La noce des infirmes

Handicap et chanson 9/34

On passe aujourd’hui aux chansons comiques sur le handicap. Certains sujets tabous sont parfois abordés dans la chanson comique avant de faire l’objet de chansons plus sérieuses ou engagées. C’est peut-être quand la société change d’avis : le comique est un espace où peuvent cohabiter les pour, les contre et les sans-avis. On voit ça dans la chanson sur l’homosexualité avec des chansons comiques jusque vers 1970 (Sardou : Le rire du sergent), et puis ensuite un mélange de chansons mettant en avant des stéréotypes érotiques (Rocky Horror Picture Show, Village People, …) et de chansons engagées à partir de Comme ils disent d’Aznavour.

On commence une longue série de chansons comiques sur le handicap avec Raymond Baillet et La noce des infirmes.

Raymond Baillet chante la chanson longtemps après sa création dans une compilation de vieilles chansons. Elle est de Léon Garnier et Lucien Delormel, les paroliers de la grande vedette Paulus, morts respectivement en 1905 et 1899 (ce qui montre au passage que la chanson du jour n’est pas inspirée par les mutilés de la première guerre mondiale comme je l’ai cru au départ).

1 – Quasimodo
2 – Belle
3 – L’homme qui rit
4 – Monsieur William
5 – One of us
6 – Tommy
7 – La femme tronc
8 – Les petits amoureux
8bis – Hélicon
9 – La noce des infirmes
10 – L’invalide à la pine de bois
11 – À quoi pense le réalisateur ?
12 – Une courte de Corbier
13 – Kekseksa Papa ?
14 – La mauvaise réputation
15 – Le bégaiement
16 – La jambe de bois
17 – Camille
18 – Corinne
19 – L’handicapé
20 – Il veut faire un film
21 – Tu n’en reviendras pas
22 – Complainte d’un infirme
23 – Quoi ma gueule
24 – Salut à toi l’handicapé
25 – La petite rivière
25bis – Le luneux
26 – L’enfant soleil
27 – Je te donne
28 – Ça ne tient pas debout
29 – Elle dort
30 – Ceux que l’on met au monde
31 – L’enfant différent
32 – Grand corps malade
33 – Le cachet
33bis – Salut à toutes
34 – Yes I can

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Sardou le détesté

La CFPQ (chanson française pas de qualité) 2/9

Clemenceau a dit « la révolution française : c’est un bloc ». Il n’y a pas d’un côté les droits de l’Homme, l’œuvre des Conventionnels ou la nuit du 4 août, et puis de l’autre les massacres en Vendée, le culte de l’être suprême ou la terreur. Il faut tout prendre ou tout laisser. Il en va de même de la chanson française. On va le voir dans la suite cette série, il n’y a pas d’un côté Chantal Goya et de l’autre Barbara. Sauriez-vous dire laquelle des deux était fan de l’autre ? Réponse surprise et documentée très bientôt…

Mais revenons à la citation de Clemenceau. Elle est assez connue, mais saviez-vous qu’elle faisait référence à Sardou ? Incroyable, non ? Pas à notre chanteur engagé de droite. À Victorien Sardou, auteur de la pièce Thermidor en 1891, et qui n’a rien à voir avec Michel Sardou. On le lui pardonne.

Je vais me livrer aujourd’hui à l’exercice rabâché et sempiternel de la réhabilitation du super-détesté Michel Sardou. Mais au lieu de célébrer ses tubes les plus populaires comme je l’ai déjà fait quelques fois, je vais proposer deux ou trois chansons moins connues et qui ne sont pas mal du tout.

Le surveillant général, c’est très réussi. Paroles de Michel Sardou.

Je vous propose aussi Le mauvais homme, pas mal. C’est la cent quarante-neuvième chanson de Michel Sardou sortie en 1981. C’est la face B du 45 tours Être une femme, ça a sûrement été fait exprès. Le texte est signé par Michel Sardou et Jean-Loup Dabadie sur une musique de Jacques Revaux et Pierre Billon. Information tirée de l’indispensable wiki-Sardou.

Mauvais homme.

Bon, allez, une petite pour se rappeler quand même pourquoi on déteste Michel Sardou. 6 milliards 900 millions 980 mille. Belle performance vocale en live quand même, et paroles de Pierre Delanoë.


1 – L’hérésie simoniaque
2 – Sardou le détesté
3 – Chantal Goya
4 – Brassens contre Tino Rossi
5 – André Bézu
6 – Rousseau
7 – HAL
8 – Patrick Bruel
9 – Le fan club de Serge Lama

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L’hyper-épicier

Bouchers, boucherie et chanson, 6/16

Aujourd’hui Bourvil nous chante La complainte du boucher.

Sinon, je me demande ce que Roland Barthes avait contre les bouchers. Extrait de d’une de ses Mythologies. Quelques paroles de M. Poujade.

Nous savons maintenant ce qu’est le réel petit-bourgeois : ce n’est même pas ce qui se voit, c’est ce qui se compte; or ce réel, le plus étroit qu’aucune société ait pu définir, a tout de même sa philosophie : c’est le « bon sens », le fameux bon sens des « petites gens », dit M. Poujade. La petite-bourgeoisie, du moins celle de M. Poujade (Alimentation, Boucherie), possède en propre le bon sens, à la manière d’un appendice physique glorieux, d’un organe particulier de perception : organe curieux, d’ailleurs, puisque, pour y voir clair, il doit avant tout s’aveugler, se refuser à dépasser les apparences, prendre pour de l’argent comptant les propositions du « réel », et décréter néant tout ce qui risque de substituer l’explication à la riposte. Son rôle est de poser des égalités simples entre ce qui se voit et ce qui est, et d’assurer un monde sans relais, sans transition et sans progression. Le bon sens est comme le chien de garde des équations petites-bourgeoises : il bouche toutes les issues dialectiques, définit un monde homogène, où l’on est chez soi, à l’abri des troubles et des fuites du «rêve» (entendez d’une vision non comptable des choses). Les conduites humaines étant et ne devant être que pur talion, le bon sens est cette réaction sélective de l’esprit, qui réduit le monde idéal à des mécanismes directs de riposte.

Pour une illustration de la sentence selon laquelle « le réel petit-bourgeois : ce n’est même pas ce qui se voit, c’est ce qui se compte », je vous renvoie à la série Quand l’esprit d’épicerie rencontre la révolution sexuelle, consacrée aux relations sexuelles précoces (en chansons), dans laquelle il apparaît que la chanson des années de la révolution sexuelle (années 1970 en gros) avait la manie de toujours citer les âges scandaleusement jeunes protagonistes, de Brassens à Sardou en passant par Antoine, Lenorman, etc. Le scandale se mesure objectivement.

Sinon, le boucher de Barthes, c’est l’hyper-épicier, avec « épicier » dans le sens de petit-bourgeois mesquin. Qu’on retrouve en chanson dans Les philistins, adaptation par Georges Brassens d’un poème de Jean Richepin.

1 – Trois petits enfants s’en allaient glaner aux champs
2 – Comment inventer le mouton français ?
3 – Rue de l’Échaudé
4 – Elle est d’ailleurs
5 – Les crochets de bouchers
6 – L’hyper-épicier
6bis – Crochets francophones
7 – La viande commence par Vian
8 – Coagulation
9 – Professeur Choron, boucher et assassin
10 – Les garçons bouchers
11 – Jean-Claude Dreyfus
12 – Tout est bon dans le cochon (et réciproquement)
13 – Jean-Pierre Coffe en a un petit bout
14 – Mes bouchers
15 – Ficelle à rôti
16 – La Chanson du boucher de Michèle Bernard

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Le casino

Jeu et chanson 12/15

Le casino est présent dans quelques chansons. Casino de Michel Sardou. Sur le site wiki Sardou, j’apprends que les paroles sont de Michel Sardou et la musique de Jacques Revaux.

Ou encore le tube Macao de l’orchestre du Spenlid.

Sur Facebook, Simon B. me propose Tapis vert, par Christian Borel. Seulement 10 vues sur Youtube, bravo pour cette trouvaille !

1 – Les échecs
2 – Le jeu générique
3 – Monopoly
3bis – Chanteuses au nom de jeu
4 – Le flipper
5 – Marelle et pile ou face
6 – Le flambeur
6bis – Cache-cache
7 – La partie de bridge
8 – Le jeu de go
9 – La pétanque
9bis – Cache-cache party et go
10 – Question pour un champion
11 – La belote
12 – Le casino
13 – Les jeux vidéos
13bis – Les jeux vidéos (bis)
14 – Poker
15 – Le joujou du pauvre

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Sardou les enfume

La cigarette 23/26

Marie-Jeanne de Sardou.

Mais qu’est-ce qu’elles fichent dans la fumée des clopes de Sardou les pauvres petites, ça doit sentir très mauvais. En bonus, un extrait du film Les randonneurs.

1 – La cigarette, c’est dans la tête
1bis – La gitane
2 – Du gris
3 – Il fume pour oublier
3bis – Don’t smoke
4 – La cigarette après l’amour
5 – Sanseverino fume
5bis – Confinement
6 – Cigarettes sur cigarettes
7 – Cigare à moteur
8 – Fumer le cigare
9 – Café, tabac
10 – La cigarette qui me brûle les doigts
11 – Addiction
12 – Brigitte fontaine fume
13 – Suzanne Gabriello
14 – Je suis une cigarette
15 – La complainte du tabac
16 – Je ne veux pas travailler
17 – La fête du tabac
18 – L’amour est-il comme une cigarette ?
19 – La cigarette d’Higelin
20 – Duo
21 – Dieu est un fumeur de havane
22 – Bien après minuit
23 – Sardou les enfume
24 – Cigarettes, whisky et p’tites pépées
25 – Bye Bye Clope
26 – Si j’étais une cigarette

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Culture du camp

Les Juifs et la chanson III – Shoah et chanson 21/23

La diffusion aujourd’hui assez large des témoignages d’anciens déportés ou d’œuvres de fictions sur la Shoah et la déportation fait que nous avons tous en tête des images de camps de concentration. Voire même du vocabulaire pour ceux qui ont lu attentivement des témoignages et pour qui des mots innocents en apparence comme « organiser » ou « petit numéro » prennent un sens spécial. Tout cet imaginaire est bien sûr une ressource, notamment pour la chanson, cet art bref qui a besoin plus qu’aucun autre des images préconçues du spectateur pour faire passer son message de quelques notes.

Dans Poulet n° 728 120, je ne sais pas si Philippe Katerine évoque consciemment les numéros tatoués au bras des déportés. À Auschwitz, ces numéros avaient parfois six chiffres, mais je ne crois pas que le numéro 728 120 y ait jamais été utilisé, les numéros s’étant arrêté autour de 200 000 (ceux qui étaient gazés à l’arrivée n’entraient même pas dans le camp proprement dit et n’avaient pas de numéro). Clip vidéo très amusant à voir ici.

Je vous propose le clip de Désenchantée, de Mylène Farmer. Sur la page Wikipedia de Sans contrefaçon, je lis : « Mylène Farmer aurait d’abord envisagé de tourner le clip dans un camp de concentration. »

Puisqu’on est déjà dans le n’importe quoi, autant écouter Le dossier D de Michel Sardou. Ça nous change de la réponse D de Gad Elmaleh, et ça parle d’un rescapé de Mauthausen. Si vous y comprenez quelque chose, éclairez-nous dans les commentaires.

1 – La chanson de Simon Srebnik
2 – La chanson de Treblinka
3 – Yisrolik
4 – Le chant des marais
5 – Le Verfügbar aux Enfers
6 – Casimir Oberfeld
7 – Êtes-vous heureux ?
8 – La fontaine endormie
9 – Il n’y a plus de roses rue des Rosiers
10 – Le petit train de Rita Mitsouko
11 – Comme-toi
12 – Nuit et brouillard
13 – Smoke gets in your eyes
14 – Pitchipoï
15 – Évariste
16 – Au fil du temps
17 – Les Ramones à Bitburg
18 – Signé Furax
19 – Des voix off
20 – Roméo et Judith
21 – Culture du camp
22 – La troisième symphonie de Górecki
23 – Beltz

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Sur le Canon

Plagiats en chanson 9bis/9
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Pierre Delorme me signale qu’en fait la grille des Champs-Élysées (qui est d’ailleurs une adaptation de Waterloo Road de Jason Crest), n’est pas tout à fait celle du Canon de Pachelbel.

On retrouve la grille du Canon dans La maladie d’amour de Michel Sardou ou Rain and tears d’Aphrodite’s Child (qui reprend le Canon assez explicitement).

 

Merci et bonnes vacances (la série d’été commence demain !).

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Café Pouchkine

Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson 7/17

Vous connaissez sûrement Nathalie, le tube de Gilbert Bécaud. Aux paroles, Pierre Delanoë. « Un vent de Sibérie souffle sur la Bohème », c’était lui, dans Vladimir Illicth chanté par Sardou (ici). « La place Rouge était vide », c’est encore lui : on reconnait son art de planter le décor en une seule phrase qui combine une géopolitique sommaire à une poésie tout en efficacité.

L’histoire est bien connue, mais je la vous ressers encore une fois : le fameux café Pouchkine où l’on va boire un chocolat avec Nathalie à Moscou n’existait pas en 1964. Delanoë l’inventa et c’est seulement en 1999 qu’inspiré par la chanson il fut inauguré par un certain Gilbert Bécaud. Plus de détails dans une série consacrée à Pierre Delanoë, parolier le plus prolifique de toute la chanson française, l’homme aux 5000 chansons, ici.

Lieux possibles, impossibles et imaginaires de la chanson
1 – Entre Cuba et Manille
2 – Ménilmontant
3 – Le paradis
4 – La Molvanie
4bis – Le kamklep
5 – Chez Laurette
6 – L’underground café déménage rue Watt
6bis – La rue Watt
7 – Café Pouchkine
8 – Rue de la Grange aux Loups
9 – Le café des délices
10 – Quand la RATP invalide les chansons
11 – Les chants du Pelennor
12 – Comment se rendre en Transylvanie Transsexuelle
13 – Leindenstadt
14 – Porte des Lilas et Paimpol
14bis – Porte des Lilas (bis)
15 – La gare Saint Lazare de Brel
16 – San Francisco
17 – Rochefort
17bis – Saint-Lazare, bis
17ter – Gare du nord et Lountatchimo

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La reprise : un art majeur

La chanson, art majeur ou art mineur V. Les nanards de la chanson, 9/11
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Composer, écrire des chansons, voilà sûrement un art mineur : c’est Gainsbourg qui le dit. Mais les reprendre, leur apporter jeunesse, les magnifier, voilà un art majeur. Extrait de La musique et l’ineffable, de Vladimir Jankélévitch, philosophe et musicien :

Le créateur, l’exécutant qui est recréateur actif, l’auditeur qui est recréateur fictif participent tous les trois à une sorte d’opération magique : l’exécutant coopère avec le premier opérateur en faisant exister l’œuvre effectivement dans l’air vibrant pendant un certain laps de durée, et l’auditeur, recréateur tertiaire, coopère en imagination ou par des gestes naissants avec les deux premiers. Refaire, disions-nous, c’est faire, et le recommencement est parfois un vrai commencement […]
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La nuit, je mens, chanson d’Alain Bashung reprise par Cazoul. À force de l’écouter, je lui trouve quelques mérites, mon côté recréateur actif sans doute. D’ailleurs, pour une fois qu’une chanson parle de théorie des graphes (« voleur d’amphores au fond des cliques »).

Sinon, je me demande à quoi tient ce génie de la chanson pour le mauvais goût. Je dirais qu’entre tous les arts, la chanson est celui dans lequel on regarde l’artiste avant l’œuvre. C’est l’art de la sincérité, de l’identification par excellence. J’en tiens pour preuve l’hystérie des fans, phénomène qui concerne surtout la chanson (on y consacrera une série bientôt).

Autre indice : on juge souvent un chanteur sur l’authenticité du personnage qu’il incarne (encore une série en préparation). On reproche à Renaud de ne pas être un vrai loubard, à tel rappeur de ne pas venir d’une cité. Mais on congratule Daniel Guichard d’avoir vraiment perdu son père, qui était vraiment un prolo, Brel de vraiment avoir des problèmes avec les femmes, Barbara d’être vraiment amoureuse, d’avoir vraiment visité Göttingen, d’avoir vraiment perdu son père à Nantes, père qui avait vraiment abusé d’elle. Quand Sardou explique benoitement que dans Je suis pour, ce n’est pas lui mais son personnage qui défend la peine de mort, personne ne le croit. Probablement, lui-même n’y croit pas. On se félicite par contre que Brassens soit vraiment un bon bougre. Et Pierre Perret, qu’il soit peut-être un faux bon bougre, que son amitié avec Léautaud soit peut-être inventée, l’affaire est assez grave pour mériter une campagne de presse et un procès. Si vous ne connaissez pas cette étrange histoire, tapotez dans votre moteur de recherche préféré, vous verrez.

Mais savoir si Louis de Funès est vraiment colérique, Chaplin vraiment un vagabond, etc., tout le monde s’en fout. Au contraire, on mesure le talent de l’acteur au nombre de kilos qu’il prend ou qu’il perd pour n’être plus lui-même et coller à son personnage, on félicite Bruno Ganz pour incarner son contraire (Hitler dans La chute), on admire Peter Sellers qui dans Docteur Folamour est successivement un savant nazi, un colonel british et un président des états-unis falot, on adore Sabine Azéma et Pierre Arditi qui interprètent tous les personnages de Smoking, no smoking, etc.  Je ne parle même pas des cantatrices, des mimes, des imitateurs, des marionnettistes, …

Le chanteur de chansons, c’est le seul dont on exige qu’il soit lui-même. Tout lui sera alors pardonné, il peut chanter faux, mal jouer de la guitare, écrire des paroles con-con et des musiques simplettes. Mais s’il fait du kitsch ou du bidon, on l’entend comme une part essentielle de sa personne. Et de la notre, car dans l’offense au bon goût du chanteur, notre complicité de « recréateur tertiaire » (cf Jankélévitch au début du billet) est requise. Dans le vague karaoké permanent, le casque sur les oreilles ou dans sa voiture, l’amateur de chansons n’entend pas la chanson-hon comme il jetterait un œil distrait sur un bibelot kitch.

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