La chanson anticléricale œcuménique

Les Juifs et la chanson IV – Image des juifs dans la chanson 3/19

Le judaïsme comme religion est le plus souvent cité dans ce que j’appelle la chanson anticléricale œcuménique : une vieille tradition française étendue à toutes les religions. Mais autant nos chansonniers sont très prolixes pour dénoncer des traits spécifiques du catholicisme (bigoterie, hypocrisie, rite anachronique, etc), autant, quand on en vient à l’islam ou au judaïsme, la critique se fait abstraite. Il y a sans doute la crainte d’être accusé de racisme, l’ignorance (du chanteur, mais aussi du public). Et surtout la désincarnation : l’anticléricalisme a des racines profondes et s’appuie sur le vécu concret de générations ayant subi le catéchisme, le collège jésuite ou je ne sais quoi encore. Aucun trait spécifique de la religion juive n’est donc mentionné, il n’en manque pourtant pas : archaïsme, rite pittoresque, absence de prosélytisme, invention du dieu unique, etc.

Exemple dans À propos d’un détail Hugues Aufray (je me demande qu’il entend par le Dieu des laïques à propos…).

Des juifs et des laïques qui faisaient les cents pas
Au milieu des indiens, des russes et des chinois
Et tout ce gentil monde dans un unique chœur
Qui priait en secret que ce Dieu soit le leur

Cette vision désincarnée finit par contaminer le catholicisme lui-même, par exemple dans Je suis de Damien Saez, dont le titre résume bien un néant identitaire qui ne peut se définir que négativement, et dont on ne sait s’il est dénoncé ou célébré par cette chanson.

Je parle français, je bois de la bière
Je suis pas catho-musulman
Je suis pas juif, je suis pas croyant
Je suis bistrot, je suis résistant
Je suis drapeau quand il est blanc
Dans un verre avec un croissant
Moi je suis torché un peu tout le temps

Dans la chanson anti-anti-cléricale d’un Michel Delpech qui renoue avec le catholicisme, le judaïsme n’est pas plus incarné. Delpech nous prouve que la vacuité du discours anticlérical œcuménique peut très bien être retournée au profit de la religion, en raison de sa vacuité même. Il y en a encore de Michel Delpech.

Des Indiens qui ont vu Krishna
Des Juifs qui entendent Moïse
Des filles qui se marient à l’église
Il y en a, il y en a encore

Pour conclure cette énumération de chansons énumératives, je dirais que le contraste entre juifs et gitans est saisissant : les deux peuples victimes du génocide nazi sont traités de manière complètement opposée par la chanson. Dans les deux cas, toute trace de racisme est devenue taboue, mais cela se traduit par un effacement complet de tout trait saillant pour les juifs, qui sont comme délavés dans les chansons. Tandis que les gitans sont l’objet d’une célébration unanime, mais vidée de sens également, par l’usage exclusif de deux ou trois poncifs recyclés à l’infini. Le phénomène s’explique sans doute par le romantisme associé à la figure du gitan. Alors que le mot « juif » est comme sali par des décennies de logorrhée antisémite, ce qui rend son usage difficile en chanson.

1 – Le chandelier
2 – Le mot « juif » dans des listes
3 – La chanson anticléricale œcuménique
3bis – Souchon et Ferré
4 – Le juif non-dit
5 – Les juifs chez Gainsbourg
6 – Un juif célèbre
7 – L’Aziza
8 – La chanson pro-israélienne
9 – Le conflit israélo-palestinien
10 – Image des juifs dans le rap
11 – L’anti-antisémitisme de Pierre Perret
12 – La chanson antisémite
13 – On peut rire de tout, mais pas en mangeant du couscous
14 – Les mères juives
15 – Betty Boop
16 – Noirs et juifs aux USA
17 – Nica
18 – Noirs et juifs en chanson chez Jean-Paul Sartre
19 – Azoy
19bis – Retour sur quelques commentaires

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Les machos de la chanson

La chanson sexuellement explicite 7/18
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Une modalité assez répandue de la chanson de sexe, c’est la mise en scène du mâle viril, excité, voire même en action : poses machos, grimaces, déhanchements suggestifs, paroles crues etc. Je vous ai sélectionné le best of.

Prince : Sexy M.F. Comment est-ce qu’on peut jouer les gros bras comme ça en étant aussi maigrichon ? Il parait que la taille (des bras) ne compte pas …

Candela, un classique cubain, par le Buena Vista Social Club et le gigantesque Ibrahim Ferrer. Les paroles sont vraiment très crues, surtout à la fin de la chanson.

Dans le genre chanteur mâle, le sommet indépassable, je trouve que c’est Foxy lady de Jimi Hendrix. Vous avez remarqué qu’il tient sa guitare à l’envers ?

Parodie par Dana Carvey dans Wayne’s world

Après le best of, le pire of, avec Damien Saez. Je suis obligé de passer sa chanson Sexe pour sa valeur documentaire. Mais quel connard de chanter un truc pareil. Il a l’air content de lui en plus.

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