Nougaro

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 13/18
123456789101112131415161718

Le Jardin a déjà consacré deux séries aux compositeurs de (et pas de) Nougaro. Ici et . Sans toutefois passer sa seule chanson dont la musique soit tirée du répertoire classique, Armé d’amour, paroles de Claude Nougaro, sur une musique de Robert Schumann.

En fait, l’original est un arrangement de Jean-Claude Vannier.

Et voilà l’original de l’original, Blumenstück opus 19, en ré bémol majeur.

Tous les thèmes

La sonate au clair de lune de Beethoven

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 12/18
123456789101112131415161718

En chanson, on entend parfois une citation classique subreptice. Dans Les bonbons de Jacques Brel, au moment de « sur le kiosque on joue Mozart », l’orchestre se prend pour Mozart un quart de seconde.

 

Dans Couché dans le foin, une chanson de Mireille et Jean Nohain, il y a un emprunt rapide à Carmen de Georges Bizet (sur « Hélas le métier de toréador », vers 1:02). Je vous propose une interprétation par Pills et Tabet. On aperçoit Jean Nohain au début de la vidéo.

Dans Il fait des …, l’une des 87 chansons écrites par Édith Piaf, Yves Montand nous fait entendre quelques passages classiques, dont un petit bout de la Sonate au clair de lune de Beethoven, c’est vers la fin.

J’en profite pour vous repasser l’excellent sketch de Bernard Haller.

Il est vrai que cette sacrée sonate se prête volontiers à toutes sortes de massacres. Au kazoo, Joël Van Der Mark.

Puisqu’on parle de Beethoven, je vous raconte un souvenir personnel. En cours de solfège, la prof nous demande pourquoi à la fin de la Cinquième symphonie, l’orchestre joue plusieurs fois l’accord de tonique. J’ai répondu : « parce que Beethoven était sourd ». On m’a viré de l’école de musique.

Meuh non, on ne m’a pas viré, personne n’a entendu ma bonne blague. Et la vraie réponse c’était plutôt que vue la colossale quantité d’énergie harmonique accumulée, il fallait résoudre plusieurs fois.

Tous les thèmes

Gainsbourg et le classique

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 11/18
123456789101112131415161718

Le compositeur de chanson française qui a le mieux exploité le répertoire classique est sans doute Serge Gainsbourg. Il a emprunté des musiques à Brahms, Beethoven, Dvořák, ou Chopin. Avec un talent assez incroyable pour repérer ce qui dans le répertoire ancien sonnera comme le dernier truc à la mode. On en reparlera plus longuement un de ces jours (en attendant, plus d’infos ici).

Je vous passe Jane B., paroles de Serge Gainsbourg, par Jane Birkin.

Et le Prélude, Op.28 No.4 de Frédéric Chopin, par Martha Argerich.

Tous les thèmes

Brahms

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 10/18
123456789101112131415161718

On continue d’explorer les liens entre chanson et musique classique, avec le recyclage par certains auteurs de chansons de mélodies du répertoire classique. On a déjà longuement évoqué le cas de Bach dans le blog, je n’y reviens pas, voir ici. C’était la troisième série du blog, et on y notait déjà certains malentendus entre chansons et classique, dans le traitement du rythme et dans une conception un peu mythique du génie classique…

Avant de commencer notre étude du recyclage, notons qu’au XIXe siècle, le recyclage fonctionnait plutôt en sens inverse. Ce sont les grands compositeurs qui retranscrivaient des mélodies folkloriques, tsiganes en particulier. Voir par exemple les Danses hongroises de Brahms, que le compositeur lui-même ne considérait que comme de simples retranscriptions.

Pour en savoir plus, un beau tour d’horizon sur le site de France Musique, ici.

Tous les thèmes

Ave Johnny

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 9/18
123456789101112131415161718

Quelqu’un a eu la bonne idée de faire chanter l’Ave Maria de Schubert à Johnny. Regardez bien les vitraux, encore une bonne idée (pour restaurer Notre-Dame). Ce qui m’épate le plus, c’est la ligne de basse de Stand by me en intro. Ça me rappelle le jour où j’ai mis de la glace à la fraise dans mon kebab.

Jean Yanne s’y est aussi essayé, Avec Maria.

Aller, pour se rincer un peu les oreilles après toutes ces horreurs, écoutons Maria Callas.

Tous les thèmes

La truite et la violoncelliste

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 8/18
123456789101112131415161718

On en a eu un aperçu dans le dernier billet avec Pierre Dac et Francis Blanche : la musique classique est une ressource inattendue pour la chanson comique. Il est vrai que rien n’est comique comme le sérieux. Le complexe de la truite, par les Frères Jacques, sur La truite de Franz Schubert.

Sacrés Frères Jacques. Mais au fait, qu’est-ce qu’ils ont contre les violoncellistes ?

Tous les thèmes

Le Boléro de Ravel

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 7/18
123456789101112131415161718

Le Boléro de Ravel, plus grand tube de la musique classique, et pendant longtemps plus grosse source de revenu de la SACEM, a été plusieurs fois utilisé en chanson. Tout d’abord par Pierre Dac et Francis Blanche, Le parti d’en rire.

« Réconcilier les œufs brouillés », le jaune et le blanc donc, vaste programme. On entend le Boléro à l’arrière plan de Et maintenant de Gilbert Bécaud. Paroles de Pierre Delanoë.

On entend aussi comme un écho du Boléro chez Charles Aznavour, Dans tes bras.

Un petite dernière, Le batteur du Boléro, avec Jacques Villeret.

 

Tous les thèmes

Le trio de Schubert

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 6/18
123456789101112131415161718

Je voudrais vous emmener aujourd’hui en visite dans différentes versions du Trio n°2, op. 100 de Franz Schubert. On l’écoute d’abord, par Renaud Capuçon, Gautier Capuçon et Frank Braley.

Ce morceau a été popularisé par Stanley Kubrick, qui l’a utilisé pour son film Barry Lyndon, dans une version un peu réorchestrée pour les besoins du film. Je vous passe la scène finale du film.


Barry Lyndon
est une reconstitution très méticuleuse de l’Europe du XVIIIe siècle. On s’étonnera donc que Stanley Kubrick ait choisi une composition du siècle suivant. Il s’en est expliqué (citation pêchée sur wikipedia) :

J’avais d’abord voulu m’en tenir exclusivement à la musique du XVIIIe siècle quoiqu’il n’y ait aucune règle en ce domaine. Je crois bien que j’ai chez moi toute la musique du XVIIIe siècle enregistrée sur microsillons. J’ai tout écouté avec beaucoup d’attention. Malheureusement, on n’y trouve nulle passion, rien qui, même lointainement, puisse évoquer un thème d’amour ; il n’y a rien dans la musique du XVIIIe siècle qui ait le sentiment tragique du Trio de Schubert. J’ai donc fini par tricher de quelques années en choisissant un morceau écrit en 1814. Sans être absolument romantique, il a pourtant quelque chose d’un romanesque tragique.

Effectivement le trio se prête bien à un phrasé rubato auquel le siècle romantique nous a habitué pour exprimer les sentiments. Mais le trio sonne tout de même un peu baroque, et ne détonne donc pas trop au milieu de musiques du XVIIIe. Amateurs de solfège, je pense que cela tient à la présence de valeurs pointées, à l’ornementation (les trilles), et à la solennité du violoncelle, qui sonne un peu comme une viole de gambe. Le trio évoque la Sarabande de Haendel, également utilisée par Kubrick pour Barry Lyndon.

On imagine mal une version « romantisée » de la Sarabande. Il reste intéressant de la comparer au Trio. Les deux morceaux utilisent des structures noire – noire pointé. Ce point commun attrape l’oreille, même si le Trio est à deux temps et la Sarabande à trois temps. L’abus du rubato dans la version du trio de Barry Lyndon pourrait confiner au mauvais goût, mais le phrasé collant bien l’image, ça passe. Plus généralement, Schubert a écrit les musiques les plus sentimentales qui soient. Jusqu’à nous faire c…, comme expliqué en conclusion de Trop belle pour toi, film de Bertrand Blier. Sur l’Impromptu opus n°3, avec Gérard Depardieu.

Tant qu’on y est, je vous passe Voyou, du groupe Fauve, qui utilise aussi le Trio de Schubert.

Tous les thèmes

Grand malentendu pour grande dispute

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 5/18
123456789101112131415161718

On a vu dans les billets précédents des jugements contrastés : la chanson de variété, véhicule des « clichés les plus éculés » selon Ulrich Michels, opposée à la « musique morte, impuissante et statique » dénoncée par Bernard Lavilliers. Et dans la série consacrée à l’histoire ancienne de la controverse art majeur / art mineur, on a vu que dès le XVIIe siècle, on opposait art savant et art populaire, bien souvent pour préférer (ou prétendre préférer) le second. Voir les citations de Molière ici, Rousseau ici ou Lamartine ici. On ne va pas épiloguer là-dessus plus longtemps… Dans ce billet, je voudrais juste insister sur une dimension purement musicale de l’opposition chanson/musique classique, apparu au tournant du XIXe et du XXe siècle, dimension à l’origine de certains malentendus.

Les coupables sont deux grandes innovations. Première innovation, du côté de la musique classique : le phrasé rubato, en plein siècle romantique, le XIXe. Le rubato, c’est l’art de ne pas suivre un tempo figé : ralentir ou accélérer au gré de l’émotion, se décaler un peu pour faire ressortir le soliste, etc. Deuxième innovation, du côté de ce qui allait devenir le jazz : le métissage entre musiques occidentales et africaines, initié par le ragtime et suscitant de nombreuses inventions rythmiques au tournant du XIXe et du XXe siècle. Extrait de La partition intérieure, de Jacques Siron, extraordinaire ouvrage sur les musiques improvisées modernes :

La conception du rythme est un point de désaccord majeur entre les musiciens de jazz et les musiciens qui n’ont baigné que dans la tradition rythmique de la musique classique. Faute de connaissance et de reconnaissance réciproque, de nombreux malentendus existent entre ces deux univers rythmiques.

Dans la musique classique, on n’utilise pas la très grande stabilité de la pulsation recherchée dans les musiques syncopées. Très souvent, les pulsations suivent le phrasé, ralentissent à la fin des phrases, introduisent de subtiles césures ; depuis la tradition romantique du XIXe siècle, le phrasé rubato est utilisé pour donner plus de souplesse et plus de vie à la phrase ; la plupart des interprètes classiques l’utilisent de manière expressive au détriment de la stabilité de la pulsation de base. Dans les orchestres classiques, la présence d’un chef d’orchestre responsable du tempo général ne favorise pas la prise en charge individuelle et collective du tempo ; de plus la précision rythmique de l’oreille est de beaucoup supérieure à la vue du geste silencieux de la baguette.

La stabilité de la pulsation du jazz est souvent perçue comme rigide ou redondante par des oreilles classiques, alors que, pour les musiciens de jazz, le phrasé classique passe pour anémique et totalement dépourvu des qualités du swing : il n’est que rarement en place, les syncopes sont sautillantes, hachées et précipitées, le rythme est décollé de la terre et perd ses qualités dansantes.

Pour illustrer cette citation, je vous propose de réécouter la reprise de J’m voyais déjà par Jaroussky & friends. Si vous prêtez attention au rythme, vous entendrez que les chanteurs ne se fondent pas complètement dans la métrique dansante du morceau. Ils préfèrent faire valoir leur timbre ou leurs émotions par de subtils ralentissements ou des notes tenues qui cassent le groove (sauf Natalie Dessay qui semble avoir réfléchi à la question, cf le billet précédent, et fait bien le job, enfin je trouve …).

À comparer avec Aznavour. Lui aussi prend quelques libertés avec le rythme, mais en respectant la métrique, et donc sans que l’orchestre ait à ralentir…

En plus de l’opposition musique populaire / musique savante, présente dans notre culture depuis le XVIIe siècle au moins, il y a donc une opposition musicologique, plus discrète dans les débats, mais qui saute aux oreilles prévenues… Entre deux conceptions du rythme donc, disons conception « expressive » (avec le phrasé rubato, et la nécessité d’un chef d’orchestre) et conception « stable » faute de meilleures appellations. Cette deuxième opposition date en gros de la fin du XIXe siècle. Il se trouve que les contingences de l’histoire ont mis la conception expressive du rythme du côté de la musique classique, et donc savante. Tandis que la conception stable, plus dansante, a petit à petit conquis le grand public et a relégué la conception expressive au répertoire classique et à ses amateurs éclairés. Le « stable » s’est donc retrouvé du côté des musiques populaires. Mais il n’y a aucune nécessité, musicale en tout cas, à cet appariement qui admet d’ailleurs tant d’exceptions qu’on peut dire qu’il semble en fait un déplacement conventionnel de la grande querelle savant/populaire. Cette vieille guerre a de temps à autres besoin de nouveaux champs de bataille. Et au fait, puisqu’il y a deux oppositions, il devrait y avoir 2×2 = 4 sortes de musique. Voyons cela.

1. Musique savante / stable, avec bien sûr le jazz, musique qui n’a plus rien de populaire depuis longtemps. Mais on pourrait ranger dans la catégorie « stable » toute la musique baroque, qui a de nombreux points communs avec le jazz (sophistication, musique improvisée et dansée, ce qui nécessite structures répétitives et stabilité rythmique).

2. Musique savante / expressive : musique classique, confondue pour les besoins de la présente démonstration avec la période romantique de la musique classique.

3. Musique populaire / stable : à peu près tout ce qui se vend, tout ce qui groove, tout ce qui balance à Paris, depuis Scott Joplin (ou Charles Trenet en chanson française), en passant bien sûr par le rock et jusqu’au rap.

4. Musique populaire / expressive : courant plus ou moins porté disparu… On peut réécouter Barbara peut-être, ou les grandes chanteuses réalistes. Tout fout le camp. Par Damia, la tragédienne de la chanson, qui fait son entrée au 817e billet du blog…

Cette classification de la musique en quatre cases est bien sûr grossière… Son seul mérite est de clarifier certains malentendus dans l’opposition musique classique / chanson.

Pour conclure, trois versions d’un même morceau, pour un peu entendre différentes manières d’aborder le rythme. Si vous voulez ressentir l’émergence d’une pulsation stable au milieu d’un phrasé plus confus, je vous recommande Caravan, par Michel Petrucciani. Confusion, puis swing, jusqu’à la mise à nu du thème, encore porté par l’imprégnation de la pulsation… et puis voyage en dissonance, magnifique.

Intéressant à comparer avec la version d’un autre grand pianiste, Art Tatum, le maitre du piano « stride », héritier en jazz du ragtime. Je trouve l’approche rythmique intéressante aussi, sans swing, un peu saccadée.

Si vous n’avez pas eu votre dose de rythme, essayez cette dernière version de Caravan. À la batterie, Charly Antolini. J’aime bien l’air consterné du contrebassiste qui aimerait bien jouer un peu lui aussi, vers 2:20 …

Tous les thèmes

Timbrés ?

La chanson, art majeur ou art mineur VI. Musique classique, chanson, et réciproquement, 4/18
123456789101112131415161718

On a abordé dans le dernier billet la question des chanteurs qui changent de registre : de la variété au classique, et réciproquement. Je vous propose encore un petit voyage dans les deux sens, avec d’abord Le lion est mort, par Philippe Jaroussky & friends, qui renouvellent un peu les harmonies du machin.

Natalie Dessay a laissé de côté sa voix lyrique pour se lancer dans la chanson. Avec Michel Legrand, Les moulins de mon cœur.

Dans Barcelona, Freddie Mercury tient le choc face à Montserrat Caballé.

Tous les thèmes