On verra dans la suite de la série que le boucher dans la chanson moderne est un personnage affublé d’une forte personnalité, une sorte d’Obélix bien pratique pour meubler les répertoires avec sa balourdise vaguement sanguinaire. Mais avant ça, abordons un personnage plus rare, le boucher surréaliste, dont on se demande ce qu’il fabrique dans sa chanson. Et oui, c’est quoi « cette manière de traverser quand elle s’en va chez le boucher » ? Pourtant ça ne manque pas les rimes en [é] un peu plus romantiques que « boucher ». La chanson Elle est d’ailleurs est de Pierre Bachelet, maître de la rime (on avait déjà vu dans ce blog qu’il a osé faire rimer « Verlaine » avec « verveine », voir ici, non mais ça c’est le comble).
Dans ce billet placé sous le signe de la sentimentalité bouchère, je vous propose un extrait du Ventre de Paris d’Émile Zola. À la charcuterie, la belle et grasse Lisa s’éprend de l’ample Quenu.
Cela dura un an, sans une rougeur de Lisa, sans un embarras de Quenu. Le matin, au fort du travail, lorsque la jeune fille venait à la cuisine, leurs mains se rencontraient au milieu des hachis. Elle l’aidait parfois, elle tenait les boyaux de ses doigts potelés, pendant qu’il les bourrait de viandes et de lardons. Ou bien ils goûtaient ensemble la chair crue des saucisses, du bout de la langue, pour voir si elle était convenablement épicée.
Tiens, et puis Nadia me signale P… de toi de Georges Brassens, avec le seul personnage de boucher de toute l’œuvre de Brassens si je ne m’abuse. On reviendra un peu plus tard sur cette quasi-absence. Par le groupe Brassens not dead.
Voilà venue l’heure tant attendue de la solution, pardon de la lolutionsec. Vous l’avez tous deviné, toutes les chansons de l’énigme ont recours au loucherbème, l’argot des bouchers de Paris. Voilà ce qu’en dit Marcel Schwob dans son Étude sur l’argot français.
Une des déformations du langage qui frappe le plus vivement celui qui étudie l’argot, c’est le procédé artificiel connu sous le nom de loucherbème (boucher). Il porte le nom de boucher parce qu’il est employé par la corporation des garçons bouchers concurremment avec les classes dangereuses. Ce procédé consiste à remplacer la première lettre d’un mot par l, à la rejeter à la fin du mot, et à la faire suivre d’un suffixe. Ici le suffixe est ème; ailleurs il sera différent […].
Reprenons. Partons du mot « boucher ». On enlève la première lettre « b », ça donne « oucher ». On met le « l » au début, ça donne « loucher ». On remet la première lettre à fin, ça donne « loucherb ». On ajoute le suffixe arbitraire « ème », ça donne bien « loucherbème ».
Appliquons le procédé à « douce ». Avec le suffixe « é », ça donne « loucedé », et donc « en loucedé », expression entendue dans Jojo la fleur bleue, première chanson de l’énigme. Appliquons le précédé à « fou ». Avec le suffixe « oque », ça donne « loufoque », mot entendu dans Les recalés, deuxième chanson de l’énigme. « Portefeuille » donne « lortefeuillepem », plutôt rare, mais dont le dérivé « larfeuille » est en usage, par exemple dans Ton jean bleu, troisième chanson de l’énigme (dont la présence est donc discutable puisque « larfeuille » n’est pas du pur loucherbème).
Autrefois, un franc se décomposait en vingt sous. Or « vingt » en loucherbème se dit « linvé » ce qui fait que « un linvé » c’est une pièce de un franc. « Faut six mois pour faire un linvé » nous chante Bruant dans À Saint-Lazare, quatrième chanson de l’énigme. Marcel Schwob signale que sur la même construction, la pièce de deux francs (quarante sous), c’est un « larante ». Je propose de généraliser le dispositif à l’euro, ça nous changera de la pièce de deux lalleboudifs.
Appelez ça comme voulez, cinquième chanson de l’énigme recoure à « loucedé ». « À poil » se dit en loucherbème « à loilpé », entendue dans Berceuse pour un raté, sixième chanson de l’énigme. J’ai trouvé cette chanson alors que l’énigme était déjà prête, et elle a pris la place de Nadine a oilpé de Gotainer qui recoure à une variante qui n’est peut-être que du verlan et pas de l’authentique loucherbème. Je la passe aujourd’hui.
Bruant dit « lacromuche » pour « maquereau » dans À la place Maubert, septième chanson de l’énigme. Le dernier trocson, huitième chanson de l’énigme utilise « loucedé ». Et je hasarde l’hypothèse que le mot « trocson » lui-même est l’aphérèse de « listrobscon », soit « bistrot » en loucherbème. Les quatre chansons de Renaud du neuvième billet de l’énigme utilisent « loucedé » ou « larfeuille ». Le rap Sale argot du dixième billet comporte un couplet entier en loucherbème (vers 3:00 sur la vidéo). Enfin, la Lansonchouille du dernier billet est entièrement en loucherbème, y compris le titre.
L’histoire du loucherbème n’est pas entièrement connue. Le premier mot en loucherbème dont on trouve une trace écrite semble dater de 1881, avec Au pays de largonji (largonji = jargon en loucherbème), titre d’un chapitre de La chanson des gueux de Jean Richepin. Je l’ai lu, il ne comporte pas un seul mot de loucherbème, à part le titre bien sûr. Dans son Étude, Marcel Schwob retrace l’usage de divers procédés argotiques automatiques. Les seuls d’usage courant aujourd’hui sont le verlan et l’ajout de suffixes (« troquet » transformé en « trocson »). L’anagramme, aujourd’hui cantonnée aux amusements oulipiens, est sans doute le plus ancien. Schwob parvient à en remonter la piste jusqu’à François Villon qui utilisait par exemple « tabart » pour « manteau, « rabat » en ancien français.
Item au Loup et à Chollet Je laisse à la foys un canart, Prins sous les murs, comme on souloit, Envers les fossez, sur le tard; Et à chacuns un grand tabart De cordelier, jusques aux pieds, Busche, charbon et poys au lart. Et mes housaulx sans avant piedz.
François Villon, Petit Testament, XXIV.
On reparlera de tout ça dans une prochaine série sur l’argot en chanson, vaste sujet. En attendant, il faut une chanson, et je vous ai déjà livré toutes celles que je connais avec du loucherbème dedans. Puisqu’on parlait de Jean Richepin, je vous propose pour bien finir l’année une mise en chanson des Oiseaux de passage, par Rémo Gary qui, à la différence de Brassens, adapte le texte intégral.
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Un petit mot d’excuse à mes abonnés par email pour un billet envoyé par erreur hier. Il est prévu pour les vacances de Noël, je l’ai effacé et je ressors à la date prévue.
Ah, le solfège, le sujet qui plus encore que les bugs de la programmation me fait perdre tous mes lecteurs, j’adore. Alors voilà, la mélodie de The star-spangled banner commence de manière assez originale : en descendant un arpège majeur : sol – mi – do (je transpose en do par commodité). C’est assez curieux et pas si commun. L’intervalle de quinte (do – sol donc) est plutôt banal, abrupt et grandiloquent si on le laisse dans sa nudité. Il ouvre le générique de Star Wars ou du feuilleton Dallas (le fameux « Dââââ…Lâââs ») par exemple. Le sol, 5e degré de la gamme, est plutôt instable et appelle une résolution sur le do, premier degré de la gamme. S’attarder sur un sol crée donc une tension dramatique ce qui convient à un générique. Mais un hymne, même américain, n’est pas le générique d’un feuilleton ou d’une saga. La tension créée par le sol se doit d’être résolue tout de suite pour produire un effet plébiscitaire de solennité et de confiance dans la mère patrie. Descendre l’arpège est donc assez malin pour un hymne, on termine naturellement et vite sur le premier degré de la gamme, les tensions se résolvent d’elles-même, un joli packaging, on n’en attendait pas moins des Américains. L’arpège est remonté juste après, mais le sol auquel il parvient est résolu immédiatement une octave plus haut par un do aigu (et oui, la mélodie commence par sol – mi – do – mi – sol – do). Bravo, en six notes on a tout : la tension, accentuée par le premier mi placé en syncope, et deux fois sa résolution. Je trouve ça mieux fait que La Marseillaise, qui elle aussi résout dès le départ, mais de manière plus banale (cinquième degré répété en anacrouse sur « A-llons-z’en », résolu sur le premier degré « fants »), et qui recoure aussi à l’arpège descendu, mais un peu plus loin (sur le « i-i-e » de « la patri-i-e »).
Je connais assez peu de chansons françaises qui commencent par un arpège descendu… J’ai remarqué que c’était le cas d’Embrasse-les tous de Georges Brassens. Je ne trouve pas cette chanson très convenable pour un hymne, mais je vous la passe quand même et vous laisse à vos réflexions sur l’habilité prodigieuse des mélodies du bon Georges (Brassens, pas Bush évidemment). Notez qu’ici, l’arpège est mineur (sol – mi bémol – do).
Retournons à notre solfège. On peut se demander pourquoi le mode majeur. Il est plus lumineux que le mode mineur, ce qui convient évidement à un hymne. D’ailleurs, d’après la page Wikipedia Hymne national, presque tous les pays du monde ont leur hymne national en mode majeur. Il n’y a que treize exceptions : Azerbaïdjan, Bulgarie, Cambodge, Irak, Israël, Japon, Kazakhstan, Kenya, Népal, Slovaquie, Roumanie, Tadjikistan et Turquie. Vous noterez que plus de la moitié de ces pays ont subi d’une manière ou d’une autre l’influence ottomane, et donc celle de la musique turque et de son riche système modal. Mais j’en viens à une subtilité de l’hymne américain. L’arpège majeur (do – mi – sol) enchaine une tierce majeure et un tierce mineure. L’arpège mineur (do – mi bémol – sol) enchaîne une tierce mineure et une tierce majeure. Mais si on les joue à l’envers, évidemment, l’ordre des tierces s’inverse. On se retrouve en majeur avec le petit intervalle d’abord (sol – mi). J’ai remarqué qu’on avait du coup une sensation subliminale diminution, et donc de mode mineur. Ce qui fait qu’à mon avis, The star-spangled banner, bien qu’en mode majeur, produit au début (inconsciemment bien sûr) une impression de mode mineur puisque l’arpège est joué à l’envers. Ceci jette comme un voile fugace d’obscurité au début, tout à fait bienvenu lorsque que, l’œil rivé sur le drapeau, on montre son gros menton en pensant aux morts au combat et à tous ces trucs patriotiques. Avant de se ressaisir et de reprendre son flingue, américain évidemment. Vraiment bien conçu cet hymne.
J’en viens donc au point crucial de ma démonstration. Il faut aux Américains un hymne qui joue les gammes à l’envers, seul moyen efficace (et donc américain), d’obtenir sans modulation les avantages des modes majeur et mineur. Je propose donc une mélodie écrite en mode mineure, mais qui, du fait qu’elle descend les cinq premiers degrés de la gamme (sol – fa – mi bémol – ré – do) au lieu de le remonter, produit un effet tout à fait guilleret et lumineux de gamme majeure. Une seule possibilité donc : comme nouvel hymne national pour l’Amérique, il faut le générique de La soupe aux choux. C’est irréfutable, c’est prouvé par la musicologie (et la diététique, mais c’est un autre sujet). Une composition de Raymond Lefebvre.
Je propose une nouvelle définition de la musicologie : science qui permet de parler de René Fallet et Georges Brassens alors que le sujet est l’hymne national américain.
Louis de Grenoble nous propose quelques vers de Jacques Prévert, récités par Serge Reggiani au début de sa chanson Le petit garçon.
Ce n’est pas moi qui chante c’est les fleurs que j’ai vues ce n’est pas moi qui ris c’est le vin que j’ai bu ce n’est pas moi qui pleure c’est mon amour perdu.
Je profite de ce billet supplémentaire pour insérer une extrait de Mon oncle Benjamin de Claude Tillier. C’était parait-il le livre préféré de Georges Brassens.
Boire et manger sont deux êtres qui se ressemblent: au premier aspect, vous les prendriez pour deux cousins-germains. Mais boire est autant au-dessus de manger que l’aigle qui s’abat sur la pointe des rochers est au-dessus du corbeau qui perche sur la cime des arbres. Manger est un besoin de l’estomac; boire est un besoin de l’âme. Manger n’est qu’un vulgaire artisan, tandis que boire est un artiste. Boire inspire de riantes idées aux poëtes, de nobles pensées aux philosophes, des sons mélodieux aux musiciens; manger ne leur donne que des indigestions.
Nous commençons cette série d’automne par quelques strophes de circonstance. Elles sont de Raoul Ponchon. Peut-être pas le poète le plus célèbre de toute notre belle littérature, mais le plus prolifique sans doute. Il parait qu’il a écrit plus de 150 000 vers. On reparlera de lui dans cette série.
Laisserai-je passer l’automne, Sans le chanter ? Non, non. Je n’y puis résister ; Croyez-moi, c’est la bonne Saison. Allons-y de notre chanson.
Que d’aucuns chantent sur leur lyre Ce qu’ils voudront, Et qu’ils convoitent pour leur front Les lauriers d’un Shakespeare… Ma foi, C’est leur affaire. Quant à moi,
Qui me fiche autant de la gloire Que d’un corset Vide, et suis né, comme l’on sait, Uniquement pour boire, Je bois ! Que si j’ose élever la voix
Dans le tumulte de la Vie, Ce n’est que pour Célébrer le Vin et l’Amour, Et l’amour de ma mie, Ô gué ! Encor suis-je bien fatigué !
Que d’autres chantent sur leur lyre Le doux Printemps, C’est gentil quand on a vingt ans ; Ce serait du délire À moi, De m’emballer à son endroit.
Sans remonter au Moyen Âge, Ne vais-je pas Toucher… encore quelques pas – À l’hiver de mon âge ?… Hélas ! Ce que c’est de nous, Babylas !
Un coq, chaque matin, me guette « Fini, l’été ! Dit-il. – C’est temps, en vérité, De fermer ta brayette, Ponchon ! Ouvre ta cave, mon cochon !
« Tes dents, vrais haricots malades, Fichent le camp, Au moindre vent qui souffle, ou quand Tu manges des panades ; Et ton Crâne est plus chauve qu’un toton. »
Las ! je cassais des clous, naguère, Avec mes dents. J’avais des cheveux abondants À ne savoir qu’en faire, Jadis ! Il ne m’en reste plus que dix !
C’est pourquoi, je vous le répète, Je bois du vin, Car il me semble en avoir vingt, Dès que je suis pompette. Et quoi Nous sauve, si ce n’est la foi !
Vive donc le superbe automne, Rouge et doré ! Le vin magnifique et sacré, Qui chante dans la tonne, Le vin… Je ne dis pas l’eau… mais le Vin !
En ce mois d’octobre célébrons donc sans modération le jus d’octobre et l’alcoolisation. Le vin de Georges Brassens.
Autre chanson alcoolisée de Brassens : L’épave. Au fronton de laquelle j’inscris ces vers de Victor Hugo, aux rimes rendues approximatives par une langue sans doute trop pâteuse.
Un discours de cette espèce Sortant de mon hiatus, Prouve que la langue épaisse Ne fait pas l’esprit obtus.
À propos du jeu de cache-cache, Simon Modeste nous propose un tube des années 1980 un peu oublié… Cache-cache party de Jérôme Pijon. Yeah, ça envoie.
Et Simon Billouet me propose un lien vers de nombreuses chansons sur le jeu de go, ici. Il y a notamment une adaptation au jeu de go d’Il n’y a pas d’amour heureux par Denis Feldman. Le site crédite la musique à « french trad. », alors qu’elle est de Georges Brassens. Cette approximation est sans doute le plus beau des compliments.
Merci à Simon et Simon pour vos commentaires et suggestions. Je n’ai pas la chance de vous connaître, et je m’excuse si à un moment je vous ai confondus dans mes réponses à vos commentaires !
Après le go et le bridge, assez rarement évoqués en chanson, on parle d’un jeu bien de chez nous, présent dans nombreuses chansons, prétendant légitime au titre de jeu le plus cité en chanson, mais un peu derrière le flipper d’après mes statistiques secrètes. Sacha Distel, La pétanque.
La pétanque est même présente dans deux chansons de Georges Brassens, honneur qui n’est réservé à aucun autre jeu me semble-t-il. Voilà donc la réponse à notre troisième devinette (bravo à Simon Billouet et Pierre Delorme). C’est dans Le modeste et dans Vénus callipyge.
Pour conclure ce billet, la partie de boules dans le film Fanny.
Pour le premier thème de l’année, le Jardin joue : chanteurs joueurs, joueurs chanteurs, jeux en chansons, etc. Vous aussi, chères lectrices et chers lecteurs, êtes invités à jouer puisque je vous propose quatre devinettes :
Quel est le jeu le plus souvent cité en chanson ? Je ne prétends pas avoir la réponse ultime, qui supposerait de connaître toutes les chansons… et tous les jeux. J’attends vos propositions, les plus foutraques s’il vous plait.
Quelle chanteuse dont la carrière fut assez brève a la particularité que ses deux plus grands succès mentionnent chacun un jeu dans leur titre (mais pas le même jeu) ? Indice : cherchez du côté des années 1980.
Georges Brassens ne semble pas avoir eu le démon du jeu. Aussi, peu de jeux sont-ils cités dans ses chansons. Quel est le seul d’entre eux qui soit mentionné dans deux d’entre elles ? Indice : la réponse ne se trouve pas au début de la chanson Le moyenâgeux.
La devinette la plus difficile. Quelle chanteuse qui a pour nom un jeu de carte chante une chanson sur un autre jeu de carte ? Bravo à qui la résout, celle-là…
Mais entrons dans le vif du sujet et commençons notre étude par le jeu d’échecs. Saviez-vous que le meilleur joueur de son temps, le premier véritable théoricien du jeu, François-André Danican Philidor, était aussi un compositeur renommé ? Probablement l’exemple le plus éclatant de double carrière dans le jeu et la musique jusqu’à l’avènement de Patrick Bruel.
En chanson, le jeu d’échecs est rarement évoqué. Je vous propose La partie d’échecs de Jacques Douai, dans un disque de La fine fleur de la chanson française.
Les échecs inspirent donc assez peu les chanteurs. Ce jeu élitiste serait-il incompatible avec un art aussi populaire que la chanson ? À l’encontre de cette théorie, j’observe que le jeu d’échecs inspire assez les rappeurs.
Échec et mat par Sofiane
Jeu d’échec par Malakine
Mon hypothèse : la confrontation titanesque de deux égos s’accommode bien de l’univers violent du rap. La grandiloquence ésotérique du jeu est en outre une variante originale de l’étalage d’armes à feu, ce qui divertit quelque peu la mégalomanie fatiguée du rappeur.
Je note que les chansons de ce billet sont assez inintéressantes du point de vue du jeu. Il faut dire que les échecs, et plus généralement les sujets techniques ou scientifiques, sont souvent maltraités dans la culture populaire. Voyez cet extrait du film Revolver, avec l’exposé laborieux d’une théorie tout aussi bouffonne que la partie qui l’illustre.
Les joueurs d’échec curieux peuvent consulter ce lien, où la combinaison est reconstituée et commentée.
En fait, même dans des films apparemment bien documentés, les parties d’échecs sont généralement assez fantaisistes. Voir par exemple La diagonale du fou, Oscar du meilleur film étranger en 1984, qui relate un affrontement échiquéen sur fond de guerre froide. La vidéo ci-dessous nous montre une combinaison dont le personnage joué par Michel Piccoli semble assez fier, et qui désarçonne son adversaire. Mais même avec mon niveau très faible aux échecs, elle me parait un peu simplette pour des joueurs en compétition pour le titre mondial.
Je m’en suis ouvert à mon collègue Édouard Bonnet, excellent joueur d’échec (dans le top 150 français), voilà ce qu’il m’écrit :
Le coup Dxh3+ (dame prend pion, échec) n’est pas difficile pour des joueurs candidats au titre mondial. Donc le joueur ayant les Blancs ne devrait pas être surpris. Après ce coup, tout joueur à ce supposé niveau abandonnerait immédiatement, en tout cas en cadence lente.
Même si ce n’est pas la pire dépiction des échecs au cinéma, cette scène comporte plein de mauvais choix des acteurs et/ou du metteur en scène, qui font sourire ou grincer des dents les habitués du monde échiquéen.
Voici une liste non exhaustive d’éléments problématiques.
Le déplacement des pièces surtout par Piccoli n’est pas convaincant. Le mouvement sautant du cavalier n’est pas approprié. Sans pièce venant obstruer sa trajectoire, les joueurs d’échecs feraient typiquement glisser cette pièce (surtout que c’est un déplacement court).
La main en suspens de son adversaire est aussi totalement déplacée.
Ce même adversaire appuie beaucoup trop fort sur la pendule.
La tenue à la table pourrait être améliorée.
Les joueurs ont chacun une feuille de partie (c’est normal) mais ils ne notent pas les coups (c’est obligatoire après chaque coup).
Les applaudissements alors que l’adversaire de Piccoli n’a pas encore abandonné viennent de nulle part.
Finalement, la meilleure partie d’échecs au cinéma, c’est dans Le septième sceau d’Ingmar Bergman.