Aujourd’hui Juliette Noureddine nous chante Rimes féminines.
J’ai eu la chance d’assister à une master class donnée par Juliette. Elle expliquait la galère de Rimes féminines, qu’elle en a ras-le-bol de la chanter et qu’on la lui demande encore et encore… Grâce à youtube, on peut l’écouter sans l’embêter.
Aujourd’hui on écoute quelques chansons féministes d’Anne Sylvestre. Profondeur historique rare en chanson et belle écriture : ce sont sans doute les meilleures chansons féministes.
Je vous propose aujourd’hui Miss Maggie de Renaud, qui détaille toutes les horreurs commises par les hommes et pas par les femmes (à part Mme Thatcher bien sûr).
À la fin de la vidéo, Renaud nous dit : « D’une femme au pouvoir on attend peut-être une attitude plus humaine que d’un homme […] donc je l’aime pas, et puis en plus elle est moche ».
Au bout du compte, Renaud en veut à Thatcher parce qu’elle est une femme (moche).
Bonus du jour, la fin de Rien pour vos yeux, un James Bond de l’époque Roger Moore. Miss Maggie fait le ménage, empoisonne la vie de monsieur et drague le beau James pendant qu’il se tape la James-Bond-Girl. Merci à lui d’avoir sauver l’Angleterre et la civilisation.
Plongeons-nous dans les délices de l’anachronisme. Quelques décennies avant balance ton porc et la dénonciation des frotteurs, Marie-Josée Neuville nous chante Le monsieur du métro.
Allez, une autre pour la route, Par derrière ou par devant.
On a parlé de Jane Birkin il y a quelques billets, mais qu’en est-il de son mentor Serge Gainsbourg ? Pour instruire son procès en misogynie il y a une difficulté. Son personnage est embrouillé par toutes ses ambiguïtés et provocations. Exemple avec Sois belle et tais-toi. Est-ce une injonction ou la critique de cette injonction ?
Autre exemple, Les femmes ça fait pédé, qui renvoie dos-à-dos des poncifs sur femmes et pédés, manière amusante de montrer leur inanité… tout en les exposant par le menu. Par Régine.
Je vous propose aussi Ronsard 58, chanson revancharde d’homme laid (thème très gainsbourien). Sur le plateau de l’émission Apostrophe. Notez que Guy Béart n’applaudit pas à la fin. La prestation est musicalement assez nulle soit dit en passant.
Bienvenu sur le blog Le jardin aux chansons qui bifurquent : le blog qui explore la chanson à travers des séries thématiques ! Jacques Brel et Léo Ferré étaient d’authentiques misogynes, il n’y a aucun doute là-dessus. Pour Georges Brassens, la question est autrement plus complexe. Je vous propose un florilège de ses chansons les plus féministes et les plus misogynes.
Quand Brassens raconte l’histoire d’une blonde, il l’appelle Bécassine, mauvais point de départ. Mais la chanson est plutôt féministe.
Dans La complainte des filles de joie, il parle des putains sans misérabilisme ni complaisance, c’est plutôt rare en chanson, voir la série du blog sur la prostitution en chanson, ici.
Une difficulté de notre question, c’est l’anachronisme. On juge un chanteur né il y a presque un siècle sur des critères actuels, on tombe vite dans les débats stériles du type « Tintin est-il raciste ? ». Brassens est original de ce point de vue : homme du passé profond, ou même de sa réinvention, qui chante les dieux grecs, le moyen-âge, le cocu, la bergère ou le curé du village… mais qui chante aussi des chansons qui semblent en avance sur leur temps, comme Les croquants, qu’on appellerait aujourd’hui une chanson sur le « consentement » (tout comme Bécassine d’ailleurs).
Passons aux chansons misogynes. Tout d’abord, Misogynie à part. Le mot est dans le titre, c’est assez rare. Elle l’emmerde, on a compris.
Dans Une jolie fleur, il explique qu’en amour, on ne demande pas aux filles d’avoir inventé la poudre. Peut-être, mais aux hommes non plus en fait.
Une petite dernière, Les casseuses. Prenez garde au placement rythmique des paroles, c’est assez curieux et original.
Bon voilà, trois chansons partout, match nul. Pour faire avancer le débat à charge, on peut noter que tous les personnages féminins des chansons de Brassens sont toujours là pour dispenser de l’amour d’une manière ou d’une autre (comme mère, épouse, amante, putains, etc), il n’y a presque aucune exception (je mets le « presque » par pure précaution, je n’ai pas d’exception en tête… allez, peut-être les marchandes d’oignons du marché de Brive-La-Gaillarde). Alors que ses personnages masculins ont des rôles plus variés. Mais on peut probablement dire ça de toutes les chansons de son époque, voire même de celles d’aujourd’hui. Je note cependant que dans ses chansons féministes, Brassens recourt un peu plus à la généralisation que dans ses chansons machistes. L’existence même de chansons féministes est significative : quel chanteur de sa génération a chanté des chansons féministes ? Ma conclusion : ce bon Georges n’est pas du tout misogyne !
À ceux et celles qui voudraient malgré tout lui intenter un procès et obtenir que ses chansons soit à nouveau censurées, je vous donne une combine (mais je demande un pourcentage des dommages et intérêts) : donnez quelques échantillons de ce qu’on appellerait aujourd’hui la « culture du viol ». Dans La chasse aux papillons :
Sur sa bouche en feu qui criait: « sois sage » Il posa sa bouche en guis’ de bâillon Et c’fut l’plus charmant des remue-ménage Qu’on ait vu d’mémoire de papillons
Dans Le moyenâgeux :
Après une franche repue J’eusse aimé, toute honte bue Aller courir le cotillon Sur les pas de François Villon
Troussant la gueuse et la forçant Au cimetière des Innocents Mes amours de ce siècle-ci N’en aient aucune jalousie
Dans Je suis un voyou :
C’était une fille sage À bouche, que veux-tu J’ai croqué dans son corsage Les fruits défendus Elle m’a dit d’un ton sévère Qu’est-ce que tu fais là Mais elle m’a laissé faire Les filles, c’est comme ça
Puis, j’ai déchiré sa robe Sans l’avoir voulu Le bon Dieu me le pardonne Je n’y tenais plus
Jacques Brel est bien connu pour son « problème » avec les femmes, problème plus facile à mesurer (il est très gros) qu’à définir. Il avait toutes sortes de théories sur « l’homme » et « la femme », exposées très clairement dans la vidéo à suivre.
Une autre interview, avec Denise Glaser.
Dans ses chansons, Brel nous livre parfois de véritables exposés de doctrine misogyne. Les filles et les chiens.
Autre exemple dans son album testament, Les Marquises, sa chanson La ville s’endormait :
Mais les femmes toujours Ne ressemblent qu’aux femmes Et d’entre elles les connes Ne ressemblent qu’aux connes Et je ne suis pas bien sûr Comme chante un certain Qu’elles soient l’avenir de l’homme
Dans ce contexte globalement misogyne, on peut pour la défense de Brel noter son rapport original au sexe. Il en fait beaucoup moins mention que bien d’autres chanteurs comme Brassens, Gainsbourg ou Ferré, et presque jamais selon les modalités classiques : on ne retrouve ni le paillard, ni le graveleux, ni même la simple célébration du plaisir (en particulier du plaisir de l’homme). Brel qui avait une écriture pourtant très originale (une série sur son usage de la métonymie est en préparation) utilise souvent des métaphores assez banales quand il se situe à la frontière de l’amour et de la sensualité (« On a vu souvent rejaillir le feu / De l’ancien volcan qu’on croyait trop vieux » dans Ne me quitte pas, « Les garçons dans leurs rêves / Les filles dans leurs frissons » dans Les bergers, etc).
Lorsqu’il parle de sexe plus explicitement, c’est avec un point de vue qui détonne un peu. Dans Grand-mère, il évoque des amours lesbiennes (« grand-mère se tape la bonne »). Dans Le gaz, chanson un peu énigmatique, une sorte de maison close est évoquée, mais sans détails explicites. Dans Jef, Knokke-le-Zoute tango et Au suivant (sa seule chanson sur un sujet principalement sexuel), le point de vue est celui d’un homme faible, ou ridicule, ou moqué, et qui ne tire ni gloire ni plaisir de ses ébats effectifs ou projetés. Dans Parfaitement à jeun, une relation adultère ridiculise le narrateur, qui à son tour envisage de cocufier (« gnougnougnafer la femme d’André ») son chef par vengeance.
Une chanson intéressante : Les jardins du casino. Là encore le sexe est plutôt envisagé sous l’angle du sarcasme, mais cette fois, c’est la sexualité féminine :
Où glandouillent en papotant De vieilles vieilles qui ont la gratouille Et de moins vieilles qui ont la chatouille Et des messieurs qui ont le temps
Plus loin dans la chanson, on voit que la question est avant tout envisagé d’un point de vue social ou simplement reproductif :
Les jeunes filles rentrent aux tanières Sans ce jeune homme ou sans ce veuf Qui devait leur offrir la litière Où elles auraient pondu leur œuf
Dans La Chanson des vieux amants, le sexe n’est explicité que pour la femme, et du point de vue de son plaisir :
Bien sûr tu pris quelques amants Il fallait bien passer le temps Il faut bien que le corps exulte.
La seule mention un tant soit peu érotique que j’ai pu trouvé dans une chanson de Brel, c’est dans J’arrive :
J’arrive, j’arrive Mais qu’est-ce que j’aurais bien aimé Encore une fois remplir d’étoiles Un corps qui tremble et tomber mort Brûlé d’amour, le cœur en cendres
Là encore, Brel évoque le sexe du point de vue du plaisir de sa partenaire, manière bien peu machiste d’envisager la question. À l’heure où les débats féministes portent beaucoup sur la drague lourde, le harcèlement voire le viol, un regard sur Brel à travers ce seul prisme donnerait plutôt l’image d’un chanteur féministe …