La chanson, art majeur ou art mineur IV. Archéologie d’une question 14/16
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André Gide m’a beaucoup aidé à préparer cette série, autant avec son Anthologie de la Poésie française (et sa merveilleuse préface) qu’avec le chapitre VI de Attendu que… On y lit :
Aussi bien le seul genre lyrique vraiment populaire, c’est la chanson, la chanson chantée. Ne faites pas fi des chansons ! Celles de Béranger, il est vrai, sont aptères et le plus souvent d’une bassesse qui nous offense lorsque l’on songe que l’on y voulut reconnaître naguère la voix du peuple de France. Ô honte ! c’est en raison de sa vulgarité qu’il put passer pour « national ». Mais nombre de nos vieilles chansons, parmi les anonymes surtout, sont exquises; ce sont celles où se reconnait la France, à la fois prudente et hardie, fervente, souvent grave mais plus volontiers souriante, vite moqueuse et doucement ironique jusque dans sa tendresse. C’est vers la chanson que tendait Apollinaire, que tend parfois Aragon aujourd’hui. N’empêche que la vraie poésie a toujours, du moins jusqu’à aujourd’hui, été l’expression d’individualités particulières et s’adressant non à la masse, mais à des êtres particuliers. Ce n’est qu’à force de banalité que la popularité s’obtient. Ajoutons vite : en littérature.
Notez que ce texte a été écrit en 1941, avant la grande vogue des mises en chanson d’Aragon, belle prophétie donc. Et ceux qui ont dédaigné les funérailles nationales d’Aznavour et Hallyday trouveront quelque consolation à ces mots prophétiques eux aussi : « c’est en raison de sa vulgarité qu’il put passer pour « national » » .
Louisa Bey, Le Pont Mirabeau, de Guillaume Apollinaire.
Sur les différentes mises en musique du Pont Mirabeau, voir le billet de Crapauds et Rossignols, ici.