru.

Le compositeur de la chanson s’appelle Éric Naudet. On lui doit de nombreuses publicités.

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L’art majeur du règlement de compte

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 7/11
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La chanson, c’est un art mineur d’accord. Mais le règlement de compte, c’est un art majeur. Merci monsieur Francky Vincent pour cette belle chanson et toutes ses délicatesses d’expression. Le Restaurant (bande de malpropre).

Toutes mes excuses à Francky Vincent pour avoir mal orthographié son prénom dans des billets précédents, c’est corrigé. Sinon, Je ne sais pas où caser cette citation, ça ira très bien dans ce billet puisqu’il y a déjà des gros mots. Extrait de Mylène Farmer : une grande astronaute, de Yannik Provost.

La chanson est une compagne merveilleuse, je suis passionnée par la musique et ses mots. Elle est pour moi ce que le sang est à Dracula : entendez par là que musique et chanson sont deux éléments indispensables dans mon existence. Je ne peux pas m’en passer. Gainsbourg disait que « la chanson est un art mineur ». D’ailleurs il a rectifié sa déclaration par la suite en affirmant : « les arts mineurs sont en train d’enculer les arts majeurs ».

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La chorégraphie : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 6/11
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La chanson est un art mineur, d’accord. Mais la chorégraphie, ça c’est un art majeur. Et que dire de l’art du costume ? Paloma blanca, par Georgie Dann (un chanteur français qui a fait toute sa carrière en Espagne, je ne parle pas espagnol, mais je pense qu’on entend un peu son accent français, encore un art majeur).

J’ai pas bien compris les paroles, j’ai l’impression que c’est une histoire de guano, (voir à 0:37 sur la vidéo, le geste du chanteur est assez clair).

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L’art majeur du massacre

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 5/11
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La chanson, c’est un art mineur d’accord. Donc, logiquement, massacrer une chanson devrait être un art majeur alors, puisqu’il fait diminuer la quantité d’art mineur, ce qui est le but des arts majeurs, non ? Plus grand massacre de tous les temps : La boite de jazz de Michel Jonasz, en mode shreds, par des artistes hélas restés anonymes. Je le regarde souvent, grosses économies sur la drogue, ça vaut bien trois doses de LSD.

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Le groupe de groupies : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 4/11
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Dans le dernier billet, on parlait de The Shaggs. Kurt Cobain citait leur album Philosophy of the world comme une influence majeure. Frank Zappa a dit qu’elles étaient « mieux que les Beatles ». Bigre. En fait, Zappa, qui détestait la musique commerciale, avait une certaine complaisance pour les amateurs complets. Il a même poussé la création de GTO’s, un groupe formé par des fans enthousiastes mais qui ne jouaient pas très bien. Ils leur a fait sortir un album, curiosité intéressante. Circular Circulation de GTO’s.

Puisqu’on parle de Zappa, je vous passe ma chanson de lui préférée, The dangerous kitchen.

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The Shaggs : de l’art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 3/11
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Si vous ne connaissez pas The Shaggs, vous avez de la chance, vous allez vivre une expérience unique. Écoutez d’abord leur musique telle quelle, sans préjugé, je vous raconte ensuite. Essayez d’écouter le morceaux en entier… si vous y arrivez. The Shaggs, My pal Foot Foot.

Ça vous a plu ? Je vous résume : The Shaggs est un groupe formé de trois sœurs, obligées par leur père à devenir des stars du rock alors qu’elles ne savaient pas (et surtout ne voulaient pas) jouer. Elles ont inventé sous cette contrainte une musique entièrement nouvelle et étrange, enregistrée dans leur unique album au titre mégalomane : Philosophy of the world. Je vous recommande d’insister un peu, on finit par trouver des vertus à leurs créations, à cet exemple très rare en musique d’art authentiquement brut. Amateurs de solfège : essayez d’écrire cette musique sous la dictée, bonne chance. Essayez de jouer comme elles, de retrouver leur rythme si spécial, plongez-vous dans cette perplexité… Je vous laisse en apprendre plus sur cette histoire, en bande dessinée sur le blog de Pénélope Bajieu, ici.

Si vous voulez voir The Shaggs jouer, encore une vidéo. Je crains que le son ne soit pas d’origine.

La Shaggologie est une science humaine toute aussi naïve que la musique de The Shaggs, et dont je suis un éminent représentant. Elle consiste à recopier plein de trucs trouvés sur le net à propos de The Shaggs, à les arranger un peu, puis à les poster ici ou là, dans le but de s’attirer une parcelle de leur gloire. Ma seule contribution originale à cette science que je soumets à la sagacité d’éventuels autres Shaggologistes arrivés ici par le hasard des moteurs de recherche : je pense que sur la deuxième vidéo, The Shaggs joue bien mieux que sur l’album Philosophy of the world. Parce qu’elles ont bien dû finir par savoir jouer, c’est pas si compliqué. Ceci explique que le public puisse danser.

Pour conclure, ma citation préférée de The Shaggs, que chaque chercheur peut faire sienne :
There are many things I wonder
There are many things I don’t
It seems as though the things I wonder most
Are the things I never find out

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Bien manger et bien boire : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 2/11
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En fait, le Jardin aux chansons qui bifurquent a déjà exploré quelques chansons nanards. J’suis pas rassuré de Zambla, Terre, tu peux compter sur moi par les Enfants du phare, la Bamba triste de Pierre Billon, Autoroute A6 de Mario d’Alba, Je t’aime moi non plus magnifié par l’Ensemble vocal Garnier. On a aussi passé Florence Jenkins, la cantatrice qui chante faux. Tous ces artistes ont atteint des sommets, merci à eux. Mais on a oublié le grand Patrick Topaloff, et son tube J’ai bien mangé, j’ai bien bu.

C’est l’un des plus grands succès des disques Flèche, le label créé par Claude François. Les mauvaises langues disent que Claude François voulait lancer des chanteurs le moins glamour possible pour rester au top par contraste… Vile calomnie, puisqu’Alain Chamfort a été produit par les disques Flèche, en contradiction totale avec cette théorie du complot. On notera sur la vidéo que Patrick Topaloff sait bien battre la mesure, tout comme Pierre Billon, déjà passé dans le blog. Allez, je vous la remets quand même cette bamba, plus grande chanson-hon de tous les temps dans mon petit Panthéon. La bamba triste.

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La musique instrumentale : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 1/11
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On poursuit notre étude de la question « La chanson est-elle un art majeur ou un art mineur ? ». On a vu les poncifs en chanson dans les trois premières séries (I, II, III). On a vu dans la quatrième série des avatars de la question chez les meilleurs auteurs du temps jadis.

Dans la série présente, on explore le côté obscur de la chanson, son versant le plus éminemment mineur : les nanards, les chansons ratées, les chanson-hôns chères à Philippe Meyer. On écoutera ce qu’il y a de pire, les dernières extrémités du mauvais goût. Il faut dire qu’entre tous les arts, la chanson excelle dans le kitsch, c’est son génie propre, une part d’elle-même que personne ne lui enlèvera. À quoi cela tient-il ? On en reparle plus tard dans la série… où l’on verra que ce qui est simple est en fait compliqué, que ce qui naïf est savant, et ce qui est brut est raffiné. On le verra : ce qui est nul est génial. Et si ce qu’il y a de pire est génial, alors la chanson doit bien être un art un peu majeur, non ? À moins que ça ne soit l’inverse ? Car tout est dans tout. Mais le contraire est-il vrai ?

On commence très fort avec Mario Mathy. Il ne lui manque que la parole. Jumping Dance.

Si on évalue la qualité d’une musique au nombre de claviers, Mario Mathy fait un bon score, son art est des plus majeurs. Il s’en explique dans une interview, assez émouvante au final.

Aller, encore une pour les fans. Liberty.

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