La CFPQ (chanson française pas de qualité) 7/9
Je propose d’explorer aujourd’hui l’idée de la chanson comme archaïsme, au sens psychiatrique du terme. Un réflexe archaïque est un réflexe du nouveau-né qui disparait quelques temps après naissance, comme le fait de serrer les doigts lorsqu’on lui caresse la paume de la main. La chanson, y compris de « mauvaise qualité », peut-être même surtout de mauvaise qualité, nous toucherait parce qu’elle activerait des circuits profonds : balancement rythmique, douceur de la voix, combinée aux mots simples et sentimentaux des paroles. Un indice en faveur de cette hypothèse, ce serait ces petites musiques qui ne sortent pas de la tête, ce que les anglophones appellent les ear-worms (vers d’oreille). En fait, je n’ai rien trouvé de très probant là-dessus. Si quelqu’un a des documents un peu étayés, je suis preneur, et sinon je laisse chacun à son introspection.
Je vous livre cependant un témoignage étrange et indirect à ce sujet, montrant que la chanson comme réflexe archaïque existe au moins comme représentation, à défaut d’être une réalité. C’est un extrait de 2001 odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. L’astronaute David Bowman désactive l’ordinateur de bord HAL 9000 qui a tenté de prendre le contrôle du vaisseau spatial en route vers Jupiter. Le spectateur assiste alors à une sorte de maladie d’Alzheimer accélérée de cette pauvre cyber-créature, dont le dernier souffle est une chanson : Daisy.
Sur wikipedia, j’apprends que la chanson est en fait Daisy bell (bicycle built for two), composée par Harry Dacre en 1892. Elle a vraiment été la première chanson apprise à un ordinateur, un IBM 7094 (d’ailleurs HAL est simplement obtenu à partir d’IBM en rétrogradant chaque lettre d’un cran dans l’ordre alphabétique). Écoutez plutôt.
Une version en style barbershop, humaine (quoiqu’éditée avec l’aide d’une véritable cyber-créature).
Et pour conclure ce billet, une citation de Jean-Jacques Rousseau sur la mémoire des chansons.
C’est une des singularités de ma mémoire qui méritent d’être dites. Quand elle me sert, ce n’est qu’autant que je me suis reposé sur elle : sitôt que j’en confie le dépôt au papier, elle m’abandonne ; et dès qu’une fois j’ai écrit une chose, je ne m’en souviens plus du tout. Cette singularité me suit jusque dans la musique. Avant de l’apprendre je savais par cœur des multitudes de chansons : sitôt que j’ai su chanter des airs notés, je n’en ai pu retenir aucun ; et je doute que de ceux que j’ai le plus aimés j’en pusse aujourd’hui redire un seul tout entier.
1 – L’hérésie simoniaque
2 – Sardou le détesté
3 – Chantal Goya
4 – Brassens contre Tino Rossi
5 – André Bézu
6 – Rousseau
7 – HAL
8 – Patrick Bruel
9 – Le fan club de Serge Lama
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Pourquoi la chanson suscitant le réflexe archaïque serait-t-elle forcément de mauvaise qualité ? Simple sans doute, mais cela n’a rien à voir avec la qualité. Gardons en mémoire (non archaïque) cette phrase de Brassens : « Mes chansons c’est « Une poule sur un mur / Qui picore du pain dur », amélioré. »
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» Un indice en faveur de cette hypothèse, ce serait ces petites musiques qui ne sortent pas de la tête, ce que les anglophones appellent les ear-worms (vers d’oreille). En fait, je n’ai rien trouvé de très probant là-dessus. »
En tout cas, chez Pixar, ils font la même hypothèse (c’est très scientifique comme référence) :
Les deux bonhommes bleus sont clairement « archaïques » !
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Très bon point !
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