Je veuze un État

L’énigme CPV 9/9
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Avant de quitter les pataquès, avis aux chanteurs en herbe : une petite faute de liaison peut gâcher les plus belles chansons. Par exemple, si vous chantez comme ça Il n’y a pas d’amour heureux (Aragon/Brassens), le four est garanti.

Mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure,
Je te porte-z-en moi comme un oiseau blessé
Et ceux sans savoir, nous regarde passer
Répétant-z-après moi, les mots que j’ai tressé-EUH,
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent,
Il n’y a pas d’amour-z-heureux.

Parfois, c’est plus subtil. Dans Les copains d’abord de Georges Brassens encore, on a vite fait de chanter : « Cent ans-t-après coquin de sort, il manquait encore ». D’autant que « t-après » est plus percussif que « z-après » et produit des paroles plus efficaces.

Je pense que plusieurs fautes de l’énigme, volontaires ou non, viennent de là : les « doux mots dits-t-avec les yeux » de Lucienne Delyle, le bazar qu’on avait « mis-t-aux enchères » de Barbara, le lit qui ne « vient pas-t-à moi » de Brel,  les « joujoux pas-t-à toi » des Têtes raides : voilà de quoi améliorer le rythme de ses paroles pour moins cher qu’une paire de claves.

Les fausses liaisons avec un « z », ça produit plutôt un effet comique (volontaire ou non, je vous laisse voir…). Comme le « coucha-z-avec son remplaçant » chez Brassens, « y a-z-encore » chez Mac-Nab, « te voilà-z-éparpillé » chez Le soldat Moralès, plumes de z-oiseaux » chez Zizi Jeanmaire ou « j’étais venue-z-en Avignon » chez Angèle Lombard.

Pour conclure, je vous propose un magnifique exemple (en chanson) de ce qu’on appelle une liaison sans enchaînement. Il s’agit d’une variante du pataquès, assez répandue chez les journalistes ou les politiciens, et qui consiste à marquer la liaison avec une pause avant le mot auquel elle est sensée s’enchaîner. Par exemple Jacques Chirac qui disait « Quand on veut-te, on peut-te ». Et même en chanson, « je veux-ze … un État » !

Jacques Chirac, Tous les français.

Explications lumineuses sur cet étrange phénomène, ici. Si ça vous a plu, vous pouvez aller revoir les différentes énigmes proposées depuis le début du blog :

L’énigme HM
Incroyable mais vrai
L’énigme JB
L’énigme LdV
L’énigme ratée
L’énigme VF
Cinq devinettes sur Georges Brassens

Sur ce, Je vous dize… au revoir, et za la prochaine série (où il y aura beaucoup de bonne musique, ça nous changera un peu !).

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La solution

L’énigme CPV 8/9
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Voici l’heure tant attendue de la solution. Comme vous l’avez deviné, les chansons de la série présentaient toutes une faute de liaison. Comme dans « ce n’est pas-t-à moi, je ne sais pas-t-à qui est-ce ». La fin de cette phrase aurait donné le mot « pataquès », dont le sens premier désigne une faute de liaison. Qu’on appelle aussi « cuir » ou « velours », d’où le titre de l’énigme CPV : cuir, pataquès, velours. En fait chacun de ces mots désigne une faute différente, je vous épargne les détails, voir ici.

Je vous propose maintenant un examen détaillé des chansons passées au long de cette énigme, avec quand c’est possible des versions des chansons sans la faute.

Dans Mon amant de Saint-Jean, les doux mots d’amour sont « dits-t-avec les yeux ». Si ça vous chauffe les oreilles, rabattez vous sur la version de Marcel Mouloudji accompagné par Marcel Azzola, la faute n’y est pas… Pour une fois que Marcel ne chauffe pas (nos oreilles)…

Dans Le métingue du métropolitain, ce coquin de Maurice Mac-Nab, auteur des paroles, a glissé :

Peuple français, la Bastille est détruite,
Mais y a-z-encor des cachots pour tes fils !

Dans Drouot, Barbara laisse échapper « on avait mis-t-aux enchères ». Dans sa récente interprétation, Gérard Depardieu évite la faute :

Dans Les poupées, on entend « c’est pas-t-à moi », pataquès paradigmatique s’il en est. Dans Corne d’Auroch de Georges Brassens, on entend :

Alors sa veuve en gémissant
coucha-z-avec son remplaçant.

Notez que dans la reprise punk-rock par Brassens’s not dead, la faute est corrigée ! Merci messieurs les punks.

Dans Mon truc en plumes, on entend : « plumes de-z-oiseaux, de-z-animaux ». Si vous avez voyagé à l’île de la Réunion, vous avez sûrement remarqué les magasins de nourriture pour z’animaux. Si c’est le cas, vous êtes un vrai z’oreille.

Dans À jeun de Jacques Brel, on entend :

Guili, Guili, Guili,
Viens là mon petit lit
Si tu ne viens pas-t-à moi
C’est pas moi qui irai-t-à toi

Dans Pas de boogie woogie, on entend « Reprenez-r-avec moi tous en chœur ». Cette faute est recensée sur plusieurs sites internet consacrées aux fautes dans les chansons. Il s’agit probablement d’une bourde en studio, parce que dans les versions live que j’ai pu écouter, la faute n’est pas présente. Comme dans ma préférée (à propos, retournez voir la série sur le silence en chansons, celle-là aurait bien été dedans).

Dans Le soldat Moralès, il y a beaucoup de fautes de liaisons dans le préambule parlé, mais aussi une dans la chanson proprement dite : « Toi qui voulait voyager, te voilà-z-éparpillé »

La chanson Sur le Mireille commence par « J’étais venue-z-en Avignon ». Et Babx nous chante dans la pub pour son album « un jour je serai-z-une icône » (prédiction qui ne s’est pas réalisée d’ailleurs).

Voilà, partez à la pêche aux cuirs, pataquès et velours, et ramenez moi vos trouvailles. Je vous laisse à vos conjectures quant au caractère volontaire ou non des différents pataquès, dont on continue à parler dans le prochain billet.

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Quelques indices

L’énigme VF 5bis/9
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Bravo à Nadia de Meylan et NP de Lyon 6è qui ont à leur tour résolu l’énigme. NP et Nadia proposent à notre sagacité quelques indices (sous forme de chanson). Tout d’abord une chanson déjà prévue et qui passera très bientôt. Et J’avions reçu commandement, interprétée par Yves Montand (encore un grand chanteur qui fait une entrée un peu tardive dans le blog…).

NP nous propose aussi le Grand métingue du métropolitain, une vieille chanson comique et révolutionnaire. NP a mis dans les commentaires une interprétation de Marc Ogeret, je vous propose celle de Jacques Grello. Les paroles sont de Maurice Mac-Nab, auteur d’une thèse sur la gueule de bois, et membre du cercle des hydropathes (tout comme Alphonse Allais, qu’on a déjà passé dans le blog, ici, encore une sorte d’indice…).

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