Êtes-vous sexiste-Beatles ou sexiste-Rolling Stones ?

Féminisme / sexisme 2/16

L’une des questions les plus rabâchées de la chanson, c’est bien sûr « êtes-vous Beatles ou Rolling Stones ?». D’accord, c’est une très bonne question. Mais êtes-vous sexiste-beatles ou sexiste-rolling-stones ?

Car les bad boys des Rolling Stones sont bien sûr super-sexistes, et l’une de leur chanson attire particulièrement les foudres des féministes : Under my thumb. Elle est inspirée de la relation entre Mick Jagger et Chrissie Shrimpton, qui est comparée à un animal domestique (« pet » en anglais), plus particulièrement un chat siamois (« siamese cat of a girl »).

La chanson a rencontré un immense succès, probablement grâce à son arrangement. L’ostinato joué au marimba par Brian Jones contraste avec le chant syncopé de Mick Jagger, ce qui confère une énergie toute spéciale et obsédante à ce morceau.

Le calamiteux festival d’Altamont, le 6 décembre 1969, est considéré comme la fin du mouvement hippie. Il est marqué par quatre décès, quatre naissances et plusieurs incidents qui culminent pendant la prestation des Rolling Stones. Pendant l’interprétation de Sympathie for Devil, plusieurs bagarres éclatent, et une femme nue essaye de monter sur scène (vers 5:00 sur la vidéo).

Mais c’est pendant Under my Thumb que le concert vire au tragique. Un spectateur est poignardé à quelques mètres de la scène par le service d’ordre constitué de Hell’s Angels. Voir l’histoire du festival d’Altamont, ici.

Les Beatles sont bien plus sages que ces affreux Rolling Stones, mais en écoutant leurs chansons, on trouve des éléments sexistes insidieux et disons petit-bourgeois. Par exemple ce passage dans Back in the U.S.S.R. :

Been away so long I early knew the place
Gee, it’s good to be back home
Leave it till tomorrow to unpack my case
Honey disconnect the phone

Il parait que c’est Paul McCartney qui joue de la batterie sur le morceau. Quand on lui demandait « Est-il exact que Ringo Starr est le meilleur batteur du monde ? », il répondait : « Ce n’est même pas le meilleur batteur des Beatles ». Ouh la … Je vole au secours de ce pauvre Ringo : de mon côté, je ne suis pas très fan des prestations vocales de Paul McCartney, il s’économise un peu trop à mon goût. Je vous propose une reprise de Back in the U.S.S.R. par Motörhead, là ça gueule comme il se doit.

1 – Les petites filles de Michèle Bernard
2 – Êtes-vous sexiste-Beatles ou sexiste-Rolling Stones ?
3 – Jane Birkin
4 – Marie Dubas nous fait mal
5 – Les rapeurs sont-ils jugés sexistes ?
6 – Léo Ferré est-il misogyne ?
7 – Jacques Brel est-il misogyne ?
8 – Georges Brassens est-il misogyne ?
9 – Gainsbourg est-il misogyne ?
10 – Les z’hommes
11 – Le monsieur du métro
12 – À part peut-être Renaud
13 – Anne Sylvestre
13bis – La faute à Ève
14 – Rimes féminines
15 – Ne vous mariez pas les filles
16 – Nettoyer, balayer

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Mozart, Ein musikalischer Spaß

La chanson, art majeur ou art mineur IV. Archéologie d’une question 7/16
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On fait une pause au milieu de notre enquête sous le capot de la poésie française, mais on garde le cap chronologique : on est à la fin du XVIIIè siècle. Vous voulez de l’art majeur ? En voilà. Du Mozart : si ce n’est pas majeur ça, allez vous abonner à un autre blog. Écoutez bien Ein musikalischer Spaß

 

Mozart à part, vous ne trouvez pas que c’est très mauvais ? En fait, cette œuvre est bel et bien composée par Mozart, mais il s’agit d’une parodie (Ein musikalischer Spaß veut dire Une plaisanterie musicale). Mozart y a glissé volontairement toutes les maladresses qu’il a pu imaginer, pour singer une sorte de compositeur incompétent, l’histoire est bien connue. Ce qui est amusant, ce que certaines « maladresses » inventées par Mozart devinrent plus tard des techniques autorisées, utilisées par Debussy ou Starvinsky par exemple, voir ici. Allez savoir ce qui est majeur ou mineur après ça…

Le métier de compositeur ne s’improvise donc pas. J’en ai moi-même fait la cuisante expérience, en tentant d’écrire un arrangement pour chorale d’Under my thumb des Rolling Stone. J’ai travaillé dur, à partir d’un arrangement pour piano, plusieurs heures chaque matin pendant quinze jours, fort de quelques notions de solfège, avec un petit clavier et une guitare. J’ai pondu une longue partition, et une chorale a accepté de chanter le machin. Comme c’est le seul que je n’ai jamais écrit, j’ai eu la chance d’entendre chanter mes œuvres complètes, et ça n’a pris que 5 minutes, le pied. J’ai trouvé ça pas mal à entendre, mais la chef de chœur m’a expliqué que ça avait été un enfer à monter : ça ne sonnait pas, la voix de soprano était trop aiguë, les phrases se terminaient mal, … Les chanteurs, tous bons musiciens, ont fait un peu à leur sauce. J’avais confié la partie de marimba de Brian Jones à l’alto, je n’ai pas osé lui adresser la parole pendant des semaines, la pauvre a dû endurer de longues séances de répétition à faire tourner en boucle « tu-tu-tu-tu-tu-tup », etc.

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Mai 68 Beatles ou Mai 68 Rolling Stone ?

Mai 68 V, Les nostalgiques de Mai 68, 1/11
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Nos cinq séries sur Mai 68 :
1 – Les cultures soixante-huitarde
2 – Mai 68 politique
3 – Les chansons de mai
4 – La chanson anti-soixante-huitarde
5 – Les nostalgiques de Mai 68

Voici notre dernière série consacrée à Mai 68 : Les nostalgiques de Mai 68, un tour d’horizon rapide et lacunaire des nombreuses chansons évoquant le souvenir de ce joli mois de mai. Je commence par deux chansons inspirées par les événements : Revolution des Beatles et Street fighting man des Rolling Stones.

Alors, êtes-vous plutôt Beatles ou plutôt Rolling Stone ? Voilà un débat bien soixante-huitard. Ceux qui suivent ce blog attentivement voient bien que moi je penche plutôt vers les Stones… mais si on s’en tient à ces deux chansons, je préfère celle des Beatles.

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Chat sensuel, érotique et paillard

Le chat 4/7
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Le chat est souple, caressant, sensuel, ce dont les chansons des billets précédents tirent habilement parti. Et rappelez-vous ce passage de Colombine, adaptation par Brassens d’un poème de Verlaine, déjà passée ici :

Une belle enfant
Méchante
Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
Des chattes
Gardent ses appas
Et disent : « À bas
Les pattes ! »

Dans Under my thumb des Rolling Stone, qu’on a passé dans la série sur le sexisme, Mick Jagger compare sa petite amie à « a siamese cat of a girl » (ici). Le chat serait donc une métaphore misogyne. À l’occasion, il peut pourtant se faire matou, et rouler des mécaniques à la manière d’O’Malley dans Les Aristochats ou du chat de Pow Wow. Mais allons au-delà de ces vagues évocations pour aborder franchement le chat dans la chanson érotique ou paillarde.

Gainsbourg repousse les limites en disant à sa petite amie Bambou : « j’aime assez tes miaou-miaou » dans Love on the beat.

 

Dans la chanson paillarde, on s’étonnera peut-être de voir le sexe de l’homme (et non celui de la femme) comparé à un chat… Si, si ça existe, j’ai déniché ça à la suite de laborieuses documentations destinées à épater mes lecteurs. Écoutez bien, les Frères Jacques chantent La foire à Charenton (aussi appelée La foire à Besançon ou Tape ta pine) et l’organe viril est comparé à un cochon tout à la fin de la chanson. Tout à fait prémonitoire, quelques décennies avant le hashtag « balance ton porc ».

Mais, dans ce répertoire populaire, les paroles ne sont pas vraiment fixées. Sur le site paroles.net, dans la même chanson, toujours dans le dernier couplet, il est comparé à un chien, voir ici.

Sur paillardes.com, c’est un accordéon, voir ici.

Mais sur paipai.free, c’est enfin un chat, voir ici ! Rhâââ, j’ai trouvé. La théorie du genre est enfin validée : un chat peut être masculin (comme organe de genre s’entend, ou comme genre d’organe si vous préférez).

Ce réactionnaire de Boby Lapointe rétablit le langage dans un ordre genré plus classique. Embrouille minet, chanson qui parle du chat « pas repu de si peu » d’une « fillette comblée de bonheur ».

Pour finir, un conseil pour la vie de couple : faites comme Jean-Pierre Marielle, appelez votre chérie « ma petite chatte », ça marche à tous les coups.

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La guerre du Vietnam

Mai 68 politique 1/8
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Nos cinq séries sur Mai 68 :
1 – Les cultures soixante-huitarde
2 – Mai 68 politique
3 – Les chansons de mai
4 – La chanson anti-soixante-huitarde
5 – Les nostalgiques de Mai 68

La première série sur Mai 68 insistait sur les grands courants sociaux à l’œuvre dans la France des années 1960. On aborde maintenant les chansons proprement politiques.

Mai 68 est né en partie de la contestation de la guerre du Vietnam. Hair, une comédie musicale américaine a traité ce sujet en racontant l’histoire de jeunes objecteurs de conscience. La version française a connu un grand succès, grâce notamment à la performance de Julien Clerc. Laissons entrer le soleil.

Je vous passe une autre version, à la fin du film Hair, tiré de la comédie musicale. Pour bien comprendre la vidéo : Claude Bukowski (celui qui arrive en voiture vers 0:45) s’est échappé pour quelques heures de son service militaire afin de voir sa petite amie. Son copain George Berger l’a clandestinement remplacé pour que son absence ne soit pas remarquée. Ce dernier n’a jamais été militaire, d’où son air perdu pendant tout le début de la vidéo. Or, en l’absence de Bukowski, tous les soldats de la base sont envoyés au Vietnam. Berger, qui a pourtant pris tous les risques pour déserter, se retrouve envoyé au combat, où il meurt.

Autre chanson restée associée dans les mémoires à la guerre du Viet Nam : Paint it black des Rolling Stones.

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Satisfaction

Les cultures soixante-huitardes 1/8
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Bienvenue sur le Jardin aux chansons qui bifurquent, le blog qui parle de chansons à travers des séries thématiques ! Vous pouvez voir tous les thèmes traités depuis le début ici. Au début de chaque billet, il y a des petits numéros (regardez, c’est trois lignes au dessus), qui permettent de naviguer dans le thème.

Si vous vous abonnez (lien en haut à droite), dès demain, vous pourrez commencer à chercher une énigme passionnante… Là, vous êtes au début du premier des cinq thèmes consacrés à Mai 68 en chanson :

1 – Les cultures soixante-huitarde
2 – Mai 68 politique
3 – Les chansons de mai
4 – La chanson anti-soixante-huitarde
5 – Les nostalgiques de Mai 68

On commence par un aspect paradoxal de Mai 68, maintes fois souligné : grande révolution collective et sociale et en même temps irruption de l’individualisme et de l’hédonisme dans le champ politique. Déjà les « en même temps »… Je vous passe Satisfaction, des Rolling Stones, classée 2e plus grande chanson de tous les temps par le magazine Rolling Stone !! Ça date de 1965.

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Uniformes

Le comique troupier 5/9
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On en a fini avec le cœur du genre troupier, on explore à partir d’aujourd’hui ses variantes et sa descendance jusqu’à nos jours. L’habitude de revêtir un uniforme pour chanter à peu près n’importe quoi a perduré assez tard. Ici, une vidéo de Henri Genes (on aperçoit Guy Lux au tout début de la vidéo), en 1965 (l’année ou les Rolling Stones sortaient Satisfaction, juste pour donner le contexte…). La caissière du grand café.

Puis l’uniforme a plus ou moins disparu de la chanson, mais a subsisté chez les comiques sous diverses formes. Par exemple, Guy Montagné a rangé au placard képi et épaulettes, pour trouver des vertus comiques au treillis viril du général Buzard, personnage inspiré de Marcel Bigeard, un des militaires les plus décorés de notre histoire, voir ici.

L’uniforme du légionnaire a aussi inspiré Karl Zéro et Albert Algoud dans les sketches de Pintimbert, qui comportent plein de chansons intéressantes.

Un petit dernier de Guy Montagné pour ceux qui n’ont vraiment rien de mieux à faire aujourd’hui…

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Cording, Bike et Sainclair : rockeurs

Les péchés originels du rock français 3/8
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On a vu dans le dernier post avec le ragtime que la France était parfaitement capable d’accommoder une musique étrangère. Le ragtime n’a pas pour autant marqué  la musique populaire française, on aurait pu prendre des exemples bien plus probants dans la chanson : Charles Trenet qui arrive même à faire swinguer Verlaine (voir ici), ou les Double Six avec le jazz (voir notre série sur le Vocalese, ici), ou même plus récemment le rap. Mais le rock, au départ, ça a donné ça.

Non mais quelle daube (et pour rappel, le rollmops, c’est du hareng roulé et mariné dans une sorte de saumure).  Qui chante ? Qui a écrit les paroles ? Et la musique ? Sûrement de pauvres nazes aujourd’hui bien oubliés. Effectivement, avez-vous entendu parler du chanteur Henry Cording, du compositeur Mig Bike, et du parolier Vernon Sinclair ?  Peut-être pas, mais sous ces trois pseudonymes se cachent respectivement Henri Salvador, Michel Legrand et Boris Vian ! Donc, c’est clair, ils se fichent de nous les vilains garnements, et ils n’osent même pas mettre leur vrai nom. Voilà le péché originel : le rock n’a pas été pris au sérieux. Il faut dire que dans ces années 1950, c’est pas génial le rock. Écoutons Rock Around The Clock de Bill Haley, l’un des tous premiers tubes de rock (regardez bien la vidéo, il y a même un accordéon derrière, et si vous voulez savoir ce que veut dire marquer les temps 2 et 4, regardez bien les petites filles qui tapent dans leurs mains).

 

C’est plein d’entrain, mais musicalement, après un demi-siècle de Ragtime, de Blues, de Swing, de Stride, de Be Bop, ça n’est vraiment pas une révolution. On dirait plutôt à une tentative de tirer le dernier jus commercial du jazz avant de passer à autre chose. Rien de très innovant. Pourquoi s’intéresser à cette mode passagère ? Surtout dans cette France qui a dominé la musique légère pendant des décennies avec les opérettes (par exemple Offenbach…), et dont les chanteurs populaires comme Maurice Chevalier ou Édith Piaf sont des stars planétaires dans ces années 1950.

Le rock de la fin des années 1950 c’est trois accords de blues, un rythme syncopé avec appui sur les temps 2 et 4, le tout chanté trop vite et trop fort pour de jeunes babyboomers à peine adolescents. Voilà, rien du tout. Évidemment, c’est sa vacuité même qui est pleine de promesses : c’est une page blanche, un cadre d’une surprenante plasticité où Bob Dylan allait pouvoir déverser de la poésie, les Beach Boys de la polyphonie, les Rolling Stones de la révolte, et les Beatles tout, et en particulier n’importe quoi. Etc. En 1960, il aurait fallu une sacrée boule de cristal pour deviner que le rock n’allait pas finir aux oubliettes, allongeant la litanie des musiques à danser et autres coups commerciaux sans lendemain : twist, jerk, smurf, tecktonik…

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Encore un peu de The Who

Quand le rythme devient envahissant 6/6
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Pour conclure cette série sur le rythme envahissant, on revient au point de départ de la série : The Who, et son batteur Keith Moon. Lorsque Mick Jagger s’est retrouvé en prison pour une sombre affaire de stupéfiants, quelques artistes publièrent pour le soutenir des reprises des Stones. The Who se fendit d’une version très spéciale d’Under My Thumb, chanson qu’on a déjà rencontrée dans ce blog dans notre série sur le féminisme et le sexisme, ici.
Alors que la version originale tient debout par le contraste entre l’ostinato entêtant du marimba de Brian Jones et le chant syncopé de Mick Jagger, la version de The Who sonne un peu amateur et se tient tout entière par la batterie littéralement hors de contrôle de ce cher Keith… On notera aussi le traitement très spécial des chœurs, une autre spécificité de The Who, dont on reparlera quand j’y aurai compris quelque chose. Tout ça donne un je ne sais quoi de frais et d’humoristique à cette version.

Pour comparer, l’original des Stones :

Cette série vous a plu ? On en reparle :
George Kollias, batteur virtuose

 

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