La langue française sent le fromage de chèvre

Peut-on chanter en français – 10

Saviez-vous qu’Yves Duteil, ce grand défenseur de la langue française, a écrit ses premières chansons en anglais ? Voilà ce qu’il disait au micro de Sylvain Augier, en octobre 1989, dans l’émission de France Inter, Qu’est-ce qui vous fait courir ?

Sylvain Augier : Vous avez composé à 16 ans une chanson en anglais […]

Yves Duteil : J’ai commencé en anglais parce que c’était la langue de la musique. Pour moi, à ce moment là. J’ai découvert après que je me trompais. Et curieusement, j’ai trouvé un échos de ça chez Félix Leclerc, qui a dit lui aussi, « j’ai aimé le français à travers l’image que j’ai eu d’un professeur d’anglais, qui aimait tellement sa langue et sa culture, que je l’ai vu vu pleurer un jour en écoutant des enfants chanter un cantique en anglais. Et je me suis dit, cet homme là, aime tellement sa langue, il lui rend service en lui communiquant sa passion. C’est à moi de faire la même chose avec la mienne.

Je vous passe le bel hommage d’Yves Duteil à La langue de chez nous.

Et puisqu’Yves Duteil cite Félix Leclerc, je vous en passe un peu. À propos de la langue française, en 1967 : allons au salon de quille pour la fin de semaine. Voir ici. Et puis une chanson. Félix Leclerc, Bozo.

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Le neveu du capitaine Dreyfus

Les Juifs et la chanson II – La chanson et le problème de l’éléphant 7/14

On a vu jusqu’ici quelques figures juives de la chanson, surtout d’avant guerre, sans chercher à définir, ou même à simplement décrire le judaïsme français. Sa complexité est peut-être l’une des raisons de sa discrétion dans les chansons, parce que les sujets trop compliqués, c’est mauvais pour le hit parade. Il y a très peu de chansons sur la trigonométrie ou la physique des particules par exemple. Dans les billets qui viennent, on va explorer les trois strates principales du judaïsme français, en chanson bien sûr.

La présence de juifs sur le territoire de la France remonte à l’empire romain, il y a environ 2000 ans, soit avant même que la France n’existe en tant que telle. Il y a eu plusieurs vagues d’expulsion des juifs au moyen-âge puis pendant les guerres de religion, à la suite desquelles il n’aurait pas dû rester de juifs en France. Au moment de la révolution française, il y avait toutefois quelques communautés :

– Les juifs de Bordeaux, parfois appelés Portugais car récemment immigrés du Portugal, ou encore « nouveaux chrétiens », car prétendument convertis. Pierre Mendès France était par exemple issu de cette communauté.

– Les juifs comtadins, ou juifs du pape, qui vivaient en Provence dans le comtat vénaissin, autour de Carpentras. Ce territoire faisait partie des États pontificaux, et n’a pas été concerné par certaines expulsions ordonnées par les rois de France. Ce sont les ancêtres d’Adolphe Crémieux ou de Bernard Lazare.

– Les plus nombreux, les juifs d’Alsace, dont la présence s’explique par un rattachement tardif à la France. Ce sont les ancêtres de Léon Blum ou du capitaine Dreyfus.

Ces communautés implantées depuis plusieurs siècles, ce sont les juifs français « de souche », ceux qui aujourd’hui n’ont pas d’immigrés parmi leurs proches ancêtres. Des juifs français dont les ancêtres sont des juifs gaulois en quelque sorte, qu’on appelait autrefois israélites. On a déjà rencontré Pierre Dac et Emmanuel Berl dans les billets précédents. Comme chanteur, je vous propose aujourd’hui Yves Duteil. Il est le petit neveu du capitaine Alfred Dreyfus. Il en parle au micro de Sylvie Nicolet sur Radio Bleue, dans l’émission À mots découverts en octobre 1997.

SN : On vous a entendu vous exprimer dans diverses interviews. Parfois pour râler, pour dire je ne suis pas celui que vous croyez. Mais ça, jamais vous ne l’aviez dit.

YD : Non. C’est vrai. Parce que c’était un réflexe chez moi. Un réflexe de rétention. Y avait un grand signe « attention danger », ne pas dire. Et c’était devenu une seconde nature.

SN : Mais ne pas dire pourquoi ?

YD : Justement, sans très bien savoir pourquoi. Parce que je crois que dans les familles où des choses comme celles-là sont pas trop révélées, vous êtes élevés dans une sorte de culture de discrétion. Et moi, mes parents m’ont toujours élevé dans ce silence-là. Et je ne peux pas dire que c’était un secret, tout le monde le savait dans la famille, on en parlait beaucoup. Mais jamais longtemps.

SN : Mais on en avait honte ?

YD : Oh, non, au contraire. Moi je me suis rendu compte que j’en étais très fier. Mais c’était une sorte d’absence. C’était un sujet qu’on n’évoquait pas, je me suis souvent demandé pourquoi. Et je crois avoir compris que c’était parce qu’il était douloureux, simplement. Et de la même manière que les gens qui ont traversé la guerre se réveillent la nuit en hurlant, mais n’en parlent jamais, il y a quelque chose au fond de leurs yeux qui est cassé, mais ils n’en parlent pas. Et bien chez nous, c’était ça. C’était une affaire tellement douloureuse, mes parents évitaient d’en parler.

Yves Duteil, Dreyfus.

1 – Gypsies rock’n roll band
2 – Isaac Gorni, le troubadour juif
3 – Jacques Offenbach
4 – Norbert Glanzberg
5 – Mireille
6 – La complainte des nazis
7 – Le neveu du capitaine Dreyfus
8 – Chanson d’Exil
9 – Des moyens légaux
9bis – Serre les poings
10 – Yellow star
11 – Juif espagnol
12 – Juif errant et pâtre grec
13 – Les juifs de Stéphane Golmann
14 – Les comedian harmonists

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Regard impressioniste

La chanson, art majeur ou art mineur VIII. Chanson et peinture 10/17

Aujourd’hui, Regard impressionniste d’Yves Duteil.

1 – Pourquoy n’aura mon langage, son or et ses douces fleurs ?
2 – Être Dieu
3 – Brel à Gauguin
4 – Goya et la chanson
4bis – Goya bis
5 – La peinture en bâtiment est-elle un art majeur ?
6 – Figure mythique du peintre
7 – Van Gogh, peintre par excellence de la chanson
8 – Autres personnages de peintres
9 – Les arbres de Corot
10 – Regard impressioniste
11 – La Joconde
12 – Nicolas Schöffer
13 – Ekphrasis
14 – Serge Rezvani
15 – Nino Ferrer
16 – Mick Micheyl
17 – Serge Gainsbourg

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La chenille prend un Sambre-et-Meuse par la main

Plagiats en chanson 5/9
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En plagiant le chapitre « plagiat » de L’anthologie des bourdes et autres curiosité de la chanson française (ouvrage recommandé)  je découvre que la mélodie de Prendre un enfant par la main d’Yves Duteil serait un plagiat. Bigre. Écoutons.

Les premières notes seraient les mêmes que celles d’un pilier inoxydable de la Civilisation, La chenille, de la Bande à Basile. La mélodie commence plus ou moins pareil, excellent début pour mettre une troupe en mouvement.

Mouais, il y effectivement une similarité au début de la mélodie, mais de là à parler de plagiat… Toujours est-il que cette chenille ne serait elle-même qu’un plagiat d’un autre chant de marche pour troupe. J’avais remarqué ça tout seul quand j’ai passé Sambre et Meuse il y a quelque temps, ce grand standard de la musique militaire française. Là encore, il y a les même premières notes… Je vous le repasse.  Par André Dassary, plus connu pour être le créateur de Maréchal nous voilà, qui est aussi un plagiat, mais on en reparle l’année prochaine.

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