Il n’aime pas le rock

Les péchés originels du rock français 5/8
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Avec tout ce qu’on a vu sur le rock français dans les posts précédents, comment s’étonner qu’en 1962, les Français n’aiment pas le rock ? Jean Yanne, J’aime pas le rock (encore une parodie tiens …). Pourtant, c’est bath le rock comme disent les jeunes.

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Fais-moi mal

Les péchés originels du rock français 4/8
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Dans toute la production assez médiocre des débuts du rock français, je n’ai trouvé qu’une chanson qui surnage un peu et dont la gloire nous soit parvenue. Fais-moi mal Johnny, musique d’Alain Goraguer, paroles de Boris Vian, chantée par Magali Noël. C’est parfois rangé dans le rock, ce qui est défendable bien que l’orchestration soit plutôt jazzy. Et puis c’est encore plus ou moins parodique.

 

Si vous voulez vous construire votre propre playlist, je vous suggère la page wikipedia sur les débuts du rock français, j’y ai puisé pas mal d’infos, et vous verrez que j’ai fait l’impasse sur les « yéyés » (Johnny, etc, on parlera d’eux dans une autre série). Ici.

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Cording, Bike et Sainclair : rockeurs

Les péchés originels du rock français 3/8
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On a vu dans le dernier post avec le ragtime que la France était parfaitement capable d’accommoder une musique étrangère. Le ragtime n’a pas pour autant marqué  la musique populaire française, on aurait pu prendre des exemples bien plus probants dans la chanson : Charles Trenet qui arrive même à faire swinguer Verlaine (voir ici), ou les Double Six avec le jazz (voir notre série sur le Vocalese, ici), ou même plus récemment le rap. Mais le rock, au départ, ça a donné ça.

https://www.youtube.com/watch?v=OWzYXt4h798

Non mais quelle daube (et pour rappel, le rollmops, c’est du hareng roulé et mariné dans une sorte de saumure).  Qui chante ? Qui a écrit les paroles ? Et la musique ? Sûrement de pauvres nazes aujourd’hui bien oubliés. Effectivement, avez-vous entendu parler du chanteur Henry Cording, du compositeur Mig Bike, et du parolier Vernon Sinclair ?  Peut-être pas, mais sous ces trois pseudonymes se cachent respectivement Henri Salvador, Michel Legrand et Boris Vian ! Donc, c’est clair, ils se fichent de nous les vilains garnements, et ils n’osent même pas mettre leur vrai nom. Voilà le péché originel : le rock n’a pas été pris au sérieux. Il faut dire que dans ces années 1950, c’est pas génial le rock. Écoutons Rock Around The Clock de Bill Haley, l’un des tous premiers tubes de rock (regardez bien la vidéo, il y a même un accordéon derrière, et si vous voulez savoir ce que veut dire marquer les temps 2 et 4, regardez bien les petites filles qui tapent dans leurs mains).

 

C’est plein d’entrain, mais musicalement, après un demi-siècle de Ragtime, de Blues, de Swing, de Stride, de Be Bop, ça n’est vraiment pas une révolution. On dirait plutôt à une tentative de tirer le dernier jus commercial du jazz avant de passer à autre chose. Rien de très innovant. Pourquoi s’intéresser à cette mode passagère ? Surtout dans cette France qui a dominé la musique légère pendant des décennies avec les opérettes (par exemple Offenbach…), et dont les chanteurs populaires comme Maurice Chevalier ou Édith Piaf sont des stars planétaires dans ces années 1950.

Le rock de la fin des années 1950 c’est trois accords de blues, un rythme syncopé avec appui sur les temps 2 et 4, le tout chanté trop vite et trop fort pour de jeunes babyboomers à peine adolescents. Voilà, rien du tout. Évidemment, c’est sa vacuité même qui est pleine de promesses : c’est une page blanche, un cadre d’une surprenante plasticité où Bob Dylan allait pouvoir déverser de la poésie, les Beach Boys de la polyphonie, les Rolling Stones de la révolte, et les Beatles tout, et en particulier n’importe quoi. Etc. En 1960, il aurait fallu une sacrée boule de cristal pour deviner que le rock n’allait pas finir aux oubliettes, allongeant la litanie des musiques à danser et autres coups commerciaux sans lendemain : twist, jerk, smurf, tecktonik…

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Cake walk et ragtime

Les péchés originels du rock français 2/8
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On se demandait dans le dernier post pourquoi le rock français était si nul (les fans de Noir Désir, Téléphone, Trust et autres Bérurier Noirs me pardonneront : je parle du rock français des années 1950-1960). Résumons : le Rock’n Roll nait aux États-Unis dans les années 1950, croisement de musique blanche (folk, country) et noire (blues, jazz), puis arrive jusqu’en France. Les Français seraient-ils incapables d’absorber une musique nouvelle ou étrangère ? Peut-être à cause de leur « identité », provenant à coup sûr de leurs ancêtres gaulois ?

barde

 En fait, l’histoire montre que les Français sont tout à fait capables d’absorber une musique étrangère. En 1899, Scott Joplin compose Maple Leaf Rag, pièce emblématique du ragtime, un genre musical combinant des éléments de musique occidentale (piano, harmonie) à des rythmes issus du cake walk, une danse d’esclaves noirs américains. Le succès d’édition de Maple Leaf est incroyable : la partition s’est vendue à plus d’un million d’exemplaires. Le succès du cake walk et du ragtime arrive jusqu’en France : Georges Mélies réalise un film Le cake walk infernal, et Claude Debussy lui-même compose du ragtime ! On regarde tout ça .

D’abord le Maple Leaf Rag de Scott Joplin, enregistrée par lui-même sur un piano mécanique.

 

Le Golliwogg’s Cakewalk de Debussy joué par Rachmaninoff lui-même.

 

Le cake walk infernal de Georges Méliès

 

En bonus, un ragtime d’Igor Stravinsky.

 

Alors, pourquoi Pierre Boulez ne composa-t-il pas un rock’n roll dans les années 1950 (il a certes collaboré avec Frank Zappa, mais bien plus tard) ? On en parle dans le prochain post.

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Mac Kac

Les péchés originels du rock français 1/8
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John Lennon disait « Le rock français, c’est comme le vin anglais ». Il est vrai que la scène rock française des années 1950 et 1960 est, disons, assez nulle. On commence aujourd’hui une petite enquête sur ce mystère. Car pourquoi les Français seraient-ils nuls en rock ?

Comme entrée en matière, un extrait du premier album de rock français, par Mac Kac en 1956. Ça n’a pas tellement marqué les esprits, et ça reste assez jazzy (section cuivre, walking bass …).

 

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Il, le, lui

Homme au féminin, Femme au masculin 5/5
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Pour conclure, une petite de Brassens : L’assassinat. Ni femme qui chante en place d’un homme, ni le contraire, mais une petite curiosité de langage. Écoutez bien, n’est-ce pas fascinant que la phrase commençant par « Et pendant qu’il le lui tenait,… » décrive essentiellement l’action d’une femme (désignée par le pronom « lui ») ? Il, le, lui… bizarrerie de notre grammaire…

 

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Est-ce la bonne ?

Homme au féminin, Femme au masculin 4/5
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Finalement, pourquoi devrait-on être une femme pour chanter une chanson de femme ? Parce que zut, Jacques Brel est-il un soir d’été ? Georges Brassens est-il fossoyeur ? Est-il pas du tout l’antéchrist ? Claude Nougaro est-il sous mon balcon ? Georges Guétary est-il Robin des Bois ? Alain Souchon a-t-il dix ans ? Est-il carrément méchant ? Et est-il bidon ? Johnny Hallyday est-il l’idole des jeunes ?  Joseíto Fernández est-il un homme sincère ? Allain Leprest est-il nu ? Léo Ferré est-il un chien ? Michel Sardou est-il pour ? Serge Lama est-il malade ? Les Beatles sont-ils le morse ? Boris Vian est-il snob ? Johnny Hess est-il swing ? Claude Barzotti est-il rital ? Renaud est-il une bande de jeunes à lui tout seul ? Elíades Ochoa est-il charretier ? Robert Charlebois est-il reparti sur Québec Air ? Aznavour est-il un homme (oh, comme ils disent) ? Serge Gainsbourg est-il un homme (à tête de chou) ? Est-il poinçonneur ? Et est-il venu me dire qu’il s’en allait ? Daniel Balavoine est-il pas un héros ? Et est-ce qu’il s’appelle Henri ? Michel Polnareff ou William Sheller sont-ils fous de nous ? Claude François est-il mal aimé ? Bigflo et Oli sont-ils ?  Alors pourquoi ne chanteraient-ils pas des chansons de femmes ?

Mathieu Rosaz livre une belle contribution au débat, avant de reprendre Si la photo est bonne, de Barbara.

https://www.youtube.com/watch?v=Z-DuTJ1Pjpc

Mathieu Rosaz a bien raison : la chanson n’est pas simple à reprendre pour un homme. Mais pourquoi se l’interdire, car finalement, si l’interprète devait vraiment coller au personnage de la chanson, et bien pour chanter Si la photo est bonne, il faudrait non seulement être une femme, mais en plus être une authentique femme de président. Quelle idée ridicule, vous voyez Tante Yvonne chanter du Barbara ? Quoique …

 

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Son légionnaire

Homme au féminin, Femme au masculin 3bis/5
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Pierre Delorme me signale sur facebook l’intéressante reprise par Serge Gainsbourg de Mon Légionnaire, un succès des années 1930 créé par Marie Dubas. Pierre Delorme me dit : « [Cette reprise] est à mon avis à l’origine de pas mal de tentatives de ce style qu’on entendra après. Il fallait oser, Gainsbourg l’a fait ! »

Cette chanson est la dernière du dernier album studio de Gainsbourg, You’re Under Arrest. L’album contenant plusieurs chansons évoquant de manière très crue les amours d’un homme avec une certaine Samantha, on peut se demander pourquoi conclure par Mon Légionnaire… Je vous laisse à vos conjectures : chanson homosexuelle, misogyne, provocatrice, commerciale ou simplement énigmatique ? Ou même réconciliation avec les militaires après l’affaire de La Marseillaise en reggae ?  (À l’appui de cette dernière hypothèse, un petit souvenir : je me souviens avoir vu quelque part une interview de Gainsbourg où on lui demandait le pourquoi de cette reprise, il a répondu « pour les paras », mais impossible de retrouver ça évidemment.). Si quelqu’un a des documents…

Autre particularité : il y a deux clips différents, je me demande pourquoi.

 

 

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