Battre le briquet

Expressions et mots venant de la chanson : les sources et les robinets 3/13
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On enquête toujours sur les expressions, ou mots, qui trouvent leur origine dans une chanson. Proposez-moi vos trouvailles, on fera le top 10, ou le top 3, ou le top je-ne-sais-pas-combien à la fin de la série.

Aujourd’hui, on enfonce une porte ouverte, avec les expressions qui ne viennent pas d’une chanson, mais qui peuvent en donner l’impression parce qu’elles ont presque disparu : la tabatière n’est plus guère en usage que dans J’ai du bon tabac. L’expression « battre le briquet », qui signifiait allumer du feu et avait un double sens sexuel, ne survit plus que dans Au clair de la lune, chanson elle aussi remplie de double sens sexuels (on reverra ça dans une prochaine série). Au clair de la lune, par Yvonne Printemps.

Au clair de la lune,
Pierrot répondit :
« Je n’ai pas de plume,
Je suis dans mon lit.
Va chez la voisine,
Je crois qu’elle y est,
Car dans sa cuisine
On bat le briquet. »

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Franck-mickaélisation

Expressions et mots venant de la chanson : les sources et les robinets 2/13
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On explore les mots et expressions plus ou moins courants qui viennent de la chanson. Proposez-moi vos idées d’ailleurs. Et maintenant, la réponse à la devinette du dernier billet : pourquoi une chanson de Frank Michael dans cette série ?

Le mot d’aujourd’hui est « franck-mickaélisation », qui ne vient pas d’une chanson mais du nom du chanteur Frank Michael. Le mot a été inventé par Thomas Legrand, éditorialiste sur France Inter, le 11 octobre 2011. C’était à propos de l’échec de Ségolène Royal, aux primaires du parti socialiste. Extrait :

Ils [les partisans de Ségolène Royal] se raccrochaient à la ferveur des salles de militants à travers la France. Ils ne pouvaient pas concevoir que l’on peut remplir des salles et vider des urnes à la fois. C’est le syndrome Franck Michael [sic]. Vous connaissez peut-être ce chanteur ? Il remplit tous les palais des sports et les Zénith de France… Beaucoup plus que bien des vedettes que l’on entend sur toutes les radios ! Mais son nom et ses chansons sont inconnues du plus grand nombre. Le dernier cercle des proches de Ségolène Royal ne s’est tout simplement pas aperçu de la « Franck-michaélisation » de leur candidate.

Vous pouvez trouver le texte intégral ici. Notez que le site internet de France Inter parvient à faire une faute d’orthographe dans le prénom et dans le nom de Frank Michael (le nom est parfois bien orthographié, parfois non). Voilà comment le service public traite la chanson française de qualité ! Je garde les fautes, je trouve qu’elles font pleinement partie de ce nouveau mot. L’expression franck-mickaélisation n’a rencontré quasiment aucun succès, et à bien y réfléchir, elle vient plutôt de la politique que de la chanson.

La politique, voilà une bonne source d’expressions. Elle nous a donné la chienlit, un quarteron (De Gaulle), adacadabrantesque (Chirac), « il faut terroriser les terroristes » (Pasqua)… Je me demande même si l’expression « il fait chaud » n’a pas été inventé par Édouard Balladur…

La gauche se débrouille bien aussi, avec « c’est un scandale » ou « taisez-vous Elkabbach » (Georges Marchais), « moi président » (Hollande), ou « travailleurs, travailleuses » (Laguiller), etc, etc.

Pour conclure ce billet, saviez-vous que le personnage de Fanfan la Tulipe vient à l’origine d’une chanson ? Fanfan la tulipe donc, sur des paroles d’Émile Debraux en 1819, ici chanté par Pierre Bertin.

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Tube

Expressions et mots venant de la chanson : les sources et les robinets 1bis/13
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Point sur les premières propositions des lecteurs. Diego me propose gendarmicide, due à Brassens dans Hécatombe (déjà passée ici). On reparlera de Brassens dans la série. Diego me propose aussi attachiant, qui a paraît-il été inventé par le parolier Pierre Delanoë pour désigner Joe Dassin. Je range ces mots dans la catégorie des néologismes, mais un mot vous me direz, c’est juste un néologisme qui a réussi…

Diego encore, ainsi que Nadia (de Meylan) me proposent le mot « tube » dans le sens de chanson ayant du succès. Cet usage du mot tube a été inventé par Boris Vian. Le tube désignait le cylindre sur lequel les chanson étaient gravées, tout en évoquant l’idée du creux et de la circulation. À ma connaissance, Vian  n’a pas fait usage du mot tube dans ses paroles de chansons. Nadia ajoute que le nom du site Youtube pourrait se rattacher au tube au sens de Vian… Je n’ai pas trouvé d’élément probant !

Pour célébrer le mot tube, Je vous propose Le tube de toilette, de Boby Lapointe, avec la complicité de Pierre Doris, sur le site de l’Ina, ici.

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Rickroll

Expressions et mots venant de la chanson : les sources et les robinets 1/13
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On aborde un nouveau thème à partir d’aujourd’hui, mais avant de commencer, j’ai une communication importante. Je vous demande à tous de cliquer ici.

Alors, ça vous a plu ? C’était Never gonna give you up de Rick Astley. Et vous, vous avez victime d’un rickroll, une sorte de T’as-une-tache-pistache-2.0. D’après wikipedia :

Le rickroll est un phénomène internet qui s’est développé autour du clip vidéo de la chanson Never Gonna Give You Up, interprétée par le chanteur anglais Rick Astley. Il consiste à renvoyer un internaute vers le clip en question via un lien apparemment en rapport avec le texte qu’il consulte. On dit alors que l’internaute a été « rickrollé ».

Bref, un truc de geek, retournez donc voir la série sur les geeks dans la chanson. Et plus d’information sur les rickrolls ici. Regardez notamment le poisson d’avril des députés de la chambre des représentants de l’Oregon, qui ont glissé des morceaux des paroles de Never gonna give you up dans leurs interventions d’un 1er avril, afin d’en faire un montage, ici.

Le thème qui commence aujourd’hui, c’est donc les mots ou expressions (plus ou moins courants) qui viennent de la chanson. Par exemple le rickroll. Mais cet exemple n’est pas génial, je lance donc un grand concours : trouvez moi la plus belle expression, ou le plus beau mot de la langue française qui trouve son origine dans une chanson. On va mener une longue enquête sur ce sujet intrigant.

Je vous passe maintenant une chanson de Frank Michael. Vous ne connaissez peut-être pas ce chanteur de charme pour femmes d’un certain âge, qui vend des millions de disques et rassemble un public nombreux et fervent en dehors de tous les circuits médiatiques. Je vous propose Toutes les femmes sont belles. Et une devinette pour la prochaine fois : pourquoi une chanson de Frank Michael dans cette série ?

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Le p’tit rouquin du faubourg Saint-Martin

L’homosexualité en chanson 15/15
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Au début du XXè siècle, l’homosexualité est parfois un sujet de moquerie, déjà. Comme dans Titi Toto et Patata, par Ouvrard (sans doute Gaston, à moins que ça ne soit Éloi), enregistrée en 1935 (je ne sais pas de quand date la chanson). Je n’ai rien trouvé sur youtube, allez voir ici.

L’homosexualité est aussi une accusation portée à l’encontre des Boches dans Scandale teuton par Jean Péheu. Là encore, pas de vidéo youtube, il faut cliquer ici.

Enfin, dans la chanson réaliste, l’homme efféminé est un sujet bien interlope… Le p’tit rouquin du faubourg Saint-Martin de Fortugé.

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Ouvre

L’homosexualité en chanson 14/15
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On en a fini avec la période qui va de nos jours aux années 1950. Avant ça, la Seconde guerre mondiale et la Libération n’ont pas été propices à la chanson homosexuelle. Il faut remonter avant-guerre pour trouver des chansons intéressantes, durant la période des années folles. En 1922, un roman de Victor Margueritte popularise un type de femme émancipée et parfois bisexuelle ou lesbienne : La garçonne. En chanson, la meilleure incarnation de la garçonne est probablement Suzy Solidor, déjà vue ici dans le blog.

Je vous propose sa chanson Ouvre, chanson de femme adressée à une femme. On est en 1934.

Vous avez peut-être remarqué que la plupart des chansons de la série évoquent l’homosexualité entre hommes (c’est aujourd’hui la première chanson réellement lesbienne, avant, il n’y a eu que des évocations dans Pour ne pas vivre seul et Sans contrefaçon). Le biais de genre va se nicher partout… C’est promis, la balance sera rétablie avec une prochaine série sur les lesbiennes en chanson.

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Les grands de la chanson

L’homosexualité en chanson 13/15
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Aujourd’hui, on examine l’homosexualité chez les « grands » de la chanson française. Je n’ai rien trouvé chez Léo Ferré ou Barbara. Dans les chansons de Charles Trenet, qui était lui-même homosexuel, je n’ai rien trouvé non plus. Chez Brel, l’homosexualité est simplement un sujet de moquerie, comme dans la version de 1967 des Bonbons (voir ici).  Dans la Chanson de Jacky (déjà passée ici), Brel s’imagine vendant :

Du whisky de Clermont-Ferrand,
De vrais pédés, de fausses vierges.

Pour trouver un précurseur, il faut comme toujours chercher du côté de Brassens. Dans l’une de ses premières chansons, Le gorille, l’homosexualité est considérée comme une faute de goût (mais ni comme un crime ni quelque chose d’anormal ou ridicule). Elle n’est nullement efféminée d’ailleurs, tous les gorilles vous le diront.

Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l’amour vaut son prix
On sait qu’en revanche il ne brille
Ni par le goût, ni par l’esprit
Lors, au lieu d’opter pour la vieille
Comme l’aurait fait n’importe qui
Il saisit le juge à l’oreille
Et l’entraîna dans un maquis
Gare au gorille

Dans Les copains d’abord, il précise que les dits copains ne sont pas « des gens Sodome et Gomorrhe ». Dans Le moyenâgeux, il avoue :

J’eusse aimé le corps féminin,
Des nonnettes et des nonnains
Qui en ces jolis temps bénis
Ne disaient pas toujours nenni.

Mais « nonnain » n’est pas un masculin de nonne, c’est un nom féminin, qui désigne une nonne !

Évocation la plus intéressante selon moi : dix ans avant Comme ils disent d’Aznavour, Brassens aborde l’homosexualité sous un angle assez décomplexé, sans jugement et sans trop de caricature, dans Trompettes de la renommée, en 1962. Conformément à sa morale habituelle, Brassens ne juge pas (voir ici).

Sonneraient-elles plus fort, ces divines trompettes,
Si, comme tout un chacun, j’étais un peu tapette,
Si je me déhanchais comme une demoiselle
Et prenais tout à coup des allures de gazelle ?
Mais je ne sache pas qu’ça profite à ces drôles
De jouer le jeu d’ l’amour en inversant les rôles,
Ça confère à leur gloire une once de plus-value,
Le crime pédérastique, aujourd’hui, ne paie plus.

 

Notons que Brassens s’inclut dans le nombre des homosexuels (potentiels), ainsi que « tout un chacun », un peu comme dans La complainte des filles de joie avec les fils de pute (au sens propre du terme) : « Il s’en fallait de peu mon cher // que cette putain ne fût ta mère ». Vous pouvez aussi vous délecter de S’faire enculer, un texte paillard et politique que Brassens n’a jamais enregistré, mis en musique et chanté par Jean Bertola.

Si ça vous a plu, regardez ça.

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Il en est

L’homosexualité en chanson 12/15
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Dans les années 1950 et 1960, l’homosexualité reste donc cantonnée à la caricature. C’est le règne des expressions supposément utilisées par les homos et singeant des codes de sociétés secrètes, par exemple « il en est » (de la jaquette flottante ?). En 1968, On dit qu’il en est par Fernandel.

Je vous passe quelques vidéos du même tonneau. Extrait du film La cage aux folles, adaptation d’une pièce de théâtre de 1973 écrite par Jean Poiret, la merveilleuse scène des biscottes. La vision de l’homosexuel (joué par Michel Serrault) est certes stéréotypée et caricaturale, mais les stéréotypes « virils » en prennent aussi pour leur grade, si bien qu’on ne sait plus qui se moque de qui…

Une interview de Jean Poiret.

Ensuite, La guerre en dentelles, sketch un peu lourdingue de Roger Pierre et Jean-Marc Thibaut en 1956 (la vidéo est sans doute plus récente). La « guerre en dentelles », avant d’être un sketch désigne des guerres du XVIIIè siècle se déroulant selon un schéma très codifié, sous le commandement d’aristocrates qui portent justement de la dentelle.

Pour finir, vous pouvez aussi regarder sketchs des Deschiens qui recyclent quelques poncifs sur les garçons coiffeurs.

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Le rire du sergent

L’homosexualité en chanson 11/15
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On explore maintenant un répertoire plus ancien avec des chansons abordant l’homosexualité sous l’angle de la caricature. Entre les années 1950 et 1970, je n’ai en gros trouvé que ça. Tout d’abord un succès de Michel Sardou en 1971, Le rire du sergent. Chanson plus ambiguë qu’il n’y paraît, qui certes moque l’homosexualité du sous-officier, mais laisse planer le doute sur celle du « chanteur de variété ».

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Comme ils disent

L’homosexualité en chanson 10/15
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Notre plongée dans le passé de la chanson homosexuelle se poursuit. On reste en 1972, avec Charles Aznavour et Comme ils disent. C’est sans doute la plus grande chanson sur le sujet, une chanson courageuse à une époque où le mot homophobie n’existait pas (il apparaît en France en 1977) et où chaque chanteur n’avait pas à son répertoire une chanson-super-engagée sur le sujet…

Charles Aznavour raconte à la première personne la vie d’un travesti, dans sa veine mélo-dramatique habituelle, et lance cette réplique toute simple : « Nul n’a le droit de me juger de me blâmer ». Tout comme Dalida, Charles Aznavour cherche à expliquer pourquoi on est homosexuel, et pour lui c’est l’œuvre de la seule nature :

Et je précise
Que c’est bien la nature qui
Est seule responsable si
Je suis un homo
Comme ils disent

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