Le poète s’est absinthé

L’affaire Verlaine 9bis/9
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Un petit message de Pierre Delorme sur facebook nous signale deux chansons citant Verlaine, très belles toutes les deux, merci.  Et dans un commentaire de M-the nous en signale une troisième (très bien aussi, et assez connue) ! Verlaine est un terreau bien fertile.

D’abord À Saint-Germain-des-Prés de Léo Ferré. La chanson cite plusieurs poètes, mais Verlaine a bien sûr la place d’honneur.

 

Et puis Pauvre Lelian, (anagramme de Paul Verlaine !), d’Allain Leprest, sur une musique de Romain Didier. La vidéo montre plusieurs portraits de Verlaine, à voir.

 

Enfin, Ma môme de Jean Ferrat.

 

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Pauvre Verlaine

L’affaire Verlaine 9/9
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Voici le dernier post sur Verlaine. Si l’amateur citera volontiers Aragon ou Prévert comme plus chansonnier des poètes, il semble que les paroliers citent Verlaine là où ils s’expriment le mieux : dans leurs chansons. On a beaucoup invoqué sa poésie pour expliquer ce phénomène.  Bien sûr sa vie de poète maudit joue aussi un rôle dans toute cette histoire. Pauvre Verlaine de Salvatore Adamo.  Au revoir Verlaine, « tu ne vis plus que dans l’écho de la brise… »

 

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Étrange et pénétrant

L’affaire Verlaine 8/9
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On arrive très bientôt au bout de cette série sur Verlaine. Une dernière belle mise en musique d’une des ses poésies les plus célèbres, Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant, par Julos Beaucarne.

 

Jusque là je ne vous ai mis que des poésies un peu didactiques de Verlaine. En voici une plus légère.

La lune blanche
Luit dans les bois ;
De chaque branche
Part une voix
Sous la ramée …

Ô bien-aimée.

L’étang reflète,
Profond miroir,
La silhouette
Du saule noir
Où le vent pleure …

Rêvons, c’est l’heure.

Un vaste et tendre
Apaisement
Semble descendre
Du firmament
Que l’astre irise …

C’est l’heure exquise.

 

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Verlaine au bistrot

L’affaire Verlaine 7/9
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Il est bien connu qu’au XXè siècle, la poésie française a plus ou moins abandonné la rime et le vers bien réglé à 8 ou 12 pieds pour d’autres aventures. Notre vieux vers régulier, poli et distillé par les siècles, n’a donc survécu que dans la chanson : chanson française « de qualité »,  chanson à texte, chanson à faire du fric, variété débile, chanson paillarde, de réclame, d’amour, de troufion, de gauche, de droite ,…  ils sont presque tous d’accord : la poésie s’en est sevrée, mais rime et mètre restent bien les mamelles de la chanson ! Ce bon Paul Verlaine semble avoir vu le coup venir… « rimer est pressant » écrivait-il dans son poème, J’admire l’ambition du vers libre.

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J’admire l’ambition du Vers Libre, –
Et moi-même que fais-je en ce moment
Que d’essayer d’émouvoir l’équilibre
D’un nombre ayant deux rhythmes seulement?

Il est vrai que je reste dans ce nombre
Et dans la rime, un abus que je sais
Combien il pèse et combien il encombre,
Mais indispensable à notre art français.

Autrement muet dans la poésie,
Puisque le langage est sourd à l’accent.
Qu’y voulez vous faire? Et la fantaisie
Ici perd ses droits: rimer est pressant.

Que l’ambition du Vers Libre hante
De jeunes cerveaux épris de hasards!
C’est l’ardeur d’une illusion touchante.
On ne peut que sourire à leurs écarts.

Gais poulains qui vont gambadant sur l’herbe
Avec une sincère gravité !
Leur cas est fou, mais leur âge est superbe.
Gentil vraiment, le Vers Libre tente !
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Au fait, il nous faut une chanson qui parle de Verlaine. C’est Renaud qui s’y colle dans Mon bistrot préféré.

 

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Colombine

L’affaire Verlaine 6/9
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On continue notre balancier : dans le dernier post, la chanson nommait Verlaine, aujourd’hui, on chante ses vers. Georges Brassens n’a mis en musique qu’un seul poème de Verlaine, Colombine. Après tout ce que j’ai raconté sur Verlaine, on s’en étonnera peut-être. Je n’ai pas d’explication à cette énigme.

 

On notera la légèreté du propos et à quel point la musique, l’accompagnement et l’interprétation le servent à merveille. Dans toutes les mises en musique de Verlaine de la série, je trouve qu’il n’y que Brassens et Trenet qui captent cette légèreté… J’ai prévu une série où l’on comparera Brassens l’auteur à Brassens le compositeur d’ailleurs, mais patience. En attendant, je vous propose une petite expérience : répétez mille fois « Parlez moi de la pluie, et non pas du beau temps » (premier vers de L’Orage de Brassens). Puis répétez mille fois « Léandre le sot, Pierrot qui d’un saut de puce » (de Verlaine donc). Vous verrez lequel des deux s’use le premier, lequel est le plus « soluble dans l’air ».

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Il croyait vraiment qu’elle le prenait pour Verlaine

L’affaire Verlaine 5/9
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Dans le deuxième post de la série, on annonçait que ce grand buveur de Verlaine rimait avec verveine. Aujourd’hui, on le prouve (c’est vers 2:10 si vous ne voulez pas tout écouter, parce qu’entre nous, c’est un peu saoulant toute cette verveine). Pierre Bachelet, En ce temps là j’avais 20 ans.

 

On continue l’enquête sur Verlaine, toujours avec Borges. Dans L’inachevable, Yves Bonnefoy rapporte que les derniers mots qu’il a entendus de la bouche de Borges était « Virgile et Verlaine », prononcés sur son lit d’hôpital, quelques mois avant sa mort. Et Bonnefoy de se lancer dans des explications :

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Verlaine, au contraire [de Virgile], c’est de la vérité vécue en toute irresponsabilité. Il ne propose aucune tâche élevée, il ne cherche pas à connaître, il se contente de laisser vivre en lui les pulsions, les appétits, les nostalgies, les enthousiasmes de l’être faible qu’il est, et de ce fait on peut, assurément, s’agacer de lui et le tenir pour un poète mineur. Mais penser ainsi, ce serait pas avoir remarqué la façon dont les mots vivent chez lui, des mots capables de se rouler, toute honte bue dans des rêveries au mieux enfantines, mais aussi comme l’alouette jadis, de remonter droit dans la lumière, la transparence : vocables tout prêts alors à tout comprendre et aimer de la poésie la plus pure.  

Yves Bonnefoy
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Cette opposition entre Virgile et Verlaine, ne dirait-on pas l’opposition entre la grande poésie et les innocentes et naïves paroles des chansons ? Et comment s’étonner alors que bien des paroliers trouvent en Verlaine plutôt qu’en aucun autre poète une sorte de grand frère ? Allez, on en reparle dans le prochain post.

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Chanson d’automne

L’affaire Verlaine 4/9
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En ce 1er octobre, un post de saison, La Chanson d’Automne de Verlaine, mise en musique par Charles Trenet, sous le titre Verlaine, qui n’hésite pas à un peu tordre le texte (« blesse mon cœur » devient « berce mon cœur » par exemple). Et ceux pour qui les paroles de Gainsbourg dans le post précédent étaient mystérieuses (« Comme dit si bien Verlaine au vent mauvais … ») trouveront là quelques éclaircissements.

Avant d’écouter, on continue notre enquête sur la présence de Verlaine dans la chanson, sous le haut patronage de Jorge Luis Borges, parrain de ce blog (à son corps défendant : j’ai emprunté le nom du blog à l’une de ses nouvelles, Le jardin aux sentiers qui bifurquent).  Borges appréciait beaucoup Verlaine. Exemple, dans un entretien avec Jacques Chancel, Radioscopie, décembre 1979 :
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Si je pense à la France, je pense aussitôt à la Chanson de Roland, à Voltaire, à Taine… En poésie, à Hugo, mais surtout à Verlaine. Voilà un poète que je ne placerais évidemment pas au-dessus de Virgile, mais vous serez d’accord avec moi qu’en vertu de son incomparable innocence,  il domine de loin toute la poésie française. J’ai par exemple la certitude qu’il écrivait d’un seul jet. Impression unique et tout à fait opposée à celle que me laisse Baudelaire, dont les textes « sentent le brouillon », nombreux et préalables. De Verlaine, on peut imaginer que tout lui est venu ou lui a été donné à son insu, qu’il écrivait en pensant à autre chose. Il y a comme une inconscience, une force de la nature, dans sa poésie. En tout cas, pas de « métier ».

J. L. Borges
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