L’escalier vers la parodie

Parodies 2/6
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Facile de se moquer de ce pauvre Cloclo (voir le post précédent) :  voix de canard, chorégraphies et placement rythmique par lesquels on s’aperçoit que oui, il avait bien un marteau, et bien sûr des paroliers qui n’ont lu que la quatrième de couverture du dictionnaire de rimes. Il a quand même chanté quelques chansons dignes d’intérêt. D’ailleurs, qui en France s’est essayé au perfectionnisme de la Motown ? Et s’il est acquis que Trenet a su intégrer le jazz à la chanson française, qui s’est acoquiné au compositeur Jean-Pierre Bourtayre pour y intégrer le disco ? Aller Cloclo, on reparlera de toi un jour ou le thème n’est pas « parodie ».

Il est plus compliqué de s’attaquer à un monument du rock comme Led Zeppelin et au célèbre Stairway to Heaven. Mais Frank Zappa n’a pas son pareil pour désosser un tube : bruitages ridicules, rythmique appuyée, diction qui met en valeur les paroles (ce qui rend rarement service à ce type de chanson), etc. Vous noterez le fameux solo de guitare, scrupuleusement pris en charge par une fanfare de cuivres (vers 6:25 minutes sur la 2è vidéo), ce qui le réduit à une broderie de notes arbitraires. Et l’accord final qui sonne avec un peu trop de grandiloquence. Ceci est dû à une magnifique tierce picarde, un procédé fréquent à l’époque de la Renaissance ou du Baroque, consistant à jouer un accord majeur là ou l’on attendrait plutôt un accord mineur pour conclure un morceau. Alors, hommage, recréation, ou mise en pièce ? Le débat fait rage sur les commentaires des vidéos sur youtube.

Une version au son un peu moins crado, mais sans l’image :

https://www.youtube.com/watch?v=bCZT-PYo7XY

Pour entendre la tierce picarde plus en détails, munissez vous d’un piano, et passez Stairway to Heaven. À la fin de la chanson, frappez en même temps La-Do-Mi sur le piano : ça sonne très bien, la chanson est en La mineur, et La-Do-Mi c’est justement un accord de « la mineur », l’accord (mineur) fondamental de la tonalité (mineure donc, je me tue à le répéter). Puis à la place, frappez La – Do diése – Mi : ça sonne un peu véhément comme sur la vidéo de Zappa, l’accord est majeur, le do dièse est la fameuse tierce picarde.

Et puis l’original de Led Zeppelin.

https://www.youtube.com/watch?v=9Q7Vr3yQYWQ

 

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Cloclo parodié

Parodies 1/6
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Dans les prochains jours, on va se distraire avec quelques parodies. On commence par Ça s’en va et ça revient, de Claude François, parodié par François Morel et Philippe Duquesne (qu’on a déjà vu parodier Gainsbourg dans ce blog, ici).

https://www.youtube.com/watch?v=fcFhLBZjJvk

 

La troupe des Deschiens (à qui on doit les parodies de ce post) avait semble-t-il un problème avec ce pauvre Cloclo. Elle a même lancé une parodie de concours d’imitations parodiques : le 3615 Cloclo, un véritable acharnement anti-cloclo !

Le téléphone pleure, par le gars Bruno Lochet.

https://www.youtube.com/watch?v=me3wPjX1OoI

 

Toi et moi contre le monde entier par Atmen Kelif (qu’a pas le physique).

https://www.youtube.com/watch?v=AUPE2y9C1YI

 

Où l’on apprend que Claude François a été pillé par Charles Trenet. C’est la même chanson, par Philippe Duquesne.

https://www.youtube.com/watch?v=4HyBE5ascJQ

 

Comme d’habitude, avec une vraie voix lyrique pour une fois (non identifiée). C’est qu’à l’opéra, y’a pas un chanteur connu.

https://www.youtube.com/watch?v=txx_oOb8h0w

Et n’oubliez pas, tapotez, tapotez !

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Une petite cantate

L’énigme LdV 4/6
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On cherche toujours le lien secret unissant les chansons de la série. Ceux qui auraient déjà trouvé peuvent chercher pourquoi l’énigme s’appelle LdV (pas simple). Après Trenet, Brassens chanté par Jaroussky et les Jackson 5, je vous propose Une Petite Cantate, de Barbara. D’ailleurs, j’aurais pu vous proposer La Petite Fugue de Maxime Le Forestier à la place de la Petite Cantate, mais on l’a déjà vue dans le blog dans la série sur Bach, ici.  Ne connaîtriez-vous pas une Petite Symphonie, un Petit Concerto, ou un Petit Opéra pour la prochaine fois ?

https://www.youtube.com/watch?v=CdaNVWu5zKg

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Il aime le music-hall

L’énigme LdV 1/6
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Sur Le Jardin aux Chansons qui Bifurquent, on aime bien les énigmes. La dernière que je vous ai proposée (ici) était presque impossible à démêler, et je n’ai même pas félicité Arnaud, internaute de l’Arbresle, qui a quand même réussi à trouver la solution ! Pour me rattraper, une petite énigme un peu mieux conçue. Encore une fois, il faut trouver le lien secret qui relie toutes les chansons de la série.

Pour commencer, Moi, j´aime le music-hall, de Charles Trenet qui nous fait réviser tout un siècle de chansons : de Félix Mayol (un peu oublié, créateur de rengaines qu’on connait tous plus ou moins, comme Viens, Poupoule !) à un certain Charles Trenet (qui nous révèle ses talents d’imitateur, écoutez comment il dit « Maurice Chevalier » avec la voix de Maurice Chevalier !). Bon, trêve de blabla, je vais finir par donner la réponse à l’énigme…

https://www.youtube.com/watch?v=iv4ooZ-jjhY

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Cording, Bike et Sainclair : rockeurs

Les péchés originels du rock français 3/8
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On a vu dans le dernier post avec le ragtime que la France était parfaitement capable d’accommoder une musique étrangère. Le ragtime n’a pas pour autant marqué  la musique populaire française, on aurait pu prendre des exemples bien plus probants dans la chanson : Charles Trenet qui arrive même à faire swinguer Verlaine (voir ici), ou les Double Six avec le jazz (voir notre série sur le Vocalese, ici), ou même plus récemment le rap. Mais le rock, au départ, ça a donné ça.

https://www.youtube.com/watch?v=OWzYXt4h798

Non mais quelle daube (et pour rappel, le rollmops, c’est du hareng roulé et mariné dans une sorte de saumure).  Qui chante ? Qui a écrit les paroles ? Et la musique ? Sûrement de pauvres nazes aujourd’hui bien oubliés. Effectivement, avez-vous entendu parler du chanteur Henry Cording, du compositeur Mig Bike, et du parolier Vernon Sinclair ?  Peut-être pas, mais sous ces trois pseudonymes se cachent respectivement Henri Salvador, Michel Legrand et Boris Vian ! Donc, c’est clair, ils se fichent de nous les vilains garnements, et ils n’osent même pas mettre leur vrai nom. Voilà le péché originel : le rock n’a pas été pris au sérieux. Il faut dire que dans ces années 1950, c’est pas génial le rock. Écoutons Rock Around The Clock de Bill Haley, l’un des tous premiers tubes de rock (regardez bien la vidéo, il y a même un accordéon derrière, et si vous voulez savoir ce que veut dire marquer les temps 2 et 4, regardez bien les petites filles qui tapent dans leurs mains).

 

C’est plein d’entrain, mais musicalement, après un demi-siècle de Ragtime, de Blues, de Swing, de Stride, de Be Bop, ça n’est vraiment pas une révolution. On dirait plutôt à une tentative de tirer le dernier jus commercial du jazz avant de passer à autre chose. Rien de très innovant. Pourquoi s’intéresser à cette mode passagère ? Surtout dans cette France qui a dominé la musique légère pendant des décennies avec les opérettes (par exemple Offenbach…), et dont les chanteurs populaires comme Maurice Chevalier ou Édith Piaf sont des stars planétaires dans ces années 1950.

Le rock de la fin des années 1950 c’est trois accords de blues, un rythme syncopé avec appui sur les temps 2 et 4, le tout chanté trop vite et trop fort pour de jeunes babyboomers à peine adolescents. Voilà, rien du tout. Évidemment, c’est sa vacuité même qui est pleine de promesses : c’est une page blanche, un cadre d’une surprenante plasticité où Bob Dylan allait pouvoir déverser de la poésie, les Beach Boys de la polyphonie, les Rolling Stones de la révolte, et les Beatles tout, et en particulier n’importe quoi. Etc. En 1960, il aurait fallu une sacrée boule de cristal pour deviner que le rock n’allait pas finir aux oubliettes, allongeant la litanie des musiques à danser et autres coups commerciaux sans lendemain : twist, jerk, smurf, tecktonik…

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Chanson d’automne

L’affaire Verlaine 4/9
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En ce 1er octobre, un post de saison, La Chanson d’Automne de Verlaine, mise en musique par Charles Trenet, sous le titre Verlaine, qui n’hésite pas à un peu tordre le texte (« blesse mon cœur » devient « berce mon cœur » par exemple). Et ceux pour qui les paroles de Gainsbourg dans le post précédent étaient mystérieuses (« Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais … ») trouveront là quelques éclaircissements.

Avant d’écouter, on continue notre enquête sur la présence de Verlaine dans la chanson, sous le haut patronage de Jorge Luis Borges, parrain de ce blog (à son corps défendant : j’ai emprunté le nom du blog à l’une de ses nouvelles, Le jardin aux sentiers qui bifurquent).  Borges appréciait beaucoup Verlaine. Exemple, dans un entretien avec Jacques Chancel, Radioscopie, décembre 1979 :
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Si je pense à la France, je pense aussitôt à la Chanson de Roland, à Voltaire, à Taine… En poésie, à Hugo, mais surtout à Verlaine. Voilà un poète que je ne placerais évidemment pas au-dessus de Virgile, mais vous serez d’accord avec moi qu’en vertu de son incomparable innocence,  il domine de loin toute la poésie française. J’ai par exemple la certitude qu’il écrivait d’un seul jet. Impression unique et tout à fait opposée à celle que me laisse Baudelaire, dont les textes « sentent le brouillon », nombreux et préalables. De Verlaine, on peut imaginer que tout lui est venu ou lui a été donné à son insu, qu’il écrivait en pensant à autre chose. Il y a comme une inconscience, une force de la nature, dans sa poésie. En tout cas, pas de « métier ».

J. L. Borges
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Docteurs, savants et professeurs

Les scientifiques dans la chanson 2/12
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Pour continuer notre série sur la science, on passe à Charles Trenet, que Brassens admirait tant. Dans Le soleil a rendez-vous avec la lune, il donne la parole successivement à des scientifiques (« docteurs, savants et professeurs ») et à des « philosophes ». On notera qu’aux philosophes, Trenet donne une leçon, comme si chacun y était fondé, tandis que des scientifiques, il en reçoit une. Je vous laisse découvrir l’interprétation de Trenet, qui véhicule quelques poncifs un peu datés sur les scientifiques, sortes de personnages de Jules Verne desséchés et réduits à leur propre mécanique…

 



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Trenet en flagrant déli de racisme anti-chinois

Incroyable mais vrai – 6/6
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La dernier mariage, c’est donc pour Charles Trenet, avec une chanson qui demande effectivement que les chinois rentrent chez eux… Exemple surprenant de chanson raciste au premier degré.

Le chinois. Introuvable sur youtube, essayez ce lien vers MusicMe, ou sur votre site préféré de streaming.

Le chinois sur MusicMe

Cette série vous a plu ? On en reparle ici :
Incroyable mais faux

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Lorsque Carlos paraît

Incroyable mais vrai – 4/6
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Restent en lice :

Les chanteurs (par ordre alphabétique) :
– Didier Bourdon
– Carlos
– Charles Trenet

Les chansons (par ordre de longueur du résumé) :
– Une chanson ouvertement antisémite
– Une chanson qui demande que tous les immigrés chinois rentrent dans leur pays
– Une chanson pour enfants qui fait (presque) explicitement la promotion du tourisme sexuel

Réglons le cas du tourisme sexuel. Comme c’est une chanson pour enfants, vous étiez nombreux à soupçonner Carlos, de son vrai nom Yvan-Chrysostome Dolto, fils de la célèbre psychanalyste Françoise Dolto. Luc, internaute de Villeurbanne, propose sur mon compte facebook Tout nu et tout bronzé.  Mais comme suggéré par Éric dans un commentaire, Le tirelipimpon est quand-même plus gratiné. Éric signale aussi que plusieurs chansons traditionnelles pour enfants ont, à l’instar des contes, des double-sens sexuels cachés, comme par exemple J’ai descendu dans mon jardin, plus connue pour son refrain « gentil coquelicot … », ou Il court, il court le furet. D’après wikipedia ce point est toutefois controversé, allez voir ici pour vous faire votre opinion.

Mais tout ça est de la petite bière à côté de Carlos ! Écoutez bien les paroles hallucinantes du Tirelipimpon, le passage le moins pire étant probablement « Touche mes castagnettes, moi je toucherai tes ananas »!

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Sardou, ce léniniste

Incroyable mais vrai – 3/6
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Merci à GA, internaute des États-Unis d’Amérique, pour ses commentaires sur le post d’hier. Effectivement, les paroles de Redemption song ne sont probablement pas une défense de l’industrie nucléaire comme le très bref extrait que j’ai fourni peut le laisser croire. « Incroyable mais vrai » doit donc s’entendre comme « très-très-incroyable, et à peu-près-plus-ou-moins-vrai ».  Les solutions suivantes seront peut-être plus convaincantes. Il nous reste à marier :

Les chanteurs (par ordre alphabétique) :
– Didier Bourdon
– Carlos
– Michel Sardou
– Charles Trenet

Les chansons (par ordre de longueur du résumé) :
– Une chanson qui défend Lénine
– Une chanson ouvertement antisémite
– Une chanson qui demande que tous les immigrés chinois rentrent dans leur pays
– Une chanson pour enfants qui fait (presque) explicitement la promotion du tourisme sexuel

Michel Sardou, chanteur engagé de droite, a défendu Lénine (mais pas le Léninisme). Le cas est assez connu, il a fait couler un peu d’encre et surtout vendre beaucoup de disques au début des années 1980.  Aux paroles de la chanson, le génie graphomane Pierre Delanoë qui a paraît-il écrit plus de 5000 chansons, parmi lesquels beaucoup de tubes. Écoutez radio Nostalgie pendant une heure, vous êtes certain d’entendre du Delanoë. On reparlera de Sardou et Delanoë plus tard. La musique est de Jacques Revaux et Jean-Pierre Bourtayre. La chanson, c’est Vladimir Ilitch.

 

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